Le nationalisme de l’exclusion

Partout sur le continent européen, les élections régionales, nationales et européennes ont été marquées par une nouvelle montée de partis qui défendent la suprématie d’intérêts nationaux étriqués sur les valeurs humaines universelles ou sur les obligations et engagements internationaux. (…)

Ce qui nous inquiète, c’est la tendance accrue à rechercher le pouvoir et la popularité grâce à des programmes politiques simplistes et à des slogans assénés dans l’idée que la prospérité et la sécurité ne peuvent être réalisées que par le biais de mesures nationales unilatérales, et si nécessaire, au détriment des autres peuples. Ces slogans font régulièrement la une des médias traditionnels qui leur donnent une caisse de résonance, et finissent par donner une orientation nationaliste à l’agenda politique général d’un pays. D’expression souvent raciste et xénophobe, ils rappellent inévitablement les politiques bellicistes  et ultranationalistes menées avant les deux guerres mondiales. En suggérant que la nation, la nationalité et leurs mythes fondateurs sont la bonne réponse aux défis actuels, ces partis et leurs défenseurs renvoient à un paradigme d’exclusion qui ne manquera pas d’aggraver la situation plutôt que d’apporter la moindre solution.

Le « nationalisme de l’exclusion » est contraire à la dignité humaine. Il représente un déni de justice en cela qu’il définit les droits fondamentaux en fonction de l’origine nationale, raciale ou religieuse, et – in fine – il menace la cohésion sociale au niveau local et la paix entre les pays européens. (…)

En jouant sur les craintes les plus profondes, les responsables politiques nationalistes et populistes tentent de gagner le pouvoir grâce aux solutions simples qu’ils offrent, sans expliquer qu’une solution fondée sur l’injustice et la marginalisation d’une partie de la société ne créera jamais les conditions d’une communauté pacifique et progressiste. Il n’existe aucune réponse rapide et facile aux défis structurels profonds posés par des sociétés plurielles et par une économie mondialisée.

La question de la migration est l’exemple parfait de cette tendance à ignorer les réalités. (…)

Dans les discours des partis nationalistes, l’Union européenne est rendue responsable de la crise économique actuelle, des inégalités sociales et du chômage. En conséquence, ces partis prétendent souvent qu’une sortie de l’Union européenne s’impose. (…)

Comment contrer le nationalisme de l’exclusion ? La réponse devra tous nous impliquer, car elle est liée à nos valeurs européennes communes au cœur desquelles repose le respect de la dignité humaine. (…) Après avoir fait le constat des craintes qui dominent dans l’Europe contemporaine et après avoir reconnu nos propres incertitudes, acceptons les leçons que nous enseigne l’histoire : la guerre entre les nations est la pire des choses. La violence raciste et xénophobe, dans les mots ou dans les actes, est inacceptable d’un point de vue moral et légal. (…)

La vision chrétienne d’une justice et d’une paix universelles ne laisse aucune place au chauvinisme. (…)

En conséquence, nous recommandons:

  • de concevoir des politiques économiques et sociales permettant aux populations de trouver un emploi valorisant et d’assumer leurs responsabilités envers eux-mêmes et leur famille ; des politiques qui leur offrent un véritable soutien lorsqu’elles sont confrontées aux écueils inévitables de la vie ;
  • de concevoir une politique européenne de la migration cohérente, qui prévoit une véritable mutualisation des responsabilités ainsi que des mesures visant à lutter contre toutes les formes de migration forcée. (…)

Nous exhortons les citoyens européens, les organisations de la société civile et les Eglises à :

  • discuter de la valeur d’une identité forte pour une société inclusive où règne une solide cohésion sociale ;
  • s’insurger contre toutes les expressions de rhétoriques nationalistes dans la vie publique et dans la vie privée et les contester ;
  • renforcer la démocratie, la solidarité et le respect de la dignité humaine par l’éducation et la force de l’exemple ;
  • valoriser la dignité humaine, comme élément essentiel de notre patrimoine européen commun.