L’Assemblée nationale vote pour une taxe GAFA symbolique

L’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture le projet de loi visant à instaurer un nouvel impôt sur certaines activités des grandes entreprises du numérique, dite « taxe GAFA ».

Le projet de loi entérine également un report d’un an de la baisse de l’impôt sur les sociétés, qui devrait atteindre 25% à la fin du quinquennat. Pour les organisations de la PPFJ, la taxe GAFA n’est qu’une mesure symbolique eu égard au phénomène de l’évasion fiscale.

Si la taxe GAFA a le mérite de pointer les limites du système fiscal international, elle ne constitue qu’une proposition très limitée, alors que l’évasion fiscale des entreprises multinationales est un problème généralisé et que, dans le même temps, la baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuit, accentuant la course au moins-disant fiscal aux niveaux européen et mondial.

« Cette taxe de 3% sur le chiffre d’affaires numérique devrait uniquement concerner une trentaine d’entreprises, mais elle ne s’attaque pas aux mécanismes au cœur des montages d’évasion fiscale des grandes entreprises. Pour 2019, les recettes de cette taxe sont estimées à 400 millions d’euros par Bercy, bien peu au regard des 80 à 100 milliards d’euros annuels que coûtent l’évasion fiscale au budget de l’État », explique Lison Rehbinder (CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la PPFJ).

« Les recettes générées par la taxe GAFA sont ridiculement faibles, comparées à celles que devrait perdre l’État, du fait de la baisse de l’impôt sur les sociétés : entre 15 et 17 milliards par an. En refusant de remettre en cause la baisse de l’impôt sur les sociétés, la France ne fait qu’accentuer la course au moins disant fiscal. A ce rythme, le taux moyen mondial d’impôt sur les sociétés pourrait atteindre 0% en 2052. C’est d’autant plus choquant que la France plaide au niveau international pour l’instauration d’un taux minimum d’imposition effectif pour les sociétés », relève Quentin Parrinello (Oxfam France).

« Les citoyens sont les premières victimes des pratiques d’évasion fiscale des multinationales, en France et dans les pays en développement. La France doit s’engager clairement pour une remise à plat du système fiscal international, qui associerait les pays en développement sur un pied d’égalité. Cette remise à plat permettrait de taxer plus simplement les entreprises en fonction de leurs activités réelles en les considérant comme une entité unique. Sans cela, les entreprises multinationales auront toujours un temps d’avance pour utiliser les failles du système fiscal. La France doit également s’engager pleinement pour la transparence, afin que l’on sache enfin combien d’impôts payent les entreprises multinationales dans tous les pays où elles opèrent », conclut Dominique Plihon (Attac France).

 

Nota bene :

Ce projet de loi fait suite à l’échec annoncé des discussions menées au sein de l’Union européenne visant à instaurer une taxe GAFA de 3 % sur le Chiffre d’Affaires (CA) des entreprises du numérique réalisant un CA d’au moins 750 millions d’euros. Une mesure bloquée par l’unanimité requise en matière de fiscalité au Conseil de l’Union européenne suite aux oppositions de pays comme l’Irlande, le Danemark ou la Suède. La taxe GAFA française portera sur la vente par les grandes entreprises du numérique des services suivants : intermédiation, vente de données personnelles et publicité ciblée.

Le système fiscal international repose sur une approche traditionnelle et largement dépassée de l’activité économique, basée sur la notion d’établissement stable (présence durable et physique), facilement contournée : il considère les filiales des entreprises multinationales comme des entités séparées qui échangeraient au prix du marché « de pleine concurrence ». Cela permet aux multinationales de transférer artificiellement leurs bénéfices d’une filiale à une autre, d’une juridiction à une autre, dans le seul but d’échapper à l’impôt, comme Amazon au Luxembourg ou Google aux Bermudes.

Les débats sur la taxation du numérique occupent également l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques). Plus de 125 États ont annoncé vouloir avancer sur cette question d’ici à 2020. La France veut porter une proposition sur une imposition mondiale minimale en ce sens. Cependant, les précédentes réformes fiscales menées au sein de l’OCDE ont renforcé les principes de pleine concurrence et n’ont pas permis la participation des pays en développement aux travaux. La capacité des États de réussir à mener des réformes au sein de l’OCDE prenant en compte les demandes et intérêts de tous les États, y compris en développement, est à démontrer et sera au cœur des enjeux de ces travaux. Les 132 États du G77, de leur côté, demandent la création d’un organisme fiscal à l’ONU, afin que tous les États puissent travailler à la révision des règles fiscales sur un pied d’égalité.

La dangereuse course au moins-disant fiscal s’accélère, y compris au sein de l’Union Européenne. En 2016 et 2017, pas moins de douze gouvernements ont réduit leur taux d’imposition sur les sociétés, d’après un rapport du collectif Eurodad, tendance très inquiétante qui risque de faire peser de plus en plus l’impôt sur les plus pauvres.