Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Au nom de leur foi, des chrétiens s’engagent pour plus de justice en  Palestine et en Israël

 

 

1 Carte de la Palestine sous mandat britannique de 1922 à 1948.

2 Plan de partage de l’ONU du 29 novembre 1947 qui prévoit de diviser la Palestine entre un État juif et un État arabe. Il prévoit pour Jérusalem et sa proche banlieue un statut international. Ce tracé ne sera jamais appliqué car, suite à la première guerre israélo-arabe (1948-1949), l’État hébreu victorieux élargit son territoire.

3 En 1967, à la suite de  la guerre des Six jours, Israël occupe la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est,

la bande de Gaza, le Golan syrien et le Sinaï  égyptien. Seul le Sinaï  égyptien sera restitué après les accords de paix de Camp David (1978).

4 En 2011, les colonies et leurs infrastructures occupent plus de 43 % de la Cisjordanie.

Source : OCHA 2011

Israël, une société plurielle

 Loin d’être monolithique, la société israélienne s’est constituée avec l’arrivée progressive de plusieurs vagues d’immigration porteuses de cultures différentes. Sa population atteint aujourd’hui 7,8 millions de citoyens

La population juive israélienne comprend  deux traditions culturelles principales.

Les ashkénazes, dont est encore souvent issue l’élite politique israélienne, sont d’origine européenne. Leur immigration vers la Palestine, animée par le projet politique sioniste d’y créer un État juif, a commencé dès la fin du XIXe siècle. Elle s’accélère dans les années vingt dans un contexte où l’antisémitisme grandit en Europe. Décimés par la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale, les survivants tentent de se réfugier en Palestine, alors sous mandat britannique, puis affluent massivement dans les années cinquante après la création de l’État d’Israëlen 1948.

L’autre grande tradition culturelle concerne les sépharades, originaires d’Espagne et d’Afrique du Nord. Si la communauté était déjà présente sous l’Empire ottoman, la majorité est arrivée lorsque la tension s’est développée à leur égard dans les pays arabes à la suite de  la création de l’État d’Israël. Plusieurs vagues migratoires issues du monde entier se sont ainsi succédé. À partir de 1989, plus d’un million de citoyens issus de l’ex-Union soviétique sont venus s’installer dans le pays.

On oublie souvent que 1,9 million d’habitants, soit 25 % de la population israélienne, ne sont pas juifs. Les Palestiniens, de confession musulmane, chrétienne ou druze, qui n’ont pas été forcés de fuir en 1948 et ont aujourd’hui la nationalité israélienne, représentent environ 20 % de la population. Israël a attiré aussi, depuis une dizaine d’années, des milliers de migrants roumains, thaïlandais, africains. Leur présence fait resurgir des questionnements sur la place des non-juifs dans la société israélienne.

Les débats sont vifs aujourd’hui sur la place de la religion, entre les ultra-orthodoxes, dont la proportion a grandi au sein de la société, et ceux qui défendent la laïcité originelle. Alors que la croissance économique est forte, les inégalités socio-économiques aussi se sont creusées. Pendant l’été 2011, 400 000 personnes ont manifesté dans les rues de Tel Aviv pour demander plus de justice sociale. Si le quotidien des Palestiniens est déterminé par la politique israélienne, beaucoup d’Israéliens se sentent peu concernés par la question palestinienne. Avec le mur de  séparation  les contacts avec les Palestiniens des territoires occupés sont presque inexistants, et les nouvelles générations grandissent dans l’ignorance totale de l’Autre.

Les Israéliens marqués par la peur et l’insécurité

 

Le peuple juif a été menacé dans son existence dans toute l’Europe et victime d’un génocide qui fit six millions de morts, sans qu’aucune nation ou institution internationale ne le protège. Marqués par ce passé, de nombreux juifs et Israéliens vivent avec un profond sentiment d’insécurité et d’angoisse. Après la Shoah, la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël en 1948 a représenté un immense espoir pour beaucoup de juifs, Ce traumatisme mêlé d’espoir a certainement conduit les Israéliens, mais aussi nombre d’Européens et d’Américains, à ignorer le prix payé par la population palestinienne qui fut, pour plus de la moitié d’entre elle, dépossédée et jetée sur les routes de l’exil dès 1948. Ensuite, les guerres israélo-arabes, puis les attentats terroristes et les tirs de roquettes frappant la société civile ont venus réactiver les angoisses israéliennes. L’idée que les Arabes n’accepteraient jamais leur existence s’est imposée. Malgré la supériorité militaire écrasante des Israéliens, la peur reste omniprésente dans la société.

Cependant, des Israéliens critiquent la manière dont certains hommes politiques israéliens exploitent cette peur pour se maintenir au pouvoir et légitimer l’usage systématique de la force envers les Palestiniens « au lieu d’avertir des dangers qu’il y a à poursuivre le conflit »[2]

Des voix israéliennes s’élèvent aussi pour dénoncer les conséquences de l’occupation et les violations massives de droits de l’homme à l’égard des Palestiniens.

 

Les Palestiniens, un peuple dispersé

 

Neuf millions de Palestiniens sont aujourd’hui dispersés entre plusieurs pays et territoires. Ils y subissent différents statuts discriminatoires et n’ont pas la possibilité de circuler librement. De nombreuses familles sont séparées.

Les « réfugiés » représentent plus de la moitié des Palestiniens (soit 4,8 millions de personnes. Ils sont les descendants de ceux qui habitaient sur le territoire israélien actuel et ont été chassés ou ont dû fuir dès 1948, au moment de la guerre ayant suivi la proclamation de l’État d’Israël. Ils sont dispersés depuis plus de soixante ans au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem. Leurs biens ont été pris par l’État israélien, qui a toujours refusé leur droit au retour. Un tiers d’entre eux , mal intégré dans la plupart des pays arabes, vit encore dans des camps de réfugiés.

Les Palestiniens d’Israël (soit 1,7 million de personnes) représentent aujourd’hui plus de 20 % de la population israélienne. Ce sont les descendants de ceux qui n’ont pas été obligés de fuir et ont pu rester en Israël lors de  la création de l’État en 1948. Ils sont devenus des citoyens israéliens, comme à Nazareth par exemple. S’ils bénéficient d’un bien meilleur niveau de vie socio-économique que les Palestiniens des territoires occupés, ils souffrent toujours de discriminations au sein de la société israélienne et ont dû abandonner une grande partie de leurs terres.

Les Palestiniens des territoires occupés par Israël à la suite de  la guerre des Six jours en 1967 (soit 4 millions de personnes) habitent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Avant cette date, la Cisjordanie (dont Jérusalem- Est) dépendait de la Jordanie et Gaza de l’Égypte. Depuis les accords d’Oslo en 1993 et la création de l’Autorité palestinienne sur ces territoires, leurs habitants ont une carte d’identité palestinienne. Cependant, ils sont soumis aux restrictions imposées par les autorités israéliennes. Ils ne peuvent se déplacer en Israël et à l’étranger sans permis soumis à condition. Ils ne peuvent pas non plus circuler entre la Cisjordanie et Gaza. Le mur construit depuis 2002 sépare maintenant les habitants de Jérusalem du reste de la Cisjordanie.

Les habitants palestiniens de Jérusalem-Est (soit 230 000 personnes) ont un statut à part. Cette partie de la ville a été non seulement occupée, mais annexée par Israël après 1967. Les Palestiniens de Jérusalem reçoivent depuis une « carte de résident » qui leur accorde le droit de rester vivre dans leur ville. De plus en plus difficile à faire renouveler et révocable, cette carte ne leur garantit pas non plus l’accès aux mêmes droits ni aux mêmes services publics qu’aux autres habitants israéliens.

 

Les Palestiniens se sentent pris en étau dans l’enfermement, la destruction et l’absence de perspectives d’avenir

 

Un autre symptôme de l’occupation pour les Palestiniens reste l’expérience de la détention qui représente un véritable phénomène de société. En avril 2012, près de 1 600 prisonniers palestiniens ont suivi une grève de la faim pour demander la fin de l’isolement carcéral, la levée des sanctions (interdiction d’études universitaires, arrêt de la fourniture de livres, etc.), l’autorisation des visites pour les prisonniers originaires de Gaza et la fin de la détention administrative renouvelable indéfiniment, sans inculpation ni jugement.

