Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Ce sermon de lamentation et de colère, cri contre la guerre qui se poursuit à Gaza, a été prêché en Palestine le 22 octobre 2023, à l’église évangélique luthérienne de Beit-Sahour et à l’église évangélique luthérienne de Noël de Bethléem. Trois jours plus tôt, le 19 octobre 2023, les forces de défense israéliennes avaient attaqué l’église orthodoxe grecque Saint-Porphyre, la plus ancienne église en activité de Gaza, construite en 1150. L’église a été endommagée par ce bombardement et 18 personnes ont été tuées, d’autres ont été blessées, et environ 400 civils qui s’étaient réfugiés dans le complexe de l’église ont dû être déplacés. Les Amis de Sabeel France ont traduit cette prédication à partir de sa version anglaise disponible sur :  https://sojo.net/articles/god-under-rubble-gaza 
Ils ont assiégé notre famille palestinienne à Gaza, ils ont traité ses membres de monstres, et les ont blâmés, accusés. Leurs maisons ont été bombardées, leurs quartiers d’habitation rasés, les habitants ont tous dû partir, et ce sont eux qui ont été accusés. Nos familles, nos frères et nos soeurs, nos tantes et nos oncles, nos neