L’économie au service de la société

Face à la crise et à ses effets, destructeurs de croissance et créateurs de chômage et de pauvreté, des actions s’amorcent.

La conférence des commissions Justice et Paix d’Europe publie un Appel pour une vision à long terme qui mette l’économie au service de la société : « Notre vision est celle d’une société dans laquelle toute l’activité économique est au service des exigences de la justice et du bien commun. Nous croyons qu’une responsabilité particulière à cet égard incombe aux Gouvernements. »[1]

On note des évolutions dans de nombreux domaines. Il faut s’en réjouir, même si le chemin est encore long.

Aux Etats-Unis, de nouvelles dispositions légales, « Foreign Account Tax Compliance Act » (FATCA), applicables en 2013, permettent aux autorités fiscales américaines de consulter toutes les valeurs en compte ou en dépôt de personnes assujetties à l’impôt américain auprès de toutes les banques dans le monde entier.

Aux Etats- Unis encore, les règles d’application de la loi de réforme des marchés financiers (Dodd-Frank) ont été adoptées en août dernier par la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur des marchés financiers américains. Les entreprises extractives cotées aux Etats-Unis, telles que Total, Chevron, BP et Shell, devront révéler leurs paiements aux gouvernements de tous les pays où elles opèrent. Une mesure- clé pour mettre un terme à l’opacité du secteur extractif, source d’injustices, de violence et de pauvreté, en particulier dans des pays où les services publics ont tant besoin de financements.[2] Les réticences sont fortes ; les entreprises pétrolières multiplient les procès. Au plan européen, les prochaines directives de transparence et de comptabilité obligeront les entreprises pétrolières, gazières, minières et forestières à publier l’ensemble des paiements qu’elles versent aux pays où elles extraient des ressources.

Les banques américaines sont visées par des nouveautés, renforcement des pouvoirs de la Banque Centrale, création d’un organisme de protection des consommateurs, mise en place de mesures de sauvetage ne faisant pas appel aux contribuables ; elles aussi font de la résistance. Au plan européen, le récent rapport Likanen recommande de filialiser des activités financières risquées des banques de dépôt. En Grande- Bretagne, un projet Vickers veut isoler les services bancaires pour les ménages et les PME.

Et, en France, la nouvelle loi bancaire ne fait que le service minimum, même si un amendement concerne la transparence des banques : publication du nom des filiales, de leurs effectifs et de leur produit net bancaire. L’importance est que la transparence est exigée sur l’ensemble des territoires.[3]

A ces évolutions s’ajoute un événement historique du côté de l’OCDE et du G20. Les ministres des Finances réunis en février 2013 ont réagi au rapport publié par l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques qui prône une action coordonnée contre la pratique croissante des multinationales consistant à déclarer les profits ailleurs que dans le pays où ils ont été réalisés, afin de bénéficier de fiscalités plus avantageuses. La Grande-Bretagne prend la tête d’un groupe de travail sur la tarification des transferts de bénéfices. L’Allemagne préside un groupe  sur l’érosion de la base d’imposition, tandis que la France étudie avec les Etats-Unis une refonte des normes juridiques s’appliquant notamment au commerce électronique. Un plan d’action se dessine[4].

Le retour de l’Etat national et international est un pas en avant au service du bien commun.

 

Repères

 

Note du Conseil pontifical Justice et Paix sur finance et développement, présentée dans le cadre de la conférence de Doha, 18 novembre 2008.

« La crise financière actuelle est essentiellement une crise de confiance. On reconnaît désormais comme l’une des causes de la crise le recours excessif au « levier » financier de la part des opérateurs, et l’évaluation insuffisante des risques que cela comporte. Et surtout, chacun reconnaît la fracture qui s’est produite entre la nécessité que la finance joue sa fonction « réelle » de pont entre le présent et l’avenir, et l’horizon temporel de référence des opérateurs, qui s’attache avant tout au présent.(…).

Il apparaît aujourd’hui clairement que la souveraineté nationale est insuffisante; même les grands pays sont conscients qu’il n’est pas possible d’atteindre les objectifs nationaux en comptant uniquement sur les politiques intérieures: des accords, des règles et des institutions internationales sont absolument nécessaires. »

 

La Conférence des Commissions Justice et Paix d’Europe – février 2013 – appelle les Gouvernements :

  • à adopter un Code d’éthique pour les institutions financières,
  • à créer un organe international de régulation indépendant,
  • à renforcer la régulation nationale et internationale afin de garantir que l’activité économique se conforme aux exigences de la justice,
  • à introduire une législation qui oblige les entreprises à présenter tous les aspects de leur activité pour lutter contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux.

[1]http://justicepaix.cef.fr

[2] Oxfam France, CCFD-Terre Solidaire, Secours Catholique, One France, Plateforme française « Publiez Ce Que Vous Payez », août 2012

[3]  http://www.stopparadisfiscaux.fr 18 février 2013

[4] http://www.paradisfj.info 17 février 2013