Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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Développement et civilisations :
Ecrire un livre consacré à la solidarité internationale après tant d’années passées aux côtés d’acteurs engagés, du Secours catholique français à Caritas Internationalis, c’est d’abord vouloir leur rendre hommage ?
Denis Viénot : Mon idée de départ était de faire découvrir aux lecteurs des projets, des problématiques de terrain, et de faire, en quelque sorte, un travail d’allers et retours entre observations et analyse, autour de quatre ou cinq convictions fortes qu’il me paraissait intéressant d’appuyer à la fois sur la réflexion et sur la vie d’un réseau. Je m’explique : il faut juger la qualité des usines par la qualité des voitures qui en sortent. D’où l’importance de s’intéresser à ce qui est produit par la machine humanitaire. Nous devons savoir regarder ce que les acteurs produisent comme solutions pour des populations aussi vulnérables que celle d’Haïti aujourd’hui, par exemple.
D&C : Agit-on pour autant en 2010 comme en 1980 ? Aide-t-on de la même manière ? Quels changements avez vous vu s’opérer sur le terrain de la solidarité ?
DV : Si j’ai le droit à une seule réponse, je dirais que le principal changement est l’émergence du plaidoyer et de l’intégration de la dimension politique dans la quasi totalité des actions que nous menons. L’analyse de ce qui fabrique de la pauvreté, surtout quand elle est de longue durée, est incontournable. Le rôle joué par les phénomènes sociologiques, religieux ou sociaux, et l’importance du non-respect des droits de l’homme sont au coeur de notre agenda. Avec des conséquences capitales pour les gouvernements en place. Prenez, par exemple, le gouvernement pakistanais, qui réagit hyper-intelligemment tout de suite après le tremblement de terre de septembre 2005. Il s’aperçoit qu’il commence à y avoir des abus contre les femmes et des problèmes d’adoption d’enfants, et interdit immédiatement toute adoption d’enfants pakistanais à l’étranger. Le politique a repris le pouvoir. Pour moi, l’un des déclics a été ma rencontre avec un évêque brésilien, ex-président de Caritas Internationalis. On parlait toujours, en Europe, d’apprendre aux gens à pêcher, etc. Lui a répondu sans nuance : « Oui, oui, oui, c’est du baratin ça ! Apprendre à pêcher à quelqu’un s’il n’a pas le droit de pêche, si les bateaux-usines raclent les fonds de la mer, à quoi cela va-t-il lui servir ? À rien ! » Ça, c’est une très, très grande évolution.
D&C : Les organisations caritatives de l’Eglise catholique, ou liées à l’Eglise, ont-elles subi la même mutation ?
DV : Bien sûr. En témoigne l’engagement de Jean Paul II dans la campagne de l’an 2000 sur la dette, qui a été précédée de nombreux travaux. Cette campagne a sûrement été l’un des moteurs de l’acceptation paisible par les chrétiens de la légitimité de cette dimension politique. Je pense aussi, aujourd’hui, aux positions incessantes du magistère sur les questions de migration, qui sont 2 000 km en avance sur l’opinion catholique moyenne. Ces deux exemples ont certainement été des facilitateurs de l’intégration de la dimension politique dans l’action sociale et humanitaire.
D&C : Quid de l’engagement sur le terrain, des actions concrètes ?
DV : Elles fondent notre action et rendent notre parole inattaquable. Cet engagement, c’est notre différence. Au sein d’un réseau catholique, on est incontournable quand on s’appuie sur des faits. Prenez la situation des sans papiers en France, dans laquelle le Secours catholique est massivement engagé. Le poids de sa parole, sa crédibilité, est fondée sur le fait que ses antennes accueillent de façon illégale des migrants clandestins et que cela va continuer. Le Secours catholique a bien raison d’être dans l’illégalité pour faire ce boulot-là ! Et si quelqu’un vient l’embêter, et bien, rendez-vous devant le tribunal correctionnel ! Voilà pourquoi une parole émanant de la pratique est différente. Je pense aussi à la question du climat. Il est très intéressant de voir aujourd’hui comment beaucoup de pays font évoluer les programmes d’assistance pour tenir compte du changement climatique. Les gens du Bangladesh, par exemple, réfléchissent beaucoup à ces sujets. Là, le concret et la politique, l’action et le plaidoyer, se rejoignent.
D&C : N’est-il pas temps, dès lors, de laisser davantage la place aux organisations du Sud ? Les occidentaux ne devraient-ils pas s’effacer davantage ?
DV : Cela dépend des pays, et de la force de leurs organisations. En Amérique latine, il n’y a pas besoin d’envoyer du monde. Il y a tout le monde qu’il faut dans tous les pays de la région. L’important, je crois, est de prendre conscience des différents niveaux d’action. Il y a le niveau de la catastrophe immédiate, et celui de l’action dans la durée qui se développe après. Il faut aussi redire certaines vérités. Après un tremblement de terre, on retire des décombres 80% des personnes vivantes dans les quatre premières heures. Peu importe que le séisme ait lieu à Nice ou à Port-au-Prince, à Mexico ou au Pakistan : l’urgence se mesure en minutes. Alors, c’est bien d’envoyer des gens qui vont, douze jours après, sortir la dernière petite fille vivante, mais comment faire pour les quatre premières heures ? Les quatre premières heures, c’est les gens sur place. Donc il faut former les gens du pays, les aider à avoir une protection civile locale. Lorsque nous avons fait des abris anticycloniques au Bangladesh – et nous continuons d’en construire, de les réparer, de les améliorer – nous avons mis au point avec le gouvernement du Bangladesh un système d’alerte hyper-simple. Dès qu’une menace survient (on est toujours au courant dans cette zone-là, car la vague provient d’un phénomène météo qui peut être connu avec une anticipation de six à sept heures), l’alarme est donnée quatre ou cinq heures avant que la déferlante atteigne le rivage, par radio et grâce à des gardes champêtres qui vont dans tous les villages dire aux gens « Mettez-vous à l’abri ! » Je pense aussi au programme de formation que nous avons mis en place au Pakistan, précisément pour faire face à l’urgence… L’action dans la durée mérite en revanche une réflexion différente. Là, cela va dépendre de la force et de la faiblesse des organisations de la société civile locale, de leur capacité à agir, de leur pertinence et des moyens à mettre en oeuvre ; certains pays ont tous les moyens qu’il faut et d’autres ne les ont pas. La professionnalisation de l’humanitaire, dans les pays développés, a permis d’aboutir à des normes de protection, de vigilance à l’égard des femmes et des enfants dans les camps de réfugiés, par exemple. Ce sont des espèces de pense-bêtes, des méthodologies d’action rapide qui sont tout de même très utiles, bien qu’elles soient parfois critiquées. Globalement, elles rendent service.
D&C : Une autre question récurrente est celle des droits fondamentaux. N’y a-t-il pas, dans certaines circonstances et sous certaines latitudes, des droits prioritaires à défendre, en lien avec nos partenaires du Sud ?
DV : Prioritaire, cela implique-t-il une hiérarchie de droits ? Dans ce cas, au Pakistan par exemple, il est évident que le droit des femmes est plus important que le droit d’avoir accès à des émissions de télévision de qualité. En fait, la problématique des droits est profondément liée à la conception de la vie humaine que l’on a. Quels sont alors les droits les plus utiles, les plus importants, ceux qui fourniront le meilleur « effet de levier » pour la promotion et la dignité des personnes ? C’est une question stratégique.
D&C : Nous la posons car on l’entend souvent sur le terrain, et surtout à propos du changement climatique. Dans certains pays, la « fièvre verte » des occidentaux agace…
DV : Le président de Caritas Liban m’en parlait justement l’autre jour. « Ils m’agacent à Caritas Internationalis, me disait-il, à m’envoyer des communiqués sur le changement climatique. Moi, mon problème est de savoir comment nourrir les gens ! » Je dirais, pour répondre, qu’il y a des droits minimums, tout comme des mécanismes d’oppression insupportables, auxquels il faut porter une attention privilégiée. En Europe par exemple, le droit des migrants à un accueil digne est un droit fondamental. Au Pakistan, au Bangladesh, le droit pour les femmes à occuper une juste place dans la société ou à résister contre l’oppression est aussi prioritaire. J’aurais tendance à regarder lieu par lieu, et à m’interroger : quelles sont les plus affligeantes et catastrophiques oppressions que seule la mise en oeuvre de droits – et la sanction de leur non-respect – peuvent empêcher ? On peut se bagarrer sur la liste de ces droits fondamentaux mais, oui, certains le sont plus que d’autres. Ce qui nous amène au débat classique entre les droits politiques et les droits économiques et sociaux. Gare, aussi, à ne pas occidentaliser cette discussion. La façon que nos sociétés ont d’aborder la question des droits ne doit pas être exportée partout.
D&C : En somme, en trente ans, la donne humanitaire internationale a radicalement changé. Et les termes du débat sur le développement aussi ?
DV : Non seulement l’univers mental a changé, mais on observe chez nos partenaires un désir d’autonomie que l’on ne regarde pas toujours avec sympathie. Prenez Caritas Internationalis : la tension existe, au sein de l’organisation, pour savoir s’il faut ou non renforcer le poids des sept régions qui la composent. C’est un vrai sujet, pour un réseau comme le nôtre mais aussi pour d’autres, comme les Nations unies. Renforcer les régions mène à renforcer leur poids politique… Notre intérêt, je le crois, est de décentraliser nos activités. Mais cela entraîne beaucoup de conséquences.
D&C : La jeunesse, elle aussi, a beaucoup changé. Comment faire aujourd’hui pour la sensibiliser, l’impliquer, lui inculquer les valeurs de solidarité ?
DV : La clef, c’est la communication, tout ce qui tourne autour de l’information et de la communication.
D&C : Et ce supposé « clash des Civilisations » ? S’est-il, au cours de toutes ces années, dressé devant vous comme un obstacle ?
DV : J’ai tendance à considérer que les problèmes sont plus culturels et religieux que seulement religieux. La solidarité internationale, qu’elle soit chrétienne ou non, est un lieu de dialogue, aussi bien interreligieux qu’oecuménique. Or, on doit compter désormais, en raison des sectes et des groupes fondamentalistes chrétiens, avec la montée d’une intolérance et d’un lien entre action humanitaire et prosélytisme, qui pose beaucoup de problèmes aux Églises chrétiennes, catholiques, et à la Caritas. Un Indonésien « de base » ne sait pas la différence entre une secte fondamentaliste protestante américaine et un cardinal avenant à Djakarta ! Ça crée de la « friture sur la ligne » ! D’où l’importance d’avoir, sur le terrain, des gens qui soient vigilants aux différences religieuses et culturelles et qui les « négocient » bien, qui les articulent bien, qui les respectent… Le mélange religieux – culturel me paraît plus fondamental que le religieux – religieux, bien qu’il y ait chez les religieux fondamentalistes musulmans, hindouistes ou chrétiens, des gens qui « ont des problèmes ».
D&C : L’aide publique au développement (APD) est aussi le sujet de controverses récurrentes. Très souvent, celle-ci a servi, et sert encore, à ménager les intérêts commerciaux des pays donateurs. Les organisations non gouvernementales (ONG) ne sont-elles pas parfois complices ?
DV : Chaque grand pays européen a, sur ce plan, ses traditions. Certains, comme les Allemands mélangent beaucoup relations internationales et aide ; les Français moins. Le deuxième aspect est celui du pourcentage de l’aide publique au développement qui transite par les ONG. Or là, les différences sont encore plus grandes. Les Pays-Bas font passer 15% de leur APD par des ONG néerlandaises. En France, c’est moins de 1%. Le Secours catholique, pour prendre cette référence, est financé à 8% environ par des fonds publics, alors que Cordaid, la Caritas hollandaise, est subventionnée à 50%. La France a une tradition liée à l’aide, les ex-colonies, etc. et a plutôt une politique de fonction publique, alors que l’Allemagne aura plutôt une politique d’exportation économique. Les ONG agissent-elles en fonction de ces critères ? Parfois. Il y a quelques années, la Caritas hollandaise a ainsi décidé de diminuer de moitié son budget sur l’Amérique latine pour mettre ce montant-là sur l’Afrique. Tout comme le gouvernement de La Haye…
D&C : Le réseau Caritas est un bon baromètre de la solidarité européenne. Vous êtes vous même engagé aux côtés de ces nouveaux acteurs de la solidarité que sont les Caritas d’Europe de l’Est…
DV : En effet, celles-ci ont beaucoup bougé. Après une première phase où on leur a procuré les financements pour se développer elles-mêmes, elles accèdent maintenant à une capacité de solidarité avec les pays étrangers. Le débat sur l’APD vaut maintenant pour la Pologne et la République tchèque, qui représentent des fonds importants en termes de solidarité. D’où la nécessité, pour les pays européens, de travailler ensemble de façon à ce que ces gens-là ne refassent pas les mêmes erreurs. Ils ne doivent pas perdre le temps que nous avons perdu dans les années 50.
