Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

– 13.03.2024 –

Pour un vote responsable encourageant les valeurs chrétiennes et le projet européen.

Nous, évêques représentant les Conférences épiscopales de l’Union européenne, appelons tous les citoyens, en particulier les catholiques, à se préparer et ensuite voter aux prochaines élections européennes de juin 2024. Le projet européen d’une Europe unie dans la diversité, forte, démocratique, libre, pacifique, prospère et juste est un projet que nous partageons et dont nous nous sentons redevables.
Nous sommes tous appelés à exprimer cet attachement en votant et en choisissant de manière responsable les députés européens qui représenteront nos valeurs et œuvreront pour le bien commun au sein du prochain Parlement européen.

Le projet d’intégration européenne est né des cendres des terribles guerres qui ont dévasté notre continent au siècle dernier, causant de grandes souffrances, apportant mort et destructions. Il a été conçu dans l’intention de garantir la paix, la liberté et la prospérité. Il a vu le jour grâce au courage et à la clairvoyance de personnes qui ont su surmonter les antagonismes historiques et créer quelque chose de nouveau qui rendrait la guerre pratiquement impossible sur notre continent à l’avenir. Au départ, ce projet était économique, mais il comportait également une dimension sociale et politique et des valeurs partagées.
Bon nombre des pères fondateurs de l’Union européenne étaient des catholiques engagés qui croyaient fermement en la dignité de chaque être humain et en l’importance de la communauté. Nous pensons que ce projet, initié il y a plus de 70 ans, doit être soutenu et poursuivi.

Aujourd’hui, l’Europe et l’Union européenne sont confrontées à des temps difficiles et incertains, marqués, ces dernières années, par une série de crises et des questions délicates à résoudre dans un avenir proche, comme les guerres en Europe et dans son voisinage, les migrations et l’asile, le changement climatique, la digitalisation croissante et l’utilisation de l’intelligence artificielle, le nouveau rôle de l’Europe dans le monde, l’élargissement de l’Union européenne et la modification des Traités, etc. Pour aborder ces questions cruciales à la lumière des valeurs fondatrices de l’Union européenne et pour construire un avenir meilleur pour nous et les générations futures, non seulement en Europe mais aussi dans le monde, nous avons besoin de décideurs politiques courageux, compétents, animés par des valeurs et œuvrant avec honnêteté pour le bien commun. Il est de notre responsabilité de faire le meilleur choix possible lors des prochaines élections.

En tant que chrétiens, nous devons essayer de discerner pour qui et pour quel parti voter en ces temps cruciaux pour l’avenir de l’Union européenne. Nous devons donc tenir compte de facteurs variant parfois d’un pays à l’autre – par exemple, la possibilité de voter pour des candidats ou seulement des partis, les programmes électoraux des différents partis, les candidats eux-mêmes…
Sur ces questions, les Conférences épiscopales de chaque État membre peuvent également offrir des orientations utiles. En outre, il est essentiel que nous votions pour des personnes et des partis qui soutiennent clairement le projet européen et dont nous pensons raisonnablement qu’ils vont promouvoir nos valeurs et notre idée de l’Europe, telles que le respect et la promotion de la dignité de toute personne humaine, la solidarité, l’égalité, la famille et le caractère sacré de la vie, la démocratie, la liberté, la subsidiarité, le soin de notre “maison commune“…

Nous savons que l’Union européenne n’est pas parfaite et que nombre de ses propositions politiques et juridiques ne sont pas conformes aux valeurs chrétiennes et aux attentes d’un grand nombre de ses citoyens, mais nous croyons que nous sommes appelés à y contribuer et à l’améliorer avec les outils que nous offre la démocratie.

De nombreux jeunes voteront pour la première fois lors des prochaines élections, certains dès l’âge de 16 ans. Nous encourageons vivement les jeunes à exercer leur droit de vote lors des prochaines élections européennes et à construire ainsi une Europe qui assure leur avenir et réponde à leurs véritables aspirations. Nous invitons également les jeunes catholiques européens qui se sentent appelés à s’engager en politique à suivre cette voie, en se préparant correctement, tant intellectuellement que moralement, à contribuer au bien commun dans un esprit de service à la communauté. Dans un discours souvent cité, prononcé par Jacques Delors à Bruges le 17 octobre 1989 au Collège d’Europe, le président de la Commission européenne de l’époque s’est adressé aux jeunes étudiants en ces termes : « Car vous êtes conviés à participer à une aventure unique, associant des peuples et des nations, pour le meilleur, et non pour le pire ».

En tant qu’évêques européens, nous faisons nôtre cet appel aux jeunes étudiants et l’adressons à tous les citoyens européens. Engageons-nous dans le projet européen, qui est notre avenir, en votant en conscience lors des prochaines élections !

