Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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S’il est un domaine où la continuité l’emporte sur le changement, c’est bien celui de la politique étrangère d’un pays, et la France n’échappe pas à cette règle. Chaque nouveau Président, chaque nouveau Ministre assure vouloir préserver l’héritage.

La première raison de cette attitude provient d’une constatation d’évidence : sur le plan international, il est nécessaire de prendre en compte les positions de ses partenaires et les engagements qui ont été pris précédemment et sont en cours de mise en œuvre. Déclarer s’en affranchir n’est guère envisageable, sauf à accepter de se retrouver marginalisé.

Une seconde raison est plus pertinente dans le cas de la France. Il existe depuis 1981, et surtout dans les périodes de cohabitation, un large consensus dans l’opinion et la classe politique sur la place et le rôle que doit tenir notre pays sur la scène internationale. Consensus souvent qualifié de gaullo-mitterrandien. Cela ne signifie  pas que les controverses soient absentes du débat : la politique moyen-orientale de la France a souvent provoqué des polémiques, de même que la nature des relations avec Washington ou avec l’OTAN. Une majorité a approuvé la non- participation à l’intervention américaine en Irak ou la décision d’un retrait anticipé des unités combattantes d’Afghanistan, mais certains ont critiqué le manque de solidarité avec notre allié. Pourtant les éventuels désaccords ne remettent pas en cause l’essentiel.

Un rêve de grandeur : le consensus !

L’essentiel, c’est la conviction intimement partagée par une grande majorité que la France a un rang à tenir et qu’elle doit assumer les responsabilités que lui confère son glorieux passé. Elle entretient un rêve de grandeur, elle nourrit le fantasme de continuer à être une puissance mondiale, une puissance moyenne à rayonnement mondial disent certains. Cet imaginaire  est largement partagé par la grande majorité des forces politiques du pays. Partagé également par des segments très importants de la société civile : grands entrepreneurs liés à l’Etat, journalistes, intellectuels, et les catholiques du pays avec leurs évêques s’inscrivent largement dans cette croyance partagée sur la place et le rôle supposé de la France. Ce consensus est exprimé de la manière la plus sérieuse et la plus naïve  par la citation inscrite sur le socle de la statue du Général de Gaulle au Rond-point des Champs Elysées : « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ».

Ce rôle spécial de la France serait enraciné dans le passé du pays. Le passé, c’est la contribution majeure que la France aurait apportée à l’histoire de notre planète dans les combats pour la démocratie, la défense et le respect des droits de l’homme, la construction d’un ordre plus juste et d’une société plus solidaire. Tout gouvernement, quelle que soit sa tendance, croit à l’impérieuse nécessité pour la France de faire entendre partout sa voix dans le monde, de rechercher les compromis qui conduiront à la réduction des tensions, mais aussi d’intervenir par tous les moyens dont elle dispose pour s’opposer à ce qui met en danger la stabilité, la justice et l’ordre international sur le plan politique, militaire ou économique. L’intervention en Libye, largement approuvée par l’opinion publique, en est la plus récente illustration.

A cette conscience du rôle spécial de la France correspondraient les attentes de ses  partenaires : la confiance que notre pays a quelque chose à dire et à proposer dans tous les débats. Elles sont au cœur de la politique étrangère française.

La France : un rôle en déclin relatif ?

La fin de la guerre froide et la décomposition de l’empire soviétique ont profondément modifié les rapports de force dans le monde. En fait, la France a perdu la rente de situation que lui valait, dans l’ancien monde clivé en deux blocs, sa position de pays occidental faisant entendre sa différence et son refus d’un alignement automatique sur le chef de file américain. La diplomatie française a dû s’adapter à une nouvelle situation : la « différence française » n’a plus lieu d’être, la possession de l’arme nucléaire est relativisée, le siège permanent au Conseil de Sécurité paraît chaque jour plus contesté ; l’Allemagne a mis fin à sa division et à sa souveraineté sous surveillance, sans aucune contrepartie pour la France. De plus, la France doit enregistrer la montée en puissance d’Etats largement absents jusqu’alors des organes de décision sur la scène internationale : Chine, Inde, Brésil en attendant le jour où la Turquie, l’Indonésie ou l’Afrique du Sud viendront perturber l’actuel désordre globalisé.

