Banques et paradis fiscaux

Le scandale des « Panama Papers » qui a éclaté le 4 avril 2016 a, une nouvelle fois, mis en lumière le scandale des paradis fiscaux.

Les montants y transitant sont des manques à gagner qui pourraient servir à des politiques publiques. En France, l’équivalent du budget de l’Education Nationale manque ainsi chaque année dans les caisses de l’Etat du fait de l’évasion fiscale. C’est encore plus criant dans les pays en développement qui sont de 30% plus touchés par ces pratiques que les pays de l’OCDE.

Des banques facilitatrices de l’évasion fiscale des clients ?

Cet énième scandale confirme une des hypothèses avancées par le rapport « En quête de transparence : Sur la piste des banques françaises dans les paradis fiscaux », publié le 16 mars dernier par le CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France et le Secours Catholique-Caritas France, en partenariat avec la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.  Les banques sont présentes dans les paradis fiscaux, notamment pour faciliter l’évasion fiscale de leurs clients.
Les données publiées à ce jour ne permettent pas de mesurer l’activité bancaire réalisée pour les clients. Il est donc nécessaire de compléter le « reporting » par, d’une part des données permettant de mesurer les activités réalisées pour les clients, comme le nombre de comptes bancaires ouverts ou l’encours d’épargne par filiale et, d’autre part, la connaissance des propriétaires réels des comptes.

Des activités risquées

Ce rapport sur la présence des banques dans les paradis fiscaux a également mis en avant la possibilité pour les banques de réaliser des activités spéculatives risquées et lucratives, en les localisant dans les paradis fiscaux pour éviter de respecter les règles prudentielles en vigueur sur les marchés financiers réglementés. Le recours à des « paradis réglementaires » ferait ainsi peser un risque important sur la stabilité économique mondiale. C’est en mesurant les performances réalisées (productivité par employé, part du profit dans le chiffre d’affaires) par les banques françaises dans certains territoires comme l’Irlande, les Iles Caïman ou le Luxembourg, en les comparant avec les performances réalisées dans des territoires classiques (non paradis fiscaux) et en analysant les activités spécifiques réalisées (financement structuré, titrisation, banques d’investissement et de marchés,…) que l’on se rend compte que les activités risquées à fort effet de levier sont réalisées dans les paradis fiscaux. Il convient donc de compléter le reporting par des données plus précises par activité à l’intérieur des territoires. Il faut également pour cela définir une typologie uniforme des activités pour l’ensemble des banques ; par exemple, la Société Générale retient moins de 10 types d’activités et la BPCE plus de 80.

Etendre la transparence à toutes les grandes entreprises

Si l’obligation de publication, pays par pays, est en vigueur pour les banques depuis trois ans, elle n’a malheureusement toujours pas été étendue à l’ensemble des grandes entreprises, et ce, malgré de nombreuses opportunités législatives ces dernières années. Dernière occasion manquée en avril 2016 : la proposition de directive européenne sur la transparence des multinationales, qui ne prévoit la publication de données que pour les pays de l’Union Européenne et pour des paradis fiscaux dont la liste reste à définir. On peut craindre qu’il manque à cette liste des territoires comme la Suisse ou certaines dépendances du Royaume-Uni, ainsi que les paradis fiscaux internes aux Etats-Unis comme le Delaware. De plus, la proposition ne concerne que les très grandes entreprises, ce qui exclut environ 80% des entreprises européennes ayant des activités internationales.
Seule une pression forte de la part des citoyens et des eurodéputés pourra permettre d’obtenir une transparence totale et étendue à toutes les multinationales durant la négociation entre la Commission européenne, les Etats membres et le Parlement européen.

Transparence, lutte contre la corruption, modernisation de la vie économique

La France a, elle, une dernière occasion de montrer l’exemple avant les élections de 2017, en intégrant l’obligation pour les grandes entreprises de la publication pays par pays dans le projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », en cours d’examen au Parlement. La France avait ouvert la voie en 2013 pour les banques ; il est nécessaire qu’elle le fasse à nouveau pour faciliter l’adoption de cette obligation au niveau européen. Le projet de loi comporte également des mesures pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale, la corruption et pour promouvoir l’encadrement des lobbies et la protection des lanceurs d’alerte.