Justice & Peace Malta
Entretien avec Daniel Darmanin, président de Justice and Peace Malta
Daniel, bienvenue à Paris à l’occasion de la réunion des secrétaires généraux des commissions Justice et Paix des pays européens ! Pouvez-vous nous présenter Justice and Peace Malta en quelques mots ?
Je préside en effet Justice et Paix Malte depuis un peu plus de cinq ans. La commission avait été créée en 1986, mais il est apparu en 2017 qu’il fallait lui donner un nouveau souffle. Nous sommes actuellement huit membres, tous laïcs, hommes et femmes, bien sûr bénévoles. Ce n’est pas un nombre très élevé, mais nous sommes très engagés. Nous sommes assez jeunes, une quarantaine d’années en moyenne, et venons d’horizons sociaux différents : employés, cadres d’entreprises universitaires, membres du secteur médical… Je suis moi-même architecte. Nous sommes épaulés par un salarié de formation ignatienne qui nous aide dans la recherche de sources documentaires dans les domaines que nous traitons. Et nous avons aussi des membres correspondants, comme chez beaucoup des commissions Justice et Paix en Europe.
Quels sont vos liens avec la Conférence des évêques de Malte ?
Ils sont très étroits. En fait, on peut dire que nous sommes presque un service de l’archidiocèse, et moi-même j’ai été directement nommé en 2017 par l’archevêque de Malte. Il n’y a que trois évêques à Malte : l’archevêque métropolitain qui est Monseigneur Charles Scicluna; son évêque auxiliaire; et l’évêque de l’île de Gozo. Nous travaillons en coopération directe avec l’évêque auxiliaire, Mgr Joseph Galea-Curmi, et évoquons fréquemment avec lui le programme de nos activités.
À ce propos, pouvez-vous nous donner un aperçu rapide de l’Église catholique à Malte ?
Malte a une tradition catholique extrêmement vivante. On compte encore 83 % de catholiques parmi la population
(qui est désormais d’un peu plus de 500 000 habitants) et si cette proportion, qui a culminé jusqu’à 95 %, a un peu baissé, c’est plutôt lié à l’apport de travailleurs immigrés en situation régulière venant d’autres continents, par exemple l’Asie, et pratiquant d’autres croyances. Malte compte 70 paroisses, desservies par environ 270 prêtres séculiers, auxquels on peut ajouter de l’ordre de 300 prêtres réguliers. Et n’oublions pas le cardinal Mario Grech qui, à Rome, assume l’éminente fonction de secrétaire général du Synode des évêques.
J’ai constaté que vous aviez un site internet bilingue https://jp.church.mt/the-commission/. Félicitations : il est bien construit, instructif, vivant !
Oui, nous veillons à le maintenir d’actualité ! On y trouve notre vision, nos missions, nos contributions écrites. Nous publions un rapport annuel (2022 Annual Report – Justice and Peace Commission (church.mt)). Nous n’hésitons pas à aller au contact des media et des autorités de notre pays.
Votre site nous donne aussi un aperçu de la langue maltaise : elle est si difficile pour nous ! On dit qu’elle est composée de 33 % de langue arabe, 55 % de langues romanes, 6 % d’anglais : c’est la seule langue sémitique qui soit écrite en alphabet latin. Mais revenons à vos travaux : dans quel esprit les menez-vous ?
Au cœur de la Méditerranée, Malte est évidemment directement concerné par la question des flux migratoires illégaux. Nous rappelons constamment la priorité à donner aux secours en mer. Et nous sommes attentifs aux prises de position du Pape et des services qui, au Saint-Siège, traitent des questions migratoires. Nous en appelons à la transparence, dans le traitement des migrants comme dans bien d’autres domaines où doit s’appliquer la doctrine sociale de l’Église. Nous avons publié en 2022 un document intitulé Yahad qui se veut une réflexion sur les voies possibles pour surmonter les divisions et contribuer à combattre les maux de nos sociétés. Nous avons d’ailleurs pu le présenter au Saint-Père et à notre président de la République.
Vous êtes membre du comité exécutif de Justice et Paix Europe et vous venez de présenter à Paris les résultats d’une enquête que vous avez effectuée auprès d’une vingtaine de commissions nationales. Quels en sont les principaux enseignements ?
En premier lieu, nous avons eu confirmation que les commissions étaient très diverses dans leur organisation, leurs effectifs, leurs ressources. Nous avons aussi noté combien les thèmes qu’elles traitaient pouvaient être variés ; certes, beaucoup se souviennent de la mission voulue par Paul VI : enseigner et diffuser la doctrine sociale de l’Église; mais vers quels domaines en priorité ? C’est là qu’il y a beaucoup de nuances, voire de différences entre les projets, même si chacune se sent une responsabilité de formation à l’égard de la jeunesse. En tout cas, toutes les commissions nationales apprécient de pouvoir être mises en réseau et de se réunir régulièrement, même par visioconférences ; c’est une manière d’exprimer une solidarité européenne. Mais on sent le besoin de continuer à analyser avec discernement ce qui pourrait être un projet commun ou une démarche commune.
Justement, vous avez proposé d’accueillir à La Valette la prochaine assemblée générale de Justice et Paix Europe, à la fin de cette année 2023. C’est un défi, d’autant que la rencontre durera sur quatre jours ?
À bien des égards, oui. Défi matériel, car même si notre pays est une destination touristique appréciée, il nous faudra aussi insuffler un vrai esprit de travail en commun. Défi d’organisation, car, par exemple, nous espérons pouvoir inviter de hautes autorités maltaises, notamment engagées dans les institutions européennes et du Saint-Siège. Et il y aura des décisions à prendre sur la gouvernance de Justice et Paix Europe. Nous proposons également un thème quelque peu nouveau pour nos échanges : une réflexion sur l’évolution du monde du travail, qui, par exemple, a été impacté par la crise sanitaire et l’est également par le recours à l’intelligence artificielle, mais qui doit rester un lieu d’expression de la doctrine sociale de l’Église.
Donc, un programme dense, que nous avons pu évoquer pendant ces journées à Paris. Bon retour à Malte et bon courage à votre sympathique équipe !