Ethique, paix et sécurité

La session annuelle du Conseil sur les approches chrétiennes de la défense et du désarmement s’est tenue début septembre à Berlin.

La prochaine aura lieu en France, organisée par Pax Christi et Justice et Paix.

Cette réunion de fonctionnaires civils, de militaires, d’experts et de théologiens catholiques et protestants est née en 1963 du besoin de porter un regard éthique sur les questions stratégiques. Les pays représentés appartiennent à l’Alliance atlantique, les participants britanniques, allemands, néerlandais et américains y étant les plus nombreux.

Longtemps les dilemmes de la dissuasion nucléaire ont été au centre des discussions. Était-il admissible de fonder l’équilibre Est-Ouest sur la menace d’immenses dévastations ? Mais était‑il pour autant justifié de laisser le monopole de l’arme nucléaire à des régimes totalitaires ? Des réponses très différentes pouvaient être données à ces interrogations : la stratégie américaine de « riposte graduée » entendait limiter l’impact d’un éventuel conflit sur les populations alors que la stratégie française de dissuasion visait à empêcher tout affrontement armé. Malgré ces divergences, le désarmement nucléaire a toujours bénéficié d’un consensus.

Après la fin de la guerre froide, les débats se sont concentrés sur la question du recours à la force pour la gestion des crises et en particulier pour mettre fin à des catastrophes humanitaires telles que celles de l’ex-Yougoslavie. Ils ont été marqués par le mouvement d’opinion international qui s’est développé, après le massacre de Srebrenica et la tragédie du Rwanda, pour refuser que la souveraineté des États fasse obstacle aux mesures de coercition indispensables pour la protection des populations menacées.

La conférence de Berlin a essentiellement porté sur cette problématique. Plusieurs approches y ont été confrontées : la doctrine traditionnelle de la « guerre juste », la notion de « paix juste » élaborée par les catholiques et protestants allemands pour donner la priorité à la prévention des conflits, le nouveau concept onusien de « responsabilité de protéger » et la stratégie « d’approche globale » qui prévoit de combiner dans la durée les moyens civils et militaires de gestion des crises, la composante militaire ne jouant un rôle déterminant qu’au moment le plus aigu, pour faire cesser les combats.

Tous les participants ont reconnu que la notion de « guerre juste » restait actuelle mais que le recours à la force est toujours la marque d’un échec. La prévention des conflits est donc cruciale. Les divergences ont surtout porté sur la valeur normative du droit international, certains considérant que, face à des situations humanitaires extrêmes comme celle de la Syrie actuellement, il était admissible de se passer de l’autorisation du Conseil de sécurité pour intervenir. La plupart ont en revanche exprimé de grandes inquiétudes devant les risques d’une telle mise en cause du système des Nations Unies. De nombreux participants ont par ailleurs contesté l’interprétation extensive du droit de légitime défense avancée pour justifier certains usages des drones de combat.

 

Repères

 

  • La doctrine de la « guerre juste » a été reprise de manière implicite, par le rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États à l’origine de la notion de « responsabilité de protéger » :le recours à la force n’est possible qu’à six conditions: la décision d’une autorité légitime, la cause juste, l’intention droite, la proportionnalité de l’action avec le mal à combattre, les chances raisonnables de succès et le dernier recours, après l’épuisement de toutes les solutions pacifiques. Cette doctrine considère l’emploi de la force comme un mal mais l’accepte dans des situations où l’inaction serait cause d’un mal plus grand encore.

 

  • La notion de « paix juste », notamment développée par les évêques allemands, repose sur trois principes : dignité de l’homme, recherche du bien commun international et exigence de justice et de solidarité. Elle se présente comme un dépassement de la doctrine de « guerre juste » et met l’accent sur le caractère prioritaire de la prévention, de la réconciliation et du désarmement mais reconnaît que certaines situations peuvent justifier le recours à la force dès lors que sont remplies les conditions définies par la doctrine de la « guerre juste ».

 

  • Le concept stratégique de l’OTAN, adopté au sommet de Lisbonne en novembre 2010, a reconnu la nécessité, pour la gestion des crises, d’une « approche globale » faisant intervenir une gamme diversifiée d’instruments politiques, civils et militaires. Seuls, les moyens militaires, même s’ils sont essentiels, ne suffisent pas pour répondre aux menaces et risques.

 

  • Le document final du Sommet mondial de 2005 de l’ONU a consacré le principe de « responsabilité de protéger » : les États ont le devoir de protéger leur population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. S’ils n’en ont pas la capacité ou la volonté, l’ONU s’engage à intervenir pour assurer cette protection. La « responsabilité de protéger » repose sur trois piliers : la responsabilité première des États dans la protection de leur population ; l’assistance internationale aux États en vue de renforcer leur capacité de protection ; et, en cas de défaillance, volontaire ou non, d’un État, une action de la communauté internationale, sur décision du Conseil de sécurité.