Certains défis restent au premier plan des préoccupations, tel celui lié aux exigences de la défense et de la sécurité, garantes, parait-il, de notre indépendance et de notre souveraineté. Il met en jeu les moyens de la protection de nos intérêts, leur projection sur des théâtres extérieurs, nos relations avec l’OTAN, la place du nucléaire dans la panoplie de notre dissuasion, la coopération avec nos partenaires en matière de production d’armements. D’autres défis  apparaissent moins classiques et exigent une approche et des méthodes bien différentes de celles dont use la diplomatie traditionnelle. Qu’il s’agisse des efforts, au sein du G8 et du G20, pour jeter les bases d’une nouvelle gouvernance mondiale, des négociations sur le réchauffement climatique, de la recherche d’un modèle de croissance compatible avec la raréfaction des ressources naturelles de la planète, la diplomatie voit son champ s’étendre à des domaines où l’affirmation de positions nationales cède inévitablement le pas à de laborieuses tractations dans de multiples enceintes.

Défi : concilier le rôle singulier de la France et la priorité donnée au multilatéralisme.

Plus que jamais, expertise et technicité, sens du compromis et aptitude au dialogue, sont des qualités indispensables que la France doit aujourd’hui privilégier si elle veut conserver son pouvoir d’influence et d’impulsion. Des contraintes  pèsent de plus en plus sur les marges de manœuvre de notre diplomatie comme la difficulté dans le cadre complexe de la mondialisation, de faire prévaloir une position. Tout se traite aujourd’hui très en amont, en concertation avec un nombre souvent très élevé de partenaires. Le poids d’une diplomatie se mesure désormais à sa capacité de travailler en amont à la formation d’un consensus, avec comme conséquence la nécessité de renoncer aux ambitions unilatérales. Derrière l’optimisme des formules d’une déclaration finale, peut se cacher le maintien du statu quo ou le compromis qui restera lettre morte car inapplicable. Un exemple parmi d’autres : le bilan décevant, en dépit d’un très fort engagement, de la récente Présidence française du G8 et du G20, avec un sommet à Cannes dont il n’est sorti que des ajustements cosmétiques. Autre exemple, la taxe sur les transactions financières que la France réclame depuis des années : il est clair que cette initiative très médiatique n’a de chance d’aboutir que si elle mobilise un grand nombre de partenaires dont il faut emporter la conviction et le soutien. Le volontarisme d’un seul ne suffit plus. La volonté d’afficher un leadership en politique internationale amène la France, par un paradoxe qui n’est qu’apparent, à devenir le meilleur chantre du multilatéralisme. C’est que la France n’a pas le poids politique suffisant pour prendre une initiative à elle seule, et il lui faut donc une bénédiction de l’ONU pour agir. Militairement, la France n’a pas les moyens pour intervenir seule, et elle a besoin de coopérations, à rechercher là où se trouvent des moyens militaires, c’est-à-dire dans cette OTAN jadis honnie. Les interventions récentes en Côte d’Ivoire et en Libye illustrent ces paradoxes. De récentes crises africaines montrent également que, pour résoudre une crise particulière, une intervention régionale parait disposer de plus de légitimité qu’une intervention de l’ancienne puissance coloniale : voir les interventions de la CEDEAO au Mali et en Guinée-Bissau. De même, l’aval de la Ligue arabe semble indispensable pour qui voudra intervenir plus fermement en Syrie.

Défi : articuler les diplomaties française et européenne.

Un second défi pour la diplomatie française résulte de l’émergence progressive d’une diplomatie européenne disposant de moyens en personnel non négligeables et de compétences qu’on a voulues larges et significatives. Même si, jusqu’à présent, la Haute Représentante pour la politique étrangère a quelque peine à s’affirmer, une dynamique a été créée qui ne peut que rendre plus difficile la définition d’une politique étrangère nationale. Certes, l’Europe est censée apporter un surcroît de crédibilité et d’efficacité aux efforts de chacun et on peut soutenir que la France y gagnera aussi. Mais cet exercice délicat de répartition des tâches impose des contraintes qu’il faut gérer. La France est-elle prête à jouer le jeu et à s’effacer le cas échéant pour laisser le champ libre à des diplomates  « européens » ? On peut se poser la question, tant reste prégnante chez beaucoup de Français l’idée que l’Europe, c’est la possibilité pour la France de faire avec les moyens de l’Union ce qu’elle ne peut plus faire seule, vu l’insuffisance de ses moyens.

Défi : Quels moyens pour agir ?

Un troisième défi réside dans l’inévitable limitation des moyens qui sont affectés à la politique étrangère de la France, surtout dans la conjoncture économique et financière actuelle. Adapter ses ambitions aux moyens dont on dispose parait relever du bon sens, mais dans la réalité les choses ne sont pas simples.

Une dernière caractéristique de la politique étrangère de la France est une mise en œuvre éclatée entre différentes structures. Le Ministère des Affaires étrangères n’aurait de prise que sur la moitié, tout au plus, du budget consacré à l’action extérieure de l’Etat, l’Economie et les Finances se taillant la part du lion dans ce qui lui échappe. De même, l’articulation entre le Quai d’Orsay, la Présidence de la République et les services du Premier Ministre est souvent source de difficultés qui peuvent nuire à une définition claire des options de politique étrangère. On observera avec intérêt les premiers mois d’exercice de Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, pour déterminer sa marge d’autonomie en matière de politique africaine de la France. Et pour mesurer la cohérence entre son action et ses discours d’hier au Parlement européen où il s’était fait connaitre par une critique fondée des opérations financières hasardeuses et des paradis fiscaux.

La France entre dans un nouveau quinquennat avec un Président décidé à placer, comme son prédécesseur, la politique étrangère sous sa direction et son autorité. Il aura sans doute l’occasion, une fois terminé le cycle des rencontres internationales en cours (G8, OTAN, G20, Rio, Conseils européens), de s’exprimer plus en détail sur sa vision du monde, notamment lors de la réunion annuelle des ambassadeurs à la fin du mois d’août. Le projet rendu public avant son élection donne un aperçu de ce qui sera la trame des cinq prochaines années : «défendre un multilatéralisme rénové, garantir la sécurité, être acteur et moteur du développement solidaire… pour redonner à la France une voix forte et au monde une perspective de progrès ». Autant de postulats qui s’inscrivent dans une ligne de continuité.

Voir :

« Comment se fait-il que les gens du Nord qui émigrent soient des expatriés ou des volontaires et que les gens du Sud qui émigrent soient des migrants ou des clandestins ? »

Publié par dix-huit organisations chrétiennes dont Justice et Paix-France, le document « A la rencontre du frère venu d’ailleurs », réalisé par la commission internationale de Diaconia, montre comment des chrétiens veulent porter un autre regard sur les réalités.

Il clarifie des concepts face à une législation débridée qui nourrit des réactions passionnelles. Ainsi, 80% des quinze millions de réfugiés dans le monde vivent dans des pays en développement ; 1% en France. 8 500 y ont obtenu le statut en 2010.

La France a un des taux d’immigration les plus faibles des pays de l’OCDE : les entrées d’immigrants permanents sont en 2009 de 0.25 en pourcentage de l’ensemble de la population (Le Monde, 15 mai 2012, « Immigration la nouvelle donne »). La moyenne de l’OCDE s’élève à 0.61%; les taux américain et allemand sont à 0.25%, ceux de l’Italie à 0.61%, du Royaume uni à 0.66%, de l’Espagne à 0.75%, de la Suisse à 1.51%.

L’exposé des chances fait bouger les lignes. Les migrants sont des actifs et des consommateurs. Ils paient plus de cotisations sociales et d’impôts qu’ils ne reçoivent de prestations. Leurs transferts financiers vers les pays d’origine financent le développement pour, au niveau mondial, des montants supérieurs à l’aide publique au développement. L’apport de leurs cultures vient nourrir une identité collective dynamique : la recherche scientifique, la peinture, la littérature, le sport, la vie politique -un ancien président de la République dont le père est né étranger, un nouveau ministre de l’Intérieur naturalisé Français il y a 30 ans.

Mais la migration est d’abord un choc pour le migrant qui découvre l’Occident, des fonctionnements incompréhensibles, une nouvelle langue à apprendre. Très souvent, un décalage existe entre ses attentes et ce qui lui est offert.

L’accueil de l’étranger est partie intégrante de la démarche chrétienne et de la démarche citoyenne au niveau mondial comme le précise la déclaration des Nations Unies de 1985 « sur les droits de l’homme des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent ».

La rencontre et l’accueil sans naïveté sont donc des impératifs civiques  et un processus auquel les chrétiens sont invités. Ils sont, d’ailleurs, nombreux à s’y engager par des relations fraternelles et la défense des droits, par l’engagement collectif au sein de réseaux actifs ou par l’engagement individuel.

Jean- Paul II plaide lors de la journée mondiale du migrant et du réfugié de 2005 pour une vision positive : «On doit exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’aux choix de l’apartheid. La voie à parcourir est celle de l’intégration authentique dans une perspective ouverte, qui refuse de considérer uniquement les différences entre les immigrés et les populations locales ».