Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

L’extrême droite et ses affiliés anti-européens occupent les devants de la scène politique en Hongrie, en Slovaquie, aux Pays-Bas, en Suède… Des gangs et milices s’implantent en centres villes, terrorisent passants ou livreurs (Lyon, Dublin récemment). Les actes antisémites se multiplient, parfois en toute impunité. C’est vrai. Pourtant, sous les radars de nos médias, nombreux sont ceux qui dénoncent les mensonges des partis de la peur et qui tentent d’enrayer leur déconstruction de l’état de droit. Nombreux sont les tisserands qui recousent et reprisent une toile européenne fragilisée.

Réseau discret, Justice et Paix Europe (JPE) est de ceux-là : il regroupe environ 25 Commissions nationales, toutes différentes mais unies pour partager la pensée sociale de l’Église. Son siège est à Bruxelles et l’organisation est aussi représentée au Conseil de l’Europe à Strasbourg, travail porté efficacement pendant de longues années par Jean-Bernard Marie, de la Commission Française. J’ai fait partie du comité exécutif de JPE pendant 4 ans, et assuré sa présidence, à la suite de la démission de Mgr Treanor, nommé Nonce auprès de l’UE. Alors qu’une nouvelle co-présidence mixte prend le relais, je voudrais partager quelques pensées sur les forces et faiblesses du réseau.

Ses forces tiennent dans l’unité chrétienne et la diversité des pratiques. Les programmes et projets présentés en AG annuelle sont aussi variés que les Commissions : certaines plutôt des think tank, d’autres engagées dans le travail social ou de développement, certaines proches des Conférences épiscopales dont elles dépendent, d’autres gestionnaires autonomes de fonds propres et/ou publics. Mais si les œuvres varient, l’attention reste sur les sans-voix (exclus, migrants, générations futures) et sur le rappel à leurs responsabilités des puissants. Les Commissions parlent souvent à l’unisson comme au printemps 2022 pour la défense de l’Ukraine, tous les 10 décembre pour rappeler l’importance des droits humains malmenés, ou encore pour relayer le message annuel de paix du pape François auprès des parlementaires européens. Tous les deux ans un thème commun est défini pour encourager des synergies. En prévision des élections européennes de juin 2024, l’accent est placé sur la lutte contre le repli sur soi et la reconstruction du multilatéralisme.

Les fragilités du réseau sont multiples : sa petite taille, le manque de moyens financiers, mais surtout le vieillissement d’une génération de catholiques héritiers de Vatican II. Alors, conscients de n’être que peu, les membres des commissions nationales font circuler les informations, les idées, les textes. Les ressources intellectuelles et spirituelles ont ceci de beau qu’elles se multiplient en se partageant. Ils célèbrent aussi, chaque fois qu’ils le peuvent, la joie d’être ensemble. Ces rencontres représentent un coût non-négligeable pour les commissions nationales. Mais elles remobilisent, encouragent, ouvrent les horizons. Se savoir accompagné donne force à notre fragilité, nous permet de nous tenir là, vulnérable mais nouant les cordages des tempêtes à venir.

Quelles cordes ? Les Commissions qui fonctionnent le mieux sont celles qui travaillent arrimées à d’autres acteurs sociaux catholiques, dans les diocèses, comme les réseaux tels le «Mouvement  Laudato si’», l’Alliance ELSi’A et les Caritas (y compris Caritas Europe et Internationalis), celles qui prennent part à des projets de terrain (par exemple la Belgique francophone avec des partenariats internationaux sur l’extractivisme et son travail pédagogique dans les écoles ; les Pays-Bas avec le projet Shelter Cities pour accueillir des défenseurs des droits humains menacés chez eux). La crédibilité de l’Église étant fortement secouée, la parole revient donc s’incarner humblement dans l’expérience terrain, sociale, pastorale, pédagogique. L’Europe et la pensée de l’Église reprennent forme quand elles se partagent dans les diocèses, les foyers d’accueil, les universités…

Parce que l’Europe est complexe, elle se tisse à plusieurs niveaux. Nos plus jeunes, fragiles, ou exclus doivent pouvoir circuler, rencontrer la richesse de ce continent. Nos plus anciens doivent le leur permettre, tenir ouverts des lieux d’écoute, de partage, de bienveillance et de mémoire. Accueillir les éloignés de l’Europe, faire sens ensemble de cette traversée violente, c’est essentiel. Car nous sommes faits de liens et de sens.

