Accueillir l’étranger, le défi
Des étrangers sont parqués en France, de Calais à Vintimille. Des barrières s’érigent en Europe. La Méditerranée engloutit des corps qui fuient l’Afrique ou le Moyen-Orient.
L’histoire est ponctuée de phases régulières de migrations. Mais, ces derniers temps, nos territoires vivent dans la tension de soubresauts souvent dramatiques. Le sort des migrants interpelle notre société, dérange les responsables politiques ; il déchaîne les controverses et trouble les esprits. Il inspire la compassion et la solidarité, suscite les peurs et le rejet.
Le défi de la compréhension
Que de confusions sur les intentions de ces femmes, ces hommes et ces enfants, chassés par la misère ou la guerre ! Il s’agit de savoir de qui et de quoi l’on parle. Par-delà les causes économiques et politiques, mais également environnementales, n’y a-t-il pas aussi des échanges, donc des bénéfices ? Évoquer des clandestins ou des réfugiés, des murs ou des ponts, l’assimilation ou l’intégration, c’est déjà faire parler les mots.
Le défi interpelle les politiques menées par les États et les collectivités publiques. De la commune rurale, jusqu’à l’Europe en crise, bousculée à ses frontières, le phénomène migratoire concerne tout le monde. C’est à tous les niveaux que se pose la question de l’accueil, dans son esprit, dans ses moyens. Ce phénomène sera durable ; il ne peut se limiter à des réponses sécuritaires.
Le défi est éthique
Les migrants et les réfugiés sont des personnes en quête d’aide : ils ont des droits, comme chacun. Là où ils fuient, ils découvrent des communautés souvent sensibles à leur sort, mais parfois désarmées par les difficultés de leur situation. Ces tensions mettent en jeu la manière de concevoir l’accueil, l’hospitalité. Cette responsabilité relève d’une approche humaniste. Les chrétiens ne peuvent jamais y rester étrangers.
Le sujet sera traité avec réalisme. Le défi du colloque sera de souligner les initiatives, de dégager des pistes pour tenter de sortir des impasses.
Le pape et le tiers-monde. Populorum progressio
Un peu d’histoire : l’éditorial du journal Le Monde le 29 mars 1967 :
« Un mot d’espérance, non pas seulement religieux, mais aussi social », c’est en ces termes que Paul VI a annoncé la publication imminente de son encyclique sur les problèmes du développement. (…) Populorum progressio s’inscrit dans la ligne des grandes encycliques où, depuis Rerum novarum, se développe la doctrine sociale de l’Église. Dès les premières lignes, Paul VI évoque les noms de Léon XIII, Pie XI, Pie XII et Jean XXIII pour marquer son souci de continuité. À leur suite, il part de la constatation suivante : « Aujourd’hui, le fait majeur est que la question sociale est devenue mondiale… Les peuples de la faim interpellent de façon dramatique les peuples de l’opulence. »(…)
Son expérience immédiate a été enrichie par les apports d’économistes contemporains, et certaines hésitations du concile ont été tranchées ici par des développements précis. Ainsi Paul VI s’étend-il à dessein sur les thèmes de la stérilisation des richesses et de l’inégalité du développement.
L’apport des économistes français à ce document sera sans doute remarqué. Celui-ci vient couronner en effet et confirmer vingt ans de recherches du Père Lebret et du Centre Économie et Humanisme, qui donna naissance à l’Institut de recherche et de formation en vue du développement harmonisé. Les noms des Pères Chenu et de Lubac figurent parmi les inspirateurs avoués de l’encyclique. Paul VI donne une consécration utile à la notion de « développement économique et social équilibré », qui implique l’introduction de facteurs extra-économiques dans la recherche et dans l’action.
Il reprend la pensée que le Père Lebret exprimait au moment de sa mort, en juillet 1966: « Le mythe du développement va agir comme un ferment purificateur et rénovateur de toutes les civilisations. »
Cette encyclique n’est cependant pas un document homogène. Beaucoup de sujets y sont abordés. On discerne aisément les oppositions de pensée, parfois l’impossibilité d’en dégager un compromis. Le style se fait plus précis et lucide lorsqu’il évoque les problèmes réels du monde. Mais il demeure convenu et décevant lorsqu’il réaffirme les réponses les plus classiques de la doctrine sur des points-clés de la morale, comme si le pape sentait l’insuffisance de certaines formulations face aux questions angoissées des hommes, par exemple lorsqu’il s’agit de l’accroissement démographique.
Populorum progressio porte bien la marque de Paul VI : la clarté de la vision intellectuelle des problèmes, le premier élan vers la solution qui s’impose, y sont tempérés par le balancement de la prudence qui veut éviter les ruptures et les chocs. (…) Mais aucune orientation, sauf celle du matérialisme, n’est interdite aux laïcs pour « assumer le renouvellement de l’ordre temporel sans attendre passivement consignes et directives ». Le chef de l’Église catholique ne se contente donc pas d’indiquer la voie, il fait aussi appel à l’imagination créatrice. »