Inde : La démocratie au bord du gouffre

l’Inde, la plus grande démocratie du monde, se rendra aux urnes le 19 avril 2024 ! Les élections générales se dérouleront en sept phases et les résultats seront connus le 4 juin. Aujourd’hui, en Inde, la démocratie est au bord du gouffre. Le résultat de ces élections devrait donc déterminer l’avenir de l’Inde et l’engagement du pays envers une constitution démocratique fondée sur la justice, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité et le socialisme.

Le régime indien en place est en fait en état de panique, plusieurs rapports nationaux et internationaux soulignent ses mauvais résultats. Le processus d’autocratisation en Inde est bien documenté, avec une détérioration de la liberté d’expression, une manipulation des médias, la répression des médias sociaux, le harcèlement des journalistes critiques et des attaques contre la société civile et l’opposition politique. Le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP) dirigé par le Premier ministre Narendra Modi, a utilisé des lois sur la sédition et la diffamation pour faire taire les critiques. Le gouvernement a également sapé l’engagement en faveur de la laïcité de la Constitution en modifiant la loi sur les activités illégales en 2019. Modi a également réprimé les droits à la liberté religieuse et intimide les opposants politiques, les protestataires et les dissidents universitaires.

Une récente étude du « laboratoire sur les inégalités dans le monde » a révélé que la richesse concentrée chez les 1 % les plus riches de la population indienne atteint son niveau le plus élevé depuis 60 ans, entraînant une détérioration de la situation des groupes vulnérables de la société. Le rapport mondial sur le bonheur des Nations Unies classe l’Inde à la 126e place sur les 143 pays étudiés.

Le pays fait face à de nombreux défis, en particulier la corruption généralisée qui est devenue la norme politique. La situation en Inde souligne l’urgence de lutter contre l’inégalité et la corruption pour améliorer le bien-être global de la population.

Parallèlement, le pays fait face à une montée du « majoritarisme », avec une idéologie fasciste appelée « hindutva » qui exerce un pouvoir oppressif. Les minorités religieuses, notamment les musulmans, les chrétiens et les sikhs, sont diabolisées et discriminées, subissant des discours de haine et des actes de violence ciblés. Les attaques contre les institutions chrétiennes se multiplient, tout comme les violences à l’encontre de la population tribale Kuki, largement chrétienne, avec l’approbation évidente du BJP. De plus, les lois anti-conversion soutenues par le BJP sapent clairement le droit à la liberté religieuse garanti par l’article 25 de la Constitution.

Le dernier classement mondial de la liberté de la presse révèle que l’Inde occupe la 161e place sur 180 pays. Les défenseurs des droits de l’homme, les dissidents ainsi que ceux qui luttent pour la vérité et la justice sont régulièrement victimes de harcèlement, d’emprisonnement, voire de meurtre. Des personnalités politiques bien connues de l’opposition sont faussement accusées et même emprisonnées. En outre, des politiques draconiennes ont été mises en place, comme la loi d’amendement sur la citoyenneté ou la politique nationale d’éducation, qui portent atteinte à la Constitution. L’Inde se retrouve également au dernier rang mondial en termes de performance environnementale selon l’indice établi par le Forum économique mondial en 2022. Par ailleurs, des organes constitutionnels tels que la Commission électorale, la Direction de l’application des lois, des pans entiers de la justice ou encore la police sont compromis.

Le 7 février, la Conférence des évêques catholiques de l’Inde a déclaré : « On craint que les attitudes de division, les discours de haine et les mouvements fondamentalistes n’érodent l’éthique pluraliste et laïque qui a toujours caractérisé notre pays et sa Constitution. Les droits fondamentaux et les droits des minorités garantis par la Constitution ne devraient jamais être remis en cause… Il y a un sentiment largement répandu selon lequel les principales institutions démocratiques de notre pays s’affaiblissent, la structure fédérale est sous pression et les médias ne remplissent pas leur rôle en tant que quatrième pilier de la démocratie. On assiste à une polarisation religieuse sans précédent qui nuit à l’harmonie sociale si chère à notre pays et met en danger la démocratie elle-même. »

L’Inde se prépare à des élections qui sont une question de vie ou de mort ! L’objectif est clair : la démocratie doit être remise sur les rails ; le régime au pouvoir doit être chassé par les urnes ! Nous, le peuple indien, y veillerons !

Père Cédric Prakash, sj*

 

*Le père Cédric Prakash, sj est un militant/écrivain des droits de l’homme, de la réconciliation et de la paix. Il a reçu plusieurs récompenses nationales et internationales, dont le grade de « Chevalier de la Légion d’Honneur » décerné par le président français, Jacques Chirac, en 2006.