L’addition de la corruption est payée par les pauvres

En juin 2006, une conférence internationale, « La lutte contre la corruption », est organisée à Rome par le Conseil pontifical Justice et Paix. Son président, le cardinal Martino, la conclut en déclarant : « Il n’est pas acceptable que l’addition de la corruption soit payée par les pauvres. »

Il fait ainsi écho aux propos tenus par Eva Joly, l’ancienne magistrate française de l’affaire Elf, devenue à l’époque conseiller spécial du gouvernement norvégien pour la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Elle proclame que la corruption est contraire aux vertus démocratiques, qu’elle est une incivilité, un mensonge qui voile les réalités. La Norvège, par exemple, consacre une part significative de sa généreuse aide publique au développement au soutien des organes de justice, aux politiques de prévention et de formation, même au financement de procès.

La même Eva Joly vient de publier, avec Judith Perrignon, un roman policier, Les yeux de Lira (Les arènes, Paris), qui se déroule sur fond de corruption liée au pétrole nigérian. Entre Lagos, Paris, Saint- Pétersbourg, les îles Féroé et Londres, un policier africain, une journaliste russe et un greffier français en sont les personnages principaux. Ils démontent les mécanismes qui lient les paradis fiscaux au Lichtenstein et la corruption pétrolière. On y voit le rôle de la CIA qui exfiltre un banquier véreux.

Il convient de dénoncer ces mécanismes amoraux qui soutiennent des activités amorales : trafic d’espèces protégées, trafic de déchets, pillage des ressources naturelles comme le bois, traite des personnes, prostitution, trafic d’organes, migrations clandestines, contrefaçons, crime organisé, drogue, terrorisme, trafic d’armes. Dans tout cela, le blanchiment existe, car il y a des paradis fiscaux, des lieux sans vraie fiscalité, des lieux non transparents, des lieux qui refusent l’échange d’informations, des lieux où une boîte à lettres sert de siège social.

C’est ce que fait à nouveau le Conseil pontifical Justice et Paix en novembre 2008 dans un document issu d’un séminaire préparatoire à la conférence de Doha. Les centres financiers offshore ont été un relais dans la transmission de la crise financière et dans « un enchaînement de pratiques économiques et financières devenues absurdes ; flux légaux motivés par des objectifs d’évasion fiscale et canalisés également à travers la sur et sous – facturation des flux commerciaux internationaux, recyclage des revenus provenant d’activités illégales ». Le document préparatoire à Doha « propose de renforcer la coopération internationale en matière fiscale, surtout en vue d’une révision drastique des pratiques offshore », ce que soutient le Conseil pontifical.

Repères

  •  Le cycle de Doha (Qatar) a été lancé en 2001. Il s’agit d’un cycle de négociations commerciales, entre membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui vise à réformer en profondeur le système du commerce international. La prochaine rencontre importante est prévue en décembre 2011.
  •  Le CCFD-Terre solidaire a été, le 30 septembre 2011, relaxé dans la plainte en diffamation du président de Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema. A la tête de la Guinée Equatoriale depuis 1979, son régime autoritaire lui a permis ainsi qu’à son clan familial de bénéficier du détournement de la rente pétrolière en s’enrichissant fabuleusement. C’est ce que dénonçait le rapport du CCFD « Biens mal acquis, à qui profite le crime ? » qui avait fait l’objet d’une plainte en diffamation de la part du président. Le tribunal français a donc débouté le plaignant. C’est une vraie satisfaction pour le CCFD-Terre solidaire qui, depuis 5 ans, et la sortie du premier rapport sur les biens mal acquis, dénonçait à la fois le pillage des ressources de nombreux pays africains par les clans au pouvoir et les avantages qu’en tirent dirigeants et entreprises des pays riches.