Propositions de la plateforme « paradis fiscaux et judiciaires »

Ces propositions ont été élaborées par la plateforme qui regroupe 19 organisations de la société civile dont Justice et Paix.

 Transparence

Obliger les entreprises multinationales à rendre des comptes

De nombreuses multinationales parviennent aujourd’hui à éviter de payer une partie de leurs impôts en transférant leurs bénéfices dans des territoires où ils ne sont pas ou peu imposés.

Il faut les obliger à publier des informations concernant leurs activités, chiffre d’affaires, bénéfices, nombre d’employés, et impôts payés, dans tous les pays où elles sont présentes.

 

Mettre fin aux sociétés écrans et aux prête-noms

Les sociétés-écrans permettent de cacher l’identité des bénéficiaires réels d’une société. Elles sont au cœur des montages permettant le blanchiment de l’argent du crime, la fraude, l’évasion fiscale à grande échelle, la corruption, le terrorisme.

La France doit rendre publics tous les registres des bénéficiaires effectifs, des trusts, des sociétés et autres structures juridiques qui concourent à l’opacité du système financier. Elle doit promouvoir la création de tels registres publics au niveau européen, de l’OCDE et du G20.

 

Publier les rescrits fiscaux passés entre les entreprises multinationales et les Etats

Les rescrits fiscaux sont des accords, passés entre des administrations fiscales et des entreprises pour permettre de clarifier leur situation fiscale et leur garantir que leurs pratiques fiscales ayant fait l’objet d’un accord ne sont pas remises en cause. Or ces accords peuvent être mal utilisés et légitimer des pratiques d’évasions fiscales importantes.

La France doit demander, notamment au niveau européen la publication des éléments principaux de tous les rescrits fiscaux accordés aux entreprises multinationales.

 

Pays en développement

Créer un organisme fiscal intergouvernemental sous l’égide des Nations unies

Une véritable coopération en matière fiscale n’a pas encore vu le jour. Les processus en cours au sein du G20 et de l’OCDE sur les normes fiscales excluent actuellement plus de 100 pays de ces négociations « internationales » et promeuvent des normes et solutions qui ne fonctionnent pas dans les pays en développement – voire qui les désavantagent

La France doit défendre la création d’un organisme fiscal intergouvernemental.

 

Imposer un échange automatique d’informations entre les autorités fiscales

A partir de 2017, la nouvelle norme sur l’échange automatique de données bancaires élaborée par l’OCDE va être effective. Plus de 90 pays s’y sont engagés mais un pays garde la possibilité de refuser d’échanger ses informations de manière automatique avec d’autres pays. Les pays en développement sont particulièrement laissés de côté, en raison notamment des normes de confidentialité exigées. De plus, des insuffisances subsistent – ports francs, coffres bancaires, incitations à la « fausse résidence » etc.-.

La France doit soutenir une période de transition pour les pays en développement dans l’incapacité actuelle de répondre aux exigences de réciprocité pour leur permettre de recevoir automatiquement des informations, même s’ils ne sont pas en mesure de partager les leurs.

 

Rendre plus justes les conventions fiscales entre pays en développement et pays développés

Une convention fiscale passée entre deux pays détermine quel pays récupère les impôts d’une entreprise multinationale.

Il s’agit d’un réel danger pour les pays en développement: d’abord parce qu’elles ne contiennent pas systématiquement de clauses anti abus. Ensuite, parce qu’elles sont souvent signées sur le modèle de l’OCDE, qui confère aux pays où ont lieu les investissements (souvent les pays en développement) moins de droits à taxer qu’aux pays d’où proviennent les investissements (en majorité les pays développés) ; et enfin, parce que les pays européens ont beaucoup œuvré pour la réduction du taux de retenue à la source.

La France est le pays de l’UE qui a signé le plus de conventions fiscales avec les pays en développement mais fait aussi partie des pays qui imposent les plus fortes réductions à la source dans ses conventions fiscales. Elle doit effectuer une étude d’impact afin d’identifier d’éventuels effets négatifs et entamer la révision de ces conventions.

 

Pratiques fiscales abusives

Dresser une liste de tous les paradis fiscaux et judiciaires selon de nouveaux critères et prendre des sanctions à l’encontre de ces territoires

Les institutions internationales travaillent de manière séparée sur les territoires « offshore » et établissent chacune leur propre liste. En France, en 2017, la liste des Etats et territoires non coopératifs ne comprend plus que 7 pays anecdotiques.

Les institutions internationales spécialisées doivent travailler ensemble pour établir des critères communs.

 

Mettre un terme aux régimes fiscaux dommageables et à la concurrence fiscale

Les pays s’engagent de plus en plus dans une course très violente au « moins disant fiscal ». La France doit se prononcer en faveur de l’instauration d’un taux plancher pour l’impôt sur les sociétés au niveau européen.

 

Lanceurs d’alerte et impunité fiscale

Protéger les lanceurs d’alerte

Adopter une protection efficace des lanceurs d’alerte qui agissent dans l’intérêt général en révélant les pratiques d’évasion fiscale.

 

Supprimer le monopole du ministère des finances en matière de poursuites pénales envers les fraudeurs (verrou de Bercy)

En France, pour qu’un juge puisse ouvrir une enquête pour fraude fiscale, il doit obtenir l’accord du ministère des Finances. Y mettre fin est un premier pas nécessaire pour établir une coopération entre justice, police et services fiscaux.

 

Renforcer les sanctions à l’égard des intermédiaires

Obligation doit être faite aux intermédiaires juridiques et financiers (comptables, avocats, banquiers, commissaires aux comptes, etc.) de déclarer aux autorités les montages qui visent à soustraire leurs clients à l’impôt.

Un tel dispositif, en place au Royaume-Uni depuis 2004 aurait rapporté au fisc britannique 14 milliards d’euros. Selon l’ancien agent des impôts Richard Brooks, cette mesure est de loin la plus efficace de l’arsenal anti-fraude outre-Manche. Des mesures similaires existent au Canada, aux États -Unis, au Portugal, en Australie et en Irlande.

 

Renforcer les sanctions à l’égard des fraudeurs

Les condamnations pour fraude fiscale les plus dures sont peu nombreuses (70 à 80 cas d’emprisonnement par an) et ne concernent quasiment que les petits fraudeurs. Les délinquants fiscaux doivent être traités comme tous les délinquants.

Il faut renforcer les sanctions pénales applicables aux personnes morales condamnées pour corruption ou fraude.

 

Système fiscal international

Réfléchir à des alternatives au système fiscal international actuel

Le principe qui régit les règles d’imposition des entreprises multinationales depuis près de 100 ans est le principe de pleine concurrence : les différentes filiales d’une entreprise multinationale sont considérées comme des entités indépendantes les unes des autres. Les prix de vente d’un produit ou d’un service entre deux filiales – autrement appelés prix de transfert – doivent alors être comparables à ceux pratiqués au prix du marché. Cependant, cette approche extrêmement complexe nécessite d’avoir des éléments de comparaison la plupart du temps inexistants.

 

Harmoniser la définition des comportements répréhensibles en matière fiscale

Définir avec précision ce qu’on appelle infractions/délits en matière fiscale, en reconnaissant aux niveaux européen et international le caractère délictueux de certains comportements.