Approuvé par les évêques délégués de la COMECE :
✠ Mariano Crociata, Évêque de Latina (Italie), Président
✠ Antoine Hérouard, Archevêque de Dijon (France), Premier Vice-Président
✠ Nuno Brás da Silva Martins, Évêque de Funchal (Portugal), Vice-Président
✠ Czeslaw Kozon, Évêque de Copenhague (Scandinavie), Vice-Président
✠ Rimantas Norvila, Évêque de Vilkaviškis (Lituanie), Vice-Président
✠ Lode Aerts, Évêque de Bruges (Belgique)
✠ Virgil Bercea, Évêque d’Oradea Mare (Roumanie)
✠ Joseph Galea-Curmi, Évêque auxiliaire de Malte
✠ Jozef Hal’ko, Évêque auxiliaire de Bratislava (Slovaquie)
✠ Theodorus C.M. Hoogenboom, Évêque auxiliaire d’Utrecht (Pays-Bas)
✠ Anton Jamnik, Évêque auxiliaire de Ljubljana (Slovénie)
✠ Philippe Jourdan, Administrateur Apostolique d’Estonie
✠ Andris Kravalis, Évêque auxiliaire de Riga (Lettonie)
✠ Juan Antonio Martínez Camino, Évêque auxiliaire de Madrid (Espagne)
✠ Gábor Mohos, Évêque auxiliaire d’Esztergom-Budapest (Hongrie)
✠ Manuel Nin i Güell O.S.B., Exarque Apostolique de Grèce
✠ Kieran O’Reilly, Archevêque de Cashel & Emly (Irlande)
✠ Franz-Josef Overbeck, Évêque d’Essen (Allemagne)
✠ Christo Proykov, Évêque de Saint Jean XXIII de Sofia (Bulgarie)
✠ Ivan Šaško, Évêque auxiliaire de Zagreb (Croatie)
✠ Selim Jean Sfeir, Archevêque des Maronites de Chypre
✠ Janusz Bogusław Stepnowski, Évêque de Łomża (Pologne)
✠ Jan Vokál, Évêque de Hradec Králové (République Tchèque)
✠ Leo Wagener, Évêque auxiliaire de Luxembourg
✠ Aegidius Zsifkovics, Évêque d’Eisenstadt (Autriche)

Déclaration  disponible en Anglais, Allemand, Italien, Espagnol, ..

1– Peut-on parler d’humanisme ?
Alors que deux fortes personnalités quittaient notre monde, Jacques Delors puis Robert Badinter, on a vu refleurir le qualificatif d’humanistes pour les caractériser. Pour certains, qui ne voient en ce terme que le reflet d’une époque révolue, ou au mieux le privilège de quelques « belles âmes », c’était une seconde manière de les « enterrer ». Pour d’autres, parmi lesquels je me place, cette évocation pouvait sonner comme un signe de réveil, comme une interrogation majeure : serions-nous dans une phase de dé-civilisation ? Si ce risque existe, comment réagir ? L’humanisme peut-il donner un cap ?
La visée humaniste semblait renvoyée au ciel pour faire place à du sérieux : l’efficacité. C’est alors le dollar qui devient la valeur de référence et l’accumulation en milliards comme la réalisation ultime, jusqu’à l’aveuglement ; au point que la prise en compte des questions environnementales reste secondaire et l’éradication de la grande pauvreté est reléguée au rang de rêve utopique. Seul compte alors le déploiement de la force brutale, de la domination, y compris au moyen des armes et de la terreur.
L’humanisme a pu être colonisé par une image tronquée de progrès. On croyait que, grâce aux découvertes scientifiques et aux applications techniques, aujourd’hui serait forcément meilleur qu’hier, mais moins bien que demain… Les barbaries du 20ème siècle auraient pourtant dû nous alerter : la pseudo science peut être utilisée pour asservir les consciences, les techniques peuvent être utilisées pour des tueries de masse.
Une image plus fine du progrès permettait de nommer des avancées en termes d’énoncés de droits humains, de signatures de conventions internationales ; mais on a pu croire naïvement que ces acquis tiendraient par eux-mêmes, sans qu’on en prenne soin. Ceux qui se disaient encore « progressistes » en restaient à des revendications individuelles de type sociétal, sans souci du devenir de notre monde.
Gardons-nous de fausses pudeurs ! Il est urgent de poser la question d’un humanisme exigeant, susceptible d’offrir une perspective, d’orienter nos choix personnels et communs les plus fondamentaux.