 

Comment parler de paix quand le fracas des guerres se fait entendre si près de nous, quand les conséquences du dérèglement climatique affectent tant de pays dans le monde, quand meurent sur nos rives des milliers de migrants, quand les extrémismes et les populismes prospèrent ? Pourtant l’espérance,

Le monde s’apprête à fêter Noël ! Fête des enfants, fête des familles réunies… Mais comment fêter Noël dans l’insouciance au milieu des drames du monde ?

Comment ne pas penser aux enfants victimes de la violence des puissants, aux familles décimées, aux otages, aux cohortes de réfugiés fuyant sous les bombes ? Comment ne pas penser à tous ceux, victimes de la violence et de la barbarie, pour qui ce temps ne sera pas une fête ?

Nous avons été horrifiés par l’opération terroriste du Hamas le 7 octobre, frappés par les tueries et la prise d’otages.

Les représailles menées par le gouvernement de M. Netanyahou depuis deux mois nous révoltent par l’ampleur des souffrances qu’elles entraînent. Les populations de Gaza, enfermées dans une prison à ciel ouvert, toutes frontières fermées, n’ont nul endroit pour fuir et se réfugier. Dans le froid, privées d’abri, d’eau, de nourriture, de soins, elles ne peuvent que subir ! Subir les bombes, comme subir la pression du Hamas. Celles de Cisjordanie sont aussi enfermées, privées de tout.

La guerre est une abomination mais elle a des règles et est régie par le droit international. Tout Etat doit s’y soumettre. Les bombardements ayant pour cible des hôpitaux, des écoles, des lieux de culte, ne relèvent-ils pas du « crime de guerre » ?

Nous savons les risques d’outrance que comportent les mots de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, nettoyage ethnique, apartheid. Les juristes et le droit international doivent nous aider à les peser et à les employer. Mais la simple raison, dans l’obscurité d’informations souvent volontairement limitées, nous incite à ressentir une insupportable domination des forts sur les faibles, que notre Foi, comme bien d’autres courants de pensée, nous demande de condamner.

Alors, nous, membres de Justice et Paix France, appelons à un cessez le feu immédiat à Gaza et à la levée des barrières en Cisjordanie ! Nous le demandons par humanité pour les populations ! Nous le demandons pour l’avenir du peuple israélien et celui du peuple palestinien ! On peut « éliminer » des terroristes, mais on ne peut tuer une idée. Mués par la colère, le ressentiment et le désir de vengeance, d’autres se lèveront. Cette guerre sera sans fin.

Comme le diront les chrétiens le soir de Noël, un rameau sortira de la souche de Jessé (Is 11,1), et le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière (Is 9, 2). Ce rameau sorti de la souche de Jessé est, pour nous chrétiens, le petit enfant de la crèche, nu et fragile, que nous reconnaissons comme le prince de la Paix.

L’enfant de Bethléem nous a confié la lampe, elle n’est pas à mettre sous le boisseau (cf Mt, 5,15). Chacun de nous en est responsable. A nous de la porter au monde en dénonçant les violences, les injustices, en ouvrant des voies de dialogue et de fraternité, là-bas, comme ici. Puissions-nous trouver le courage de nous lever pour dire non à la haine. Puissions-nous trouver des chemins d’une paix juste, à laquelle tous les peuples ont droit, celui de Palestine comme celui d’Israël.

Justice & Paix-France