Avec le blocus de Gaza et le mur en Cisjordanie, les Palestiniens des territoires occupés vivent une situation inédite d’enfermement. Jusque dans les années 2000 avant la 2èmeIntifada, les hommes allaient travailler en Israël, ils parlaient souvent hébreu. Aujourd’hui, tous les contacts sont coupés. À Gaza, une génération d’enfants grandit en n’ayant jamais rencontré un seul Israélien et en ne connaissant d’eux que le bruit des bombes, des drones et des hélicoptères.

En poursuivant la colonisation de la Cisjordanie, l’annexion de Jérusalem-Est et l’isolement de la bande de Gaza, le gouvernement israélien pratique une politique du « fait accompli » qui viole le droit international et rend quasi impossible la création d’un État palestinien viable et indépendant. L’Autorité palestinienne, qui devait être provisoire, perd sa légitimité aux yeux de son propre peuple au fur et à mesure que la possibilité d’un État disparaît. Cette absence de perspectives nourrit un profond sentiment d’injustice et de désespoir chez les Palestiniens, et compromet la possibilité d’une paix future.

 

Le « Kairos » – 2010

En 2010, des chrétiens de Terre Sainte ont lancé un appel aux chrétiens du monde entier, le « Kairos Palestine », signé par tous les chefs d’Église de Jérusalem et par plus de 2 300 chrétiens palestiniens.[3]

« Notre avenir et celui des Israéliens ne font qu’un : ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble. Nous invitons les Israéliens à renoncer à leur injustice à notre égard, à ne pas déformer la vérité de l’occupation en prétendant lutter contre le terrorisme. »

« Notre message aux musulmans est un message d’amour et de convivialité et un appel à rejeter le fanatisme et l’extrémisme. C’est aussi un message pour le monde, pour lui dire que les musulmans ne sont pas un objet de combat ou un lieu de terrorisme, mais un but de paix et de dialogue. »

 

 

La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine interpelle les autorités françaises et européennes, www.plateforme-palestine.org :

  • Pour qu’elles s’engagent activement en faveur du retrait israélien des territoires occupés, de la levée du blocus de Gaza, de la fin de la colonisation, des expropriations et des destructions de maisons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui sont des violations flagrantes du droit international et du droit humanitaire,
  • Pour qu’elles fassent preuve d’une plus grande transparence et réduisent

leurs exportations croissantes d’armes et de technologies militaires vers Israël,

  • Pour qu’elles utilisent davantage les outils de négociation à leur disposition, en particulier l’accord d’association économique qui lie l’Union européenne à Israël, et qui est conditionné au respect des droits de l’Homme,
  • Pour qu’elles encouragent le processus de réconciliation inter- palestinien.

 

[1] Rédaction : Anne-Isabelle Barthélémy. Comité de rédaction : Emmanuelle Bennani-Caillouët, Alexis Adam de Matharel, Bernard Flichy, Pascale Quivy, Séverine Laville, Joël Thomas, Denis Viénot.

 

[2] Akiva Heldar, chef de la rédaction politique et éditorialiste au quotidien Ha’aretz « En finir avec la politique de la peur », article publié dans Ha’aretz et traduit en français dans Courrier International, le 28 décembre 2010.

 

[3] Kairos est un mot grec désignant le temps. Contrairement à chronos qui désigne le temps ordinaire ou chronologique, kairos désigne le temps sacré ou donné par Dieu, le temps de l’occasion opportune pour se repentir et le temps du renouveau : « Maintenant est le bon moment pour agir. » Reconnaître le kairos signifie reconnaître que c’est maintenant le temps d’agir pour la justice.

Lors d’une visite annuelle, du 4 au 10 janvier, une délégation d’évêques catholiques représentant les diverses assemblées épiscopales d’Amérique du Nord et d’Europe, membres de la Coordination des évêques pour la Terre sainte, a rencontré des communautés chrétiennes dans la bande de Gaza, à Bethléem et à Beit Jala (Cisjordanie), ainsi qu’en Jordanie, à Madaba et à Zarqa.