D&C : Autre acteur de poids aujourd’hui : les fondations privées. On pense à celle de Bill Gates, le fondateur du géant informatique américain Microsoft…
DV : Travailler avec de telles fondations est un vrai défi car elles deviennent en effet des acteurs incontournables, tout en voulant à tout prix travailler avec leur propre réseau. C’est vraiment une question difficile. Ce sont des gens qui raisonnent par projet, ce qui constitue une sorte de contradiction avec la volonté de coopérer avec les autres. Ces fondations pèsent un poids important, elles ont des visions politiques, stratégiques, articulées sur des systèmes de valeurs qui parfois viennent « clasher » avec la vision que nous ou nos partenaires pouvons avoir. Et lorsqu’elles sont seules à décider, il vaut mieux, parfois, se souvenir de leur nationalité…
D&C : Ce phénomène est-il destiné à perdurer, voire à augmenter ?
DV : Je constate qu’en France le mécénat d’entreprise est plutôt croissant. Par exemple, la Société générale finance massivement des programmes d’insertion professionnelle du Secours catholique. La Caritas des États-Unis a, de son côté, créé un service « Gros donateurs » pour tenir compte de cette nouvelle donne. Si Bill Gates donne de l’argent à la Caritas USA, la machine à transformer les intentions fonctionne. Par contre, c’est l’intervention directe des fondations dans un pays qui peut poser des problèmes car, trop souvent, celles-ci financent des programmes, mais pas les structures qui permettent de mettre en oeuvre les programmes. S’y ajoute aussi la question du type de programmes qu’elles vont financer, la nature des structures de décision et des modes de fonctionnement hyper-occidentaux. Fréquemment, le sommet de ces fondations est contrôlé par un petit nombre de personnes appointées par l‘entreprise. On tombe là sur les problèmes de légitimité démocratique.
D&C : Aider, c’est donc avant tout partager, comprendre l’autre et respecter ses besoins, ses traditions, son environnement culturel ?
DV : Ce qui me semble incontournable c’est d’avoir surtout conscience qu’on ne travaille pas seul. La réalité, c’est qu’en soutenant une organisation comme le Secours catholique, la Croix- Rouge ou Médecins sans frontières, on soutient dans les faits un consortium d’ONG, étroitement associées sur le terrain. Au Darfour, le collectif des ONG engagées sur le terrain, qui compte une cinquantaine d’organisations, est piloté par les protestants norvégiens et la Caritas anglaise. Il faut, enfin, avoir conscience du basculement du monde et de ses conséquences. Prenez l’exemple de l’Asie qui est rentrée dans une course à la richesse, comme le Brésil. Quelles stratégies vont s’y développer en termes de solidarité internationale ? De même les pays occidentaux deviennent frileux dans un contexte de crise globale. Or les Objectifs de développement du millénaire sont loin d’être atteints, en Afrique très particulièrement. Les besoins sont criants. Mais comprendre l’autre, c’est aussi comprendre sa complexité et ses contradictions.
Propos recueillis par Richard Werly et Morgane Retière
Cet article a été publié dans le n°383 de Développement et civilisations paru en mai 2010 et reproduit avec l’aimable autorisation du Centre Développement et civilisations Lebret – Irfed.
La publication avait été annoncée en 2007, à l’occasion du 40ème anniversaire de Populorum progressio de Paul VI (1967). Une nouvelle lignée de textes sociaux se trouve établie, puisque déjà Jean-Paul II avait salué le 20ème anniversaire avec Sollicitudo rei socialis (1987). La préparation du document a été longue et complexe, notamment en raison de la crise actuelle.
Le thème central est énoncé dès le titre : l’amour charité (caritas) se situe au cœur de la réflexion, en écho à la première encyclique de Benoît XVI, Deus caritas est (2006). La source théologique de la réflexion en éthique sociale se trouve à plusieurs reprises clairement exposée. Nous pouvons y déceler une certaine nouveauté : la thématique centrale de Populorum progressio était « l’ordre social juste » et la référence à l’amour n’apparaissait que quatre fois dans le texte. Cependant, un tel déplacement d’accent n’enferme pas la réflexion dans un strict espace chrétien ; depuis plusieurs années, la question de l’amour est traitée comme telle en sciences sociales et en philosophie (cf. des auteurs tels que L. Boltanski, A. Honneth, P. Ricoeur, etc.).
