Lobby or not lobby ?

Un récent article des Échos titrait : « Le buzz aux États-Unis : plusieurs entreprises rompent leurs liens avec le lobby des armes » (26 février 2018). Auprès de nombreuses instances politiques ou économiques, le lobbying a pris une ampleur considérable. Le mouvement Pax Christi invitait à réfléchir à ce phénomène, lors d’un colloque à l’Institut Catholique de Paris, le 10 mars 2018 : « Vérité & Pouvoir : quel rôle pour les lobbies ? ».

 

Le mot latin médiéval laubia (galerie, portique – IXe siècle), est passé (1) en vieil haut allemand : louba (auvent, hall, toit), et (2) en vieux français : laubja, abri de feuillage, antichambre (vers 1135), niche, galerie, tribune (vers 1200), guérite (1430), loge de portier (1660), salle de spectacle (1680) ou acteur (1762), lieu de réunion de francs-maçons (1740). De là, découlent deux termes anglais : (1) lobby (passage couvert, cloître – vers 1550) et (2) lodge (hutte de chasse, atelier de maçon – vers 1500). Vers 1630, le mot lobby désigne aussi les couloirs de la Chambre des Communes ; il signifie aujourd’hui vestibule, couloir, hall, coulisse.

Nous voici renvoyés à un lieu de passage et de possibles rencontres, fortuites ou calculées, et à ce qui peut s’y tramer : du lobbying. Traditionnellement, ce terme est attribué au Président Ulysses Grant (1869-1877), qui désignait ainsi les pressions politiques s’exerçant dans le lobby du Willard Hotel de Washington DC, où il partageait volontiers, le soir, cigares, brandy et propos. Ce mot était déjà utilisé en Pennsylvanie en 1808. Au lobbying est facilement associée l’idée de corruption dans les pays latins, qui peuvent préférer le terme de plaidoyer.

Le lobbying, un obstacle ou une chance pour la paix ? Fait-il prévaloir l’intérêt particulier ou peut-il être au service du bien commun et favoriser la construction d’une société harmonieuse ?

Comme le marché, les lobbies existent

Philipponnat, de Finance Watch, a montré la possibilité de capture de l’intérêt général par des intérêts particuliers, par l’argent, la culture, la proximité malsaine élus/banques, la sociologie des lobbyistes (même formation, carrières croisées public/privé). Finance Watch opère du contre-lobbying face aux lobbies bancaires et signale les procédés des activistes : ne jamais rien concéder, toujours se plaindre, marteler le même message, s’aider d’études scientifiques biaisées (réalisées par des « tobacco professors»), augmenter la complexité pour contourner les normes, etc.

Comment agir ? Il faut réglementer le lobbying, imposer une transparence, l’intégrité des informations et leur libre accès, équilibrer les débats, proposer un contre-lobbying non agressif, ni excessif, mais techniquement crédible, et « voir le diable en face », ajoute Étienne Perrot !

Il y a entre 15.000 à 40.000 lobbyistes à Bruxelles. D’un point de vue éthique, Étienne Perrot rappelle que le bien commun doit aussi tenir compte des intérêts particuliers ; des lobbies de contrepoids peuvent insuffler l’intérêt général (écologie, paix, justice, etc.). L’éthique commence avec l’indignation ; elle suppose aussi la formation progressive de la conscience. Après un rappel des thèses de St Thomas d’Aquin sur la justice, l’intervenant ajoute la nécessité de la justice sociale, d’impulser dans le légal du légitime et de chasser l’illégitime. Didier Sallé, lobbyiste, décrit positivement son métier de conseiller : savoir à qui, comment et quand … parler ; brosser la cartographie des décideurs ; connaître les agendas institutionnels ; organiser les contacts. Le lobbyiste est parfois appelé comme expert.

Des ateliers thématiques (énergie et nucléaire, agro-alimentaire, santé, armement) et une table-ronde (un lobbyiste, Transparency International, un ancien ministre, un évêque, deux hauts fonctionnaires, français et européen) concluaient la journée.

Il existe une « réglementation juridique européenne des activités de lobbying » (22 mars 2017). La tenue d’un registre des lobbyistes est recommandée aux États. L’Église est représentée à Bruxelles (COMECE) sans être un lobby. En France, il existe une instance de dialogue dite « Matignon », entre le pouvoir et les religions. L’article 38 du projet de loi française, en discussion, prévoit de retirer les cultes de la liste des lobbies et d’accroître la traçabilité des flux financiers à l’origine des projets d’édifices de culte (La Croix, 22 mars 2018, p. 21).