Bienfaits et risques des usages des technologies numériques
Cette technologie est très intéressante, passionnante même, porteuse d’avancées et de promesses, mais la compétition économique et la volonté de domination la détournent assez largement de ses objectifs initiaux qui étaient de faciliter les relations et la communication. Les réseaux sociaux, l’accès au virtuel, l’intelligence artificielle et les « chatbots » (robots logiciels capables de dialoguer avec des humains), les objets connectés qui « discutent » entre eux sans nous, le Big Data et la collecte d’informations sur nos faits et gestes à notre insu modifient progressivement mais sûrement notre écosystème relationnel. La manipulation de l’information menace notre libre arbitre. L’anonymat transforme les relations et contribue à libérer la parole, voire l’agressivité. La montée de la haine en ligne et du harcèlement en témoignent. L’utilisation massive des jeux en ligne ou des réseaux sociaux créent de nouvelles addictions.
Comment réagir ?
D’abord en en prenant conscience et en se demandant comment adopter des comportements plus appropriés en tant que consommateurs, utilisateurs, citoyens et chrétiens. On observe aussi que les usages du numérique renforcent le désir d’immédiateté. La patience n’est plus une vertu. Le court terme compte plus que tout, même en économie et en politique. Mais alors, quel monde voulons-nous pour nous-mêmes et pour les générations à venir ? Comme pour l’écologie, nos excès peuvent conduire à une mise en danger. En revanche, les messageries, les sites, les smartphones sont des outils précieux. Les confinements en ont apporté la preuve tout en en mettant certaines limites en évidence.
Trois points de vigilance : le contrôle des individus, la manipulation des esprits, les nouvelles conflictualités.
Les dictatures n’ont aucun état d’âme pour contrôler les réseaux alors que les démocraties se doivent de respecter les droits des citoyens. Même si ce n’est pas à proprement parler du contrôle, les Gafam captent massivement, en toute impunité, nos données à des fins de profilage et de revente, avec l’accord plus ou moins tacite des usagers en échange de la gratuité des services. De ce fait, ils enregistrent une grande partie de nos déplacements, messages, recherches sur internet. De plus, les techniques de reconnaissance faciale sont très utilisées, y compris dans le domaine public. Un véritable contrôle social a ainsi été mis en place dans certains pays et tout comportement individuel ‘déviant’ est enregistré et sanctionné.
La manipulation des esprits a toujours existé, mais elle est beaucoup plus efficace et rapide grâce aux réseaux sociaux et aux sites Internet. Le complotisme y a trouvé un moyen extrêmement efficace pour prospérer, dans tous les domaines, jusqu’à mettre la démocratie en danger.
Quant aux cyberattaques, elles sont de plus en plus nombreuses, sournoises et menaçantes, souvent liées à des organisations étatiques et pas seulement criminelles. Une généralisation de la culture de la cybersécurité est indispensable pour y faire face. Les États démocratiques sont conduits à créer de nouvelles structures, pour se défendre, voire mener des attaques en représailles. Ces nouvelles méthodes nécessitent des compétences très poussées mais pas de grosses infrastructures. On peut donc craindre leur généralisation au niveau mondial. Les services ad hoc, militaires ou services secrets, disposent là de nouvelles armes tactiques, précises et dangereuses. Il est admis par de nombreux experts que la Russie, la Chine et la Corée du Nord notamment sont très avancées dans ce domaine. Une réglementation internationale s’impose au même titre que pour d’autres armes, telles les armes biologiques ou chimiques.
Une nouvelle donne
En quelques années avec le numérique, nous bénéficions de facilités nouvelles, ce qui explique leur adoption si rapide dans le monde, et simultanément les dégâts sont déjà avérés sur le fonctionnement des sociétés humaines. Cependant ne sous-estimons pas le fait que la puissance d’innovation du numérique est immense et que nous en aurons besoin…
Bernard Jarry Lacombe, membre associé de Justice et Paix France