Les deux autres mots du titre (in veritate) indiquent une volonté de rigueur intellectuelle, en référence à la raison humaine. Aussi, ce travail tient-il compte de travaux en différentes disciplines. Ce recours au thème de la vérité veut éviter certaines dérives : « dépourvu de vérité, l’amour bascule dans le sentimentalisme » (9) ; il s’agit aussi de résister à une vision réductrice, « empirique et sceptique de la vie » (9). Si ce recours à la vérité correspond à un travail en raison, il s’articule également avec une perspective croyante : « le témoignage de la charité du Christ à travers les œuvres de justice, de paix, de développement fait partie de l’évangélisation. » (15)
Une parole sur les questions actuelles
À propos de la vie en société, l’Église catholique ne prétend pas apporter des « solutions techniques » (n°9). Il revient aux divers responsables, en tenant compte des spécificités locales, d’élaborer des projets pertinents. La réflexion sur « l’amour dans la vérité » se réfère à une lumière qui naît et de la foi et de la raison : elle recueille ce qui émane d’une source croyante tout en faisant place aux capacités de l’intelligence humaine. L’articulation entre foi et raison supposant un travail continu.
Caritas in veritate maintient une option ferme en faveur du développement : « L’idée d’un monde sans développement traduit une défiance à l’égard de l’homme et de Dieu. » (14). Mais, en fidélité à Populorum progressio, il s’agit bien d’un développement intégral, c’est-à-dire qui implique « tout l’homme et tous les hommes ». Un vrai développement ne peut donc se réduire à la croissance économique ou à la multiplication des biens, il doit aussi intégrer les dimensions sociales, culturelles, spirituelles… Le document rappelle avec insistance la finalité humaine tant de l’économie que de la politique : « la personne, dans son intégrité, est le premier capital à sauvegarder et à valoriser » (25).
Il et rappelé aussi qu’un développement humain ne peut être que solidaire (Jean-Paul II a souligné ce trait à l’occasion du 20ème anniversaire de Populorum progressio, par l’encyclique Sollicitudo rei socialis, en 1987). Associé aux thématiques classiques de justice et de bien commun, le développement est bien le « nouveau nom de la paix ». Caritas in veritate apporte une touche spécifique en situant la fraternité comme horizon du développement humain ; à ce propos également, l’encyclique bénéficie du travail conduit en d’autres disciplines (ex. C. Chalier). Une telle finalité présente un critère de discernement permettant d’évaluer la mondialisation actuelle : « la société toujours plus globalisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères ». (19) Il s’ensuit une urgence : « la réalisation d’une authentique fraternité » (20).
Un trait de l’encyclique qui mérite notre attention se rapporte au don, à la gratuité (34). De nouveau, avec cette thématique, il est tenu compte de travaux contemporains. La réflexion sur la solidarité qui, en référence à un « ordre juste », met l’accent sur la dimension institutionnelle se trouve complétée par un appel à la capacité de bienveillance et de sollicitude qui anime les être humains. La confiance nécessaire à la vie commune suppose bien sûr de claires règles d’équité, mais elle ne s’y réduit pas. Il est notable que les références au don et à la gratuité, qui renvoient à l’expérience croyante de la « grâce », de la surabondance, font écho aux recherches actuelles en sciences sociales et en philosophie.
Des critères de jugement en vue de l’action
La référence à l’amour se présente comme une bonne nouvelle pour un temps de mondialisation. « Il faut donc travailler sans cesse afin de favoriser une orientation culturelle personnaliste et communautaire ouverte à la transcendance du processus d’intégration planétaire. » (42) Le personnalisme évoqué se distingue d’un individualisme qui renvoie chacun à sa solitude, qui n’honore pas la dimension sociale de toute expérience humaine. Quant à la proposition communautaire, elle s’oppose à une perspective utilitariste qui ne prend en compte le rapport à l’autre qu’en raison des intérêts et des avantages qu’on peut en tirer. C’est bien une dynamique éthique des relations humaines qui se trouve mise en lumière.
Les références traditionnelles de l’enseignement social de l’Église sont rappelées, à commencer par la dignité inviolable de toute personne humaine. C’est en raison de cette dignité que chacun doit pouvoir apporter sa contribution spécifique au bien commun et que l’économie doit être au service de tous les êtres humains. Mais l’être humain s’épanouit vraiment dans le don, dans un dépassement du seul calcul d’intérêts.
