Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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La session annuelle du Conseil sur les approches chrétiennes de la défense et du désarmement s’est tenue début septembre à Berlin.

La prochaine aura lieu en France, organisée par Pax Christi et Justice et Paix.

Cette réunion de fonctionnaires civils, de militaires, d’experts et de théologiens catholiques et protestants est née en 1963 du besoin de porter un regard éthique sur les questions stratégiques. Les pays représentés appartiennent à l’Alliance atlantique, les participants britanniques, allemands, néerlandais et américains y étant les plus nombreux.

Longtemps les dilemmes de la dissuasion nucléaire ont été au centre des discussions. Était-il admissible de fonder l’équilibre Est-Ouest sur la menace d’immenses dévastations ? Mais était‑il pour autant justifié de laisser le monopole de l’arme nucléaire à des régimes totalitaires ? Des réponses très différentes pouvaient être données à ces interrogations : la stratégie américaine de « riposte graduée » entendait limiter l’impact d’un éventuel conflit sur les populations alors que la stratégie française de dissuasion visait à empêcher tout affrontement armé. Malgré ces divergences, le désarmement nucléaire a toujours bénéficié d’un consensus.

Après la fin de la guerre froide, les débats se sont concentrés sur la question du recours à la force pour la gestion des crises et en particulier pour mettre fin à des catastrophes humanitaires telles que celles de l’ex-Yougoslavie. Ils ont été marqués par le mouvement d’opinion international qui s’est développé, après le massacre de Srebrenica et la tragédie du Rwanda, pour refuser que la souveraineté des États fasse obstacle aux mesures de coercition indispensables pour la protection des populations menacées.

La conférence de Berlin a essentiellement porté sur cette problématique. Plusieurs approches y ont été confrontées : la doctrine traditionnelle de la « guerre juste », la notion de « paix juste » élaborée par les catholiques et protestants allemands pour donner la priorité à la prévention des conflits, le nouveau concept onusien de « responsabilité de protéger » et la stratégie « d’approche globale » qui prévoit de combiner dans la durée les moyens civils et militaires de gestion des crises, la composante militaire ne jouant un rôle déterminant qu’au moment le plus aigu, pour faire cesser les combats.

Tous les participants ont reconnu que la notion de « guerre juste » restait actuelle mais que le recours à la force est toujours la marque d’un échec. La prévention des conflits est donc cruciale. Les divergences ont surtout porté sur la valeur normative du droit international, certains considérant que, face à des situations humanitaires extrêmes comme celle de la Syrie actuellement, il était admissible de se passer de l’autorisation du Conseil de sécurité pour intervenir. La plupart ont en revanche exprimé de grandes inquiétudes devant les risques d’une telle mise en cause du système des Nations Unies. De nombreux participants ont par ailleurs contesté l’interprétation extensive du droit de légitime défense avancée pour justifier certains usages des drones de combat.

 

Repères

 

  • La doctrine de la « guerre juste » a été reprise de manière implicite, par le rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États à l’origine de la notion de « responsabilité de protéger » :le recours à la force n’est possible qu’à six conditions: la décision d’une autorité légitime, la cause juste, l’intention droite, la proportionnalité de l’action avec le mal à combattre, les chances raisonnables de succès et le dernier recours, après l’épuisement de toutes les solutions pacifiques. Cette doctrine considère l’emploi de la force comme un mal mais l’accepte dans des situations où l’inaction serait cause d’un mal plus grand encore.

 

  • La notion de « paix juste », notamment développée par les évêques allemands, repose sur trois principes : dignité de l’homme, recherche du bien commun international et exigence de justice et de solidarité. Elle se présente comme un dépassement de la doctrine de « guerre juste » et met l’accent sur le caractère prioritaire de la prévention, de la réconciliation et du désarmement mais reconnaît que certaines situations peuvent justifier le recours à la force dès lors que sont remplies les conditions définies par la doctrine de la « guerre juste ».

 

  • Le concept stratégique de l’OTAN, adopté au sommet de Lisbonne en novembre 2010, a reconnu la nécessité, pour la gestion des crises, d’une « approche globale » faisant intervenir une gamme diversifiée d’instruments politiques, civils et militaires. Seuls, les moyens militaires, même s’ils sont essentiels, ne suffisent pas pour répondre aux menaces et risques.

 

  • Le document final du Sommet mondial de 2005 de l’ONU a consacré le principe de « responsabilité de protéger » : les États ont le devoir de protéger leur population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. S’ils n’en ont pas la capacité ou la volonté, l’ONU s’engage à intervenir pour assurer cette protection. La « responsabilité de protéger » repose sur trois piliers : la responsabilité première des États dans la protection de leur population ; l’assistance internationale aux États en vue de renforcer leur capacité de protection ; et, en cas de défaillance, volontaire ou non, d’un État, une action de la communauté internationale, sur décision du Conseil de sécurité.

Dans un contexte politique en tension croissante avant les élections législatives de fin 2013, les forces de droite, dans l’opposition, s’allient avec les  islamistes traditionnels et politiques.

Ceux-ci sont pilonnés par le parti au pouvoir laïque et de gauche : un tribunal juge et condamne pour crimes de guerre des collaborateurs de l’armée pakistanaise pour des faits remontant à la guerre civile qui conduisit à l’indépendance de 1971.

Même dans un pays chahuté et pauvre, l’Etat existe, présent et efficace comme le manifeste sa réponse organisée face au drame du 24 avril 2013. A 21 kilomètres du centre-ville de la capitale Dacca, un bâtiment de huit étages, abritant 300 échoppes et cinq usines textiles, s’est effondré tuant 1147 personnes, principalement des ouvrières exploitées par des entrepreneurs bangladais et des entreprises occidentales.

L’armée envoya des soldats; la police, les pompiers furent immédiatement actifs, comme 1200 bénévoles du Croissant rouge, de Caritas et du service d’aide du Ministère des urgences et des secours.

Comme d’habitude, en cas de catastrophe de ce genre, ce sont les populations et les organisations locales sous la conduite d’un plan officiel préétabli – quand il existe – qui sont efficaces lors des premières heures, les plus importantes pour secourir les victimes coincées sous les gravats. Le Bangladesh connait cela parfaitement du fait de son habitude des inondations et des cyclones.

Mais sa faiblesse politique et sociale ne permet pas la protection des travailleurs du textile. La catastrophe récente fait suite à une longue série de drames du même genre, le dernier étant l’incendie d’un bâtiment de neuf étages qui fit au moins 112 morts et 200 blessés en novembre 2012.

Cette catastrophe a  servi de déclic : les syndicats bangladais et des sociétés occidentales ont signé un accord qui vise à améliorer les conditions de travail et de sécurité et à créer un mécanisme d’indemnisation des victimes. Il faudra que l’Etat s’engouffre dans la brèche, si la corruption ne l’entrave pas. L’Organisation mondiale du commerce et l’Organisation internationale du travail sont impuissantes, tant dans ces domaines que pour inciter à des salaires décents. Un comble à l’époque où le discours dominant fait l’éloge de la mondialisation; pas celle de la protection des travailleurs, en ce cas, des « esclaves », dirait même le pape François.