Les Etats doivent faire plus pour combler les failles de la fiscalité des multinationales
Tax Justice Network, PSI, Oxfam et l’Alliance globale pour la justice fiscale, dont la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires est membre (Justice et Paix France en est membre), publiaient mi-novembre une nouvelle estimation du coût de l’évasion fiscale des multinationales américaines et appelaient les Etats à aller plus loin que les initiatives portées par le G20 et l’OCDE pour y mettre un terme.
Ces failles dans le système, exploitées par des entreprises pour éviter de payer leur juste part d’impôt, sont dommageables pour les pays du G20 comme pour les pays pauvres. Les organisations appellent à une réforme structurelle des normes fiscales internationales, mettant tous les pays sur un pied d’égalité.
Les organisations ont étudié les données de l’US Bureau of Economic Analysis sur l’activité économique des multinationales dont le siège est aux Etats-Unis en 2012 (dernières données disponibles). Il en ressort que les multinationales américaines ont transféré artificiellement entre 500 et 700 milliards de dollars de bénéfices en 2012, soit un quart de leurs bénéfices annuels, principalement vers des pays où les taux d’imposition sur les bénéfices sont très bas, voire nuls. En d’autres termes, près d’un dollar sur quatre de bénéfices réalisés par les multinationales américaines a été transféré vers des paradis fiscaux.
Pour Manon Aubry, responsable du plaidoyer Justice fiscale et Inégalités à Oxfam France : « L’hémorragie des recettes fiscales touche les pays riches comme les pays pauvres du fait du décalage immense entre le lieu d’imposition des entreprises et celui où elles exercent véritablement leurs activités. Nous devons exiger des multinationales qu’elles mettent en adéquation le lieu de résidence de leurs activités avec celui de leurs profits. Cette situation où les entreprises ne paient pas leur juste part d’impôt nuit à tous et aggrave fortement les inégalités dans les pays les plus pauvres. Ils sont en effet ceux qui pâtissent le plus de l’évasion fiscale des multinationales et de la faiblesse des moyens consacrés aux services publics ».
Les pays du G20 comptent parmi les grands perdants des pratiques d’évasion fiscale des multinationales américaines. 90 % des recettes fiscales non perçues du fait de l’évasion fiscale des multinationales US concernent douze pays : les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, la Chine, le Brésil, la France, le Mexique, l’Inde, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et l’Australie. La France en particulier aurait vu s’envoler 14 milliards de dollars de bénéfices transférés en 2012 hors du pays par les multinationales américaines. Si ces bénéfices avaient été imposés au taux normal (33,3%), elle aurait collecté plus de 4,5 milliards de dollars de recettes fiscales en plus.
« Lorsqu’on sait que ces données ne concernent que les entreprises américaines sur une année, cela en dit long sur l’ampleur du transfert de bénéfices pratiqué par les multinationales pour se soustraire à l’impôt. Les pays du G20 doivent impérativement mettre en place une information publique par pays pour prévenir ces pratiques. Le gouvernement français s’y est opposé en décembre 2015.
Si les pays du G20 sont ceux qui perdent le plus d’argent en valeur absolue à cause de ces pratiques d’évasion fiscale des entreprises, les pays les plus pauvres sont touchés beaucoup plus durement. En effet, l’impôt sur les sociétés compte pour une part importante de leur budget.
« Le plan d’action de l’OCDE es insuffisant : les mesures proposées ne permettront pas de s’assurer que les entreprises paient leurs impôts là où elles ont une activité», commente Lucie Watrinet, chargée du plaidoyer financement du développement au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.
Les organisations demandent au G20 que les prochaines réformes fiscales internationales puissent inclure tous les pays sur un pied d’égalité. Ces réformes doivent s’attaquer efficacement aux pratiques fiscales dommageables telles que les transferts de bénéfices, le recours aux paradis fiscaux et mettre un coup d’arrêt au nivellement par le bas de la fiscalité des entreprises.
Présidence du CCFD-Terre Solidaire
Sylvie Bukhari-de Pontual deviendra à la mi -2016 présidente du CCFD-Terre Solidaire à la suite de Guy Aurenche.
Avocate et directrice du Master Solidarité et Action Internationales (Faculté de Sciences Sociales et Économiques, Institut Catholique de Paris), elle est membre de Justice et Paix et ancienne membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. Elle a été présidente de l’ACAT France de 2002 à 2005, puis présidente de la FIACAT jusqu’à ce jour.
Elena Lasida
Merci à Elena Lasida, chargée de mission à Justice et Paix pendant de nombreuses années. Elle y a animé le travail sur le développement durable, les travaux éthiques, les actions et publications avec les instituts religieux. Elle a parcouru la France pour des conférences, des rencontres multiples et variées. Elle devient responsable Ecologie et Société à la Conférence des Evêques de France et continuera à conduire les travaux du Groupe Développement durable, maintenant conjoint à Justice et Paix et au Service National Famille et Société de la CEF.