 

Les années passent, et rien ne permet de penser que la situation au Moyen-Orient va s’améliorer rapidement.

Le mur qui protège Israël se prolonge, lance ses tentacules en direction des colonies qui se multiplient. Un recours en justice a pour but d’arrêter sa construction dans la vallée de Crémisan, mais qui peut croire que la justice, ici, puisse résister à l’argument de la sécurité, même quand, en l’occurrence, il est totalement fallacieux et cache la volonté de finir l’encerclement de Jérusalem et de couper celle-ci de Bethléem ?

Et sur la route de Jéricho, les colonies vont arriver à couper le territoire palestinien en deux.

 

Pendant quelques années, nous avons cru à la solution de deux États.

A chaque période, nous nous disions : « c’est la dernière année de Clinton, il va avoir les mains libres, il va pouvoir agir ; Obama a fait un superbe discours au Caire, il va agir ; Hillary Clinton a montré son agacement devant le projet de nouvelles colonies, les Américains vont agir ; la communauté européenne a publié un rapport précis et très critique sur la planification de l’encerclement par les colonies faite par   les élus de Jérusalem, elle va agir… ».

C’est toujours pour demain.

Certes, le ton des communiqués monte. Diplomatiquement, il ne peut pas aller beaucoup plus loin… d’autant que les condamnations les plus fermes sont immédiatement assorties du : « évidemment, nous sommes contre la politique de sanction ».

Nous qui pensons qu’il n’y a pas de paix possible sans l’établissement de deux États égaux en droit, nous rêvons encore d’une fenêtre d’opportunité : les élections en Israël et le début de la mandature Obama II.

Mais soyons clairs : la fenêtre sera de courte durée, car les colonies s’installent et l’irrémédiable sera fixé.

 

Nous allons vers un statu quo… un seul État, Israël… et, au cœur d’Israël, la tentation, soit de chasser les Palestiniens, soit de l’ « apartheid ».

Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

 

Dans le monde tel qu’il est, il est difficile de ne pas se laisser prendre aux discours sur la sécurité. La conscience risque de s’endormir devant ceux qui ne prennent pas conscience de l’injustice qu’ils causent. La sécurité est un bien. Elle peut justifier des actions d’urgence. Elle ne peut pas justifier, sur le long terme, l’absence de considération pour les drames humains et le refus de chercher une solution politique aux problèmes. Bref, pour refuser d’oser la confiance.

 

La frustration est grande.

Israël est une jeune démocratie, mais c’est une démocratie et, en son sein, une grande partie de la population est horrifiée chaque fois qu’elle apprend les violations des droits de l’homme. Mais elle sait mal,  même si ses réseaux sociaux peuvent permettre  aujourd’hui  de dépasser les censures et les politiques de communication.

Israël a besoin de sécurité, comme tous les peuples, mais Israël au aussi besoin d’ouverture… et les murs ne peuvent pas monter jusqu’au ciel : c’est Israël qui a la force, c’est donc cet Etat  qui a le devoir d’oser la confiance malgré les terroristes des deux camps.

Les chrétiens sont majoritairement arabes. Mais ils sont soutenus par le monde entier. 45 % des ON.G travaillant en Palestine sont chrétiennes (2 % de la population), 25 % du service de santé est entre leurs mains. Et leur effort pour l’éducation des jeunes – quels qu’ils soient, musulmans ou chrétiens, pauvres ou riches- est un moyen pour eux de résister au manque d’espoir : elles cherchent à bâtir le futur.

Pourtant,  cet engagement est le fait d’une partie importante, mais minoritaire : que ce soit chez les juifs, chez les musulmans ou chez les chrétiens, la sécularisation gagne, et, parallèlement, les tentations identitaires, voire extrémistes. La guerre n’est jamais une école de moralité.

A Beit Jala, la communauté chrétienne est celle qui va être privée de son gagne-pain, en étant privée de ses terres de Crémisan. Humainement, la frustration est grande. Le pire semble inévitable. Mais la communauté est non-violente, et elle s’est engagée dans une campagne de prière. Avec confiance.

 

Arriver à se faire confiance les uns les autres en demandant à Dieu d’y parvenir, c’est le seul plan.

Et il n’existe plus de plan B.