De nombreux dossiers sont évoqués dans une perspective éthique : la coopération pour le développement, les situations de pauvreté, les migrations, l’appel à une autorité politique de compétence mondiale… et bien sûr la finance, « les opérateurs financiers doivent redécouvrir le fondement véritablement éthique de leur activité. » (65) En écho à Populorum progressio, un appel est adressé « pour une collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples » (67). Quant au thème du développement durable, il est pris en compte sous le mode d’une solidarité intergénérationnelle qui suppose une « maîtrise responsable de la nature ». (48-51)
Une encyclique qui s’adresse aux Églises au monde entier et à « tous les hommes de bonne volonté » s’en tient forcément à des principes généraux et ne peut entrer dans le détail des analyses concrètes. Mais la réception d’un tel message suscite un regard critique sur les attitudes spontanées et les légitimations des pratiques qui ont cours ici et maintenant. Retenons simplement quelques exemples. Qu’en est-il du respect de la dignité des personnes migrantes, notamment des « sans papiers », en France et en Europe ? Que devient aujourd’hui le travail lorsque les salariés constituent une variable d’ajustement parmi d’autres, lorsque le chômage massif est perçu comme une fatalité ? Que deviennent les être humains lorsqu’importe seulement « leur force de travail », au prix de souffrances insupportables ? Face aux dénis pratiques de la dignité humaine, et aux idéologies qui soutiennent de telles attitudes, la seule protestation ne peut suffire. L’enseignement social de l’Église vise justement à promouvoir des initiatives nouvelles et courageuses qui servent un développement solidaire et durable.
En conclusion
Le cap est rappelé : la promotion de la justice, de la paix, du développement fait partie de l’évangélisation, du témoignage de la foi (n°15). Les chrétiens ont donc à prendre leur place en ce travail pour un vrai développement humain, en relation avec tous ceux qui oeuvrent selon cette perspective.
Le texte de l’encyclique est dense, parfois complexe, avec de nombreuses références explicites ou implicites. Il appelle donc un travail d’appropriation et d’approfondissement. Certes, un tel document s’appuie sur les recherches qui ont cours en différentes disciplines et, plus encore, sur la réflexion et l’engagement des communautés chrétiennes ; il veut aussi provoquer les unes et les autres à aller de l’avant, tant dans la compréhension des situations que dans le déploiement d’actions transformatrices. Pour ne retenir qu’un exemple, certains regrettent que le formidable défi que représente l’avenir de la vie sur notre planète soit traité comme une problème parmi d’autres, alors qu’une telle question conduit à reconsidérer tant nos manières de nous rapporter au monde que nos modes de vie ; retenons que le chantier est ouvert et qu’il revient à tous et à chacun de travailler à ce monde qui vient, pour qu’il ait un avenir.
Mondial. Euro. Nous voici donc à l’heure du foot. Les clameurs des stades vont envahir nos pays. Que nous le voulions… ou pas. Je laisse les « footeux » se réjouir devant leur télé et me permets d’appeler les autres à la réflexion.
Le foot est devenu le miroir de notre société. Il est dominé par l’économie. Par le libéralisme économique. Certes Avignon – Arles est parvenu à se hisser en 1ère division, certes Auxerre n’a pas le même budget que Lyon ou Bordeaux… Mais les salaires des joueurs, des coachs… Mais le cri des victoires pour l’Euro à 1.7 Milliards d’euros, mais le « marchandising », les stades-galeries-commerciales, mais les droits de télé…. Mais les stratégies qui consistent pour les riches à acheter des joueurs et de les mettre sur les bancs de touche afin que leurs adversaires, plus pauvres, n’en profitent pas. Mais…l’utilisation de la passion pour acheter des jeunes africains et les asservir…
A vrai dire le monde du foot est celui de la mondialisation économique. On peut penser que les règles sont partout les mêmes et que c’est la grandeur du sport. Mais chacun devine que les plus riches y font la loi et n’hésitent ni devant la drogue ni devant la triche… Le but est de transformer le supporter en client en prenant soin de le protéger de la violence (en créant de nouveaux délits) et en faisant la morale contre le racisme… Le foot est le miroir d’une certaine société… Et pourtant…nous l’aimons… Nous l’aimons parce que c’est un beau spectacle et qui sait rassembler des personnes de tout âge et de tout milieu. Peut-être, faudrait-il simplement être responsable : la passion ne justifie pas tout ! La fête n’est vraiment joyeuse que lorsque chacun y a sa place Alors, elle rassemble. Et c’est beau. Car l’humanité est faite pour être rassemblée. Le foot en est le signe