Un enjeu capital pour la paix et la justice : la remise de la dette

En 2006, une coalition d’organisations de la société civile faisait ce constat : « Au cours des 30 dernières années, une grande partie du monde en développement a été écrasée par une masse de dettes extérieures qui, entre autres injustices et distorsions, ont bloqué sa croissance et ses possibilités de réduction de la pauvreté…

Dans les pays pauvres, chaque dollar, chaque euro utilisé pour rembourser une dette est de l’argent détourné du financement des services de base, des investissements sociaux et productifs ».

Tout est dit !

L’annulation de la dette des pays du sud est donc une urgente nécessité si on veut espérer plus de justice et de paix dans le monde, d’autant plus avec la crise planétaire due au Covid-19. Le pape François a demandé explicitement cette annulation, tout comme le président Macron, mais dans les commentaires qui ont suivi l‘intervention du président français, il a été question seulement de moratoire avec une annulation au cas par cas. Or, si la dette est simplement suspendue et reportée sur les années suivantes, ce sera insoutenable avec la crise due à ce virus. Pour faire face à la pandémie, les pays ont besoin d’y affecter des fonds ; déjà asphyxiés, ils ne pourront pas rembourser leur dette sans des réactions en chaine graves pour leurs populations. Je ne suis pas un spécialiste pour parler de l’annulation de la dette. Ce que je comprends, c’est que les pays du sud sont pris en otages dans une économie mondiale qui sert avant tout les intérêts des plus riches et crée des dépendances commerciales insupportables pour les plus pauvres. L’économie de marché sans régulation internationale forte favorise une jungle où la loi du possédant et du commerce lucratif l’emporte sur toute autre considération. La responsabilité des pays riches est immense et le repli égoïste de certains n’est pas de bon augure.

Alors, que faut-il faire ?

– Cent trente-huit organismes, dont les 29 de la plate-forme « Dette et développement », plusieurs services d’Église tels le CCFD, le Secours catholique, la DCC, la Corref, le réseau Foi et Justice, le service protestant de la mission, Justice et paix bien sûr, rappellent « l’impérieuse nécessité de créer, sous l’égide de l’ONU, un mécanisme international de restructuration des dettes indépendant, équitable, exécutoire, complet, pour éviter que les pays retombent dans le piège de la dette et hypothèquent leur développement et les conditions de vie de leurs populations ». Lueur d‘espoir, le secrétaire général de l‘ONU, António Guterres vient d‘appeler à étendre le champ d‘application de la suspension de la dette à tous les pays en voie de développement, à procéder à des allègements et à mettre en place un mécanisme de restructuration des dettes complet et coordonné. Le même jour, la CNUCED, l‘agence des Nations Unies a demandé la création d‘une Autorité internationale pour la dette des pays en développement.

– L’argent donné aux pays du sud ne devrait l’être que sous forme de subventions de projets précis (et non de prêts) et pour le développement. Les pays du sud devraient être encouragés à investir dans l’éducation, la santé, les infrastructures, avec le souci premier de répondre aux besoins élémentaires de la population, ce qui est souvent peu le cas. Un suivi s‘avère indispensable pour éviter le clientélisme, les détournements. Nous fermons trop souvent les yeux sur des dictatures ou des régimes corrompus quand cela nous arrange. Lorsque que le ministre français de l’action et des comptes publics appelle aux dons pour financer le fonds dédié aux commerçants et indépendants frappés par la crise économique liée à l‘épidémie du Covid-19, nous n‘ignorons pas que 40 % des profits des multinationales seraient localisés dans les paradis fiscaux. Des milliards d’évasion fiscale qui, également, manquent cruellement pour financer le développement. Or, comme le rappelle Sylvie Bukhari-de Pontual, la présidente du CCFD-Terre Solidaire ”la justice fiscale est un des enjeux majeurs de réponse à la crise“, et la remise de la dette devrait être intégrée dans la question du développement. Tout est lié. « La paix de la mondialisation économique n’est pas la paix du Christ » (Pape François)