Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Face à la crise et à ses effets, destructeurs de croissance et créateurs de chômage et de pauvreté, des actions s’amorcent.

La conférence des commissions Justice et Paix d’Europe publie un Appel pour une vision à long terme qui mette l’économie au service de la société : « Notre vision est celle d’une société dans laquelle toute l’activité économique est au service des exigences de la justice et du bien commun. Nous croyons qu’une responsabilité particulière à cet égard incombe aux Gouvernements. »[1]

On note des évolutions dans de nombreux domaines. Il faut s’en réjouir, même si le chemin est encore long.

Aux Etats-Unis, de nouvelles dispositions légales, « Foreign Account Tax Compliance Act » (FATCA), applicables en 2013, permettent aux autorités fiscales américaines de consulter toutes les valeurs en compte ou en dépôt de personnes assujetties à l’impôt américain auprès de toutes les banques dans le monde entier.

Aux Etats- Unis encore, les règles d’application de la loi de réforme des marchés financiers (Dodd-Frank) ont été adoptées en août dernier par la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur des marchés financiers américains. Les entreprises extractives cotées aux Etats-Unis, telles que Total, Chevron, BP et Shell, devront révéler leurs paiements aux gouvernements de tous les pays où elles opèrent. Une mesure- clé pour mettre un terme à l’opacité du secteur extractif, source d’injustices, de violence et de pauvreté, en particulier dans des pays où les services publics ont tant besoin de financements.[2] Les réticences sont fortes ; les entreprises pétrolières multiplient les procès. Au plan européen, les prochaines directives de transparence et de comptabilité obligeront les entreprises pétrolières, gazières, minières et forestières à publier l’ensemble des paiements qu’elles versent aux pays où elles extraient des ressources.

Les banques américaines sont visées par des nouveautés, renforcement des pouvoirs de la Banque Centrale, création d’un organisme de protection des consommateurs, mise en place de mesures de sauvetage ne faisant pas appel aux contribuables ; elles aussi font de la résistance. Au plan européen, le récent rapport Likanen recommande de filialiser des activités financières risquées des banques de dépôt. En Grande- Bretagne, un projet Vickers veut isoler les services bancaires pour les ménages et les PME.

Et, en France, la nouvelle loi bancaire ne fait que le service minimum, même si un amendement concerne la transparence des banques : publication du nom des filiales, de leurs effectifs et de leur produit net bancaire. L’importance est que la transparence est exigée sur l’ensemble des territoires.[3]

A ces évolutions s’ajoute un événement historique du côté de l’OCDE et du G20. Les ministres des Finances réunis en février 2013 ont réagi au rapport publié par l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques qui prône une action coordonnée contre la pratique croissante des multinationales consistant à déclarer les profits ailleurs que dans le pays où ils ont été réalisés, afin de bénéficier de fiscalités plus avantageuses. La Grande-Bretagne prend la tête d’un groupe de travail sur la tarification des transferts de bénéfices. L’Allemagne préside un groupe  sur l’érosion de la base d’imposition, tandis que la France étudie avec les Etats-Unis une refonte des normes juridiques s’appliquant notamment au commerce électronique. Un plan d’action se dessine[4].

Le retour de l’Etat national et international est un pas en avant au service du bien commun.

 

Repères

 

Note du Conseil pontifical Justice et Paix sur finance et développement, présentée dans le cadre de la conférence de Doha, 18 novembre 2008.

« La crise financière actuelle est essentiellement une crise de confiance. On reconnaît désormais comme l’une des causes de la crise le recours excessif au « levier » financier de la part des opérateurs, et l’évaluation insuffisante des risques que cela comporte. Et surtout, chacun reconnaît la fracture qui s’est produite entre la nécessité que la finance joue sa fonction « réelle » de pont entre le présent et l’avenir, et l’horizon temporel de référence des opérateurs, qui s’attache avant tout au présent.(…).

Il apparaît aujourd’hui clairement que la souveraineté nationale est insuffisante; même les grands pays sont conscients qu’il n’est pas possible d’atteindre les objectifs nationaux en comptant uniquement sur les politiques intérieures: des accords, des règles et des institutions internationales sont absolument nécessaires. »

 

La Conférence des Commissions Justice et Paix d’Europe – février 2013 – appelle les Gouvernements :

  • à adopter un Code d’éthique pour les institutions financières,
  • à créer un organe international de régulation indépendant,
  • à renforcer la régulation nationale et internationale afin de garantir que l’activité économique se conforme aux exigences de la justice,
  • à introduire une législation qui oblige les entreprises à présenter tous les aspects de leur activité pour lutter contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux.

[1]http://justicepaix.cef.fr

[2] Oxfam France, CCFD-Terre Solidaire, Secours Catholique, One France, Plateforme française « Publiez Ce Que Vous Payez », août 2012

[3]  http://www.stopparadisfiscaux.fr 18 février 2013

[4] http://www.paradisfj.info 17 février 2013

Après le colloque «Le désarmement nucléaire demain ?» organisé en mars 2012 (les Actes seront prochainement disponibles), la Faculté des sciences sociales et économiques (Institut catholique de Paris), Justice et Paix et Pax Christi, viennent d’organiser, à la demande des évêques, un nouveau colloque sur la responsabilité de protéger.

Celle-ci  a été définie par le Sommet mondial des Nations unies de 2005 :

« C’est à chaque Etat qu’il incombe de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Cette responsabilité consiste notamment dans la prévention de ces crimes, y compris l’incitation à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés. Nous l’acceptons et agirons de manière à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager et aider les Etats à s’acquitter de cette responsabilité et aider l’Organisation des Nations Unies à mettre en place un dispositif d’alerte rapide.

Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies, de mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VIII[1] de la Charte, afin d’aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts à mener en temps voulu une action collective résolue par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité.

Nous soulignons que l’Assemblée générale doit poursuivre l’examen de la responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et des conséquences qu’elle emporte, en ayant à l’esprit les principes de la Charte et du droit international. Nous entendons aussi nous engager, selon qu’il conviendra, à aider les Etats à se doter des moyens de protéger leurs populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et à apporter  une assistance aux pays dans lesquels existent des tensions avant qu’une crise ou qu’un conflit n’éclate. »

Quatre types de crimes donc et trois niveaux de responsabilité : l’Etat, la communauté internationale pour le soutenir pacifiquement, la communauté internationale pour agir militairement en dernier recours.

Le colloque a permis l’examen concret des situations précises qui ont vu le Conseil de sécurité intervenir depuis 2005, chaque fois de façon spécifique. Au Darfour en 2006, il a élargi le mandat d’une force déjà présente ; en Côte d’Ivoire, en 2011, il a mis dans le circuit la Cour pénale internationale et prononcé des sanctions visant les opérations financières et les déplacements des auteurs de crimes. Le cas libyen de 2011 constitue le cas le plus flagrant de recours à la force dans ce nouveau cadre: le Conseil envisage toutes les mesures possibles, sauf le déploiement sur le terrain de forces étrangères, ce qui explique le caractère aérien des attaques françaises et britanniques. En Syrie, le Conseil a décidé de l’envoi d’une mission de 300 observateurs qui fut un échec.

Pour le Mali, dès juillet 2012, les Nations unies se sont emparées du dossier. En octobre, le Conseil condamne les violations des droits de l’homme et les crimes. En décembre 2012, il décide d’un déploiement d’une force africaine pour appuyer l’armée malienne. L’intervention de la France est une anticipation de l’arrivée des Africains, mais demandée par les autorités maliennes, elle  a été approuvée par le Conseil de sécurité.

 

En concluant le colloque, Mgr Marc Stenger, président de Pax Christi, insistait sur l’aspect éthique de la responsabilité de protéger. L’important est d’abord la prévention. Et il s’agit de protéger la vie de chacun : la force est toujours un pis-aller.  La responsabilité de protéger n’est pas que militaire dans sa mise en œuvre. Ce nouvel outil de la communauté internationale manifeste l’importance du rôle des Nations unies et des demandes répétées de l’Eglise depuis Pacem in terris il y a 50 ans : « De nos jours, le bien commun universel pose des problèmes de dimension mondiale.

Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d’action prennent, eux aussi, des dimensions mondiales et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue de la terre. C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle. »(137)

[1] Actions pacifiques, actions au moyen de forces militaires