2– Un monde de souffrances
La situation n’est pas brillante. Il y a les souffrances liées aux fragilités humaines, et surtout celles relevant de nos irresponsabilités et dépendant de nos actions maléfiques. Les conflits augmentent par le nombre des foyers de tension, mais aussi par la violence redoublée des actes de guerre – en vue de terroriser les populations – et le mépris de la dignité humaine la plus élémentaire : au Proche Orient, en divers pays d’Afrique et d’Asie, à Haïti, à l’est de l’Europe, des populations sont obligées de fuir, affamées volontairement et privées de soins, soumises à des traitements inhumains, victimes d’actes de guerre qui tuent indistinctement, y compris quand les personnes cherchent à se nourrir ou à secourir les blessés. On sait que les enfants et les femmes sont les premières victimes. Que devient une humanité qui sacrifie ainsi ses membres les plus fragiles ? L’autre n’est plus considéré comme un humain. Un tel déni d’humanité devient contagieux.
De manière odieuse, des motivations religieuses se trouvent parfois invoquées pour légitimer des injustices et d’horribles violences.

3 – Pour un humanisme de cœur et d’esprit, apte à dynamiser la politique…
+ Commençons par refuser de nous trouver réduits à des consommateurs boulimiques, à des brutes qui ne pensent qu’à asservir et à tuer. Nous valons infiniment mieux que ces caricatures sordides. Oui, nous pouvons nous prévaloir de notre capacité à mener une vie digne et constructive, mieux encore, nous sommes aptes à reconnaître en nous le désir de respecter notre semblable et même de l’aimer. Pourquoi mépriser le désir d’alliance qui nous anime, pourquoi le laisser en friche, ouvrant la voie à la puissance dominatrice ?
Apprenons à nous présenter nous-mêmes à partir de notre dignité, à nous regarder positivement comme des humains qui aspirent à grandir en humanité. Nous sommes capables de choisir le bien, afin de mieux l’accomplir : à ce propos, l’idée de progrès est bienvenue, ce qui suppose de la constance et de l’intelligence.

+ Mais je ne déploie ma propre dignité que dans la mesure où je l’investis dans la promotion de la dignité d’autrui. Ce qui passe par des actions concrètes d’entr’aide et de soutien mutuel : des rencontres du quotidien ouvrant la voie à une fraternité qui ne reste pas figée dans la pierre des édifices publics. Faisant place à notre désir le plus authentique, nous osons choisir le bonheur et non le malheur. Cela passe par les dénonciations de tout ce qui est mépris de la dignité humaine : ne nous laissons pas embarquer en des légitimations douteuses ! Surtout, construisons au quotidien les solidarités fraternelles qui nous font tenir ensemble, sans rester prisonniers de classes sociales ou de frontières étatiques. De tels choix personnels demeurent premiers, mais ils restent insuffisants. Il faut en arriver au cap politique.

+ Où en sommes-nous à propos de vrais projets politiques, ceux qui dessinent un humanisme concret, qui envisagent sérieusement un avenir de justice et de paix ? Il ne s’agit pas d’un catalogue de mesures disparates, de réformes populistes surfant sur les rancœurs… Un sursaut démocratique est nécessaire, afin que le peuple se trouve associé à cet imaginaire d’un bien vivre ensemble, en vue de le construire collectivement.
Une référence éthique demeure centrale : la prise en compte de la dignité de chaque personne humaine, à commencer par la plus fragile. En vertu du principe de réciprocité (la règle d’or), chacun travaille à faire pour autrui ce qu’il attend que l’autre fasse pour lui, non pour rêver d’équivalences introuvables, mais pour avancer ensemble dans un échange de dons qui déborde tout étalonnage.
Il vaut la peine de nous entretenir à propos d’un humanisme exigeant, qui ne se paie pas de mots, qui engage chacun.

4 – Des paroles d’espérance : Albert ROUET, Et il dit : heureux ! Une lecture des Béatitudes selon saint Matthieu ? Salvator, 2024.
+ Heureux les doux : « Cette terre est encore l’objet de convoitises et de violences pour l’accaparer, l’occuper et l’exploiter. Elle suscite toujours de nombreuses guerres dont le but, la possession, élimine l’autre : c’est bien ce que promettait le tentateur. La béatitude de la douceur envisage cette terre comme le lieu du partage. La douceur crée une écologie du rapport à la terre qui dépend de la qualité des relations entre les hommes. » P. 88
+ Heureux ceux qui font la paix : « La paix demande du travail. Elle est un chemin qui déplace et non pas une tranquillité morne et satisfaite. Elle entre dans le plan de Dieu, celui de faire de la terre qu’il a confiée aux hommes un monde humain et fraternel. » P. 165

Télécharger le n°66,  mars 24

Alors que se prépare l’élection présidentielle en Russie, non seulement les candidats perçus comme ayant un potentiel sont écartés ou emprisonnés, mais on tue un Navalny, incarcéré dans un goulag de l’Arctique, comme s’il représentait encore une menace à l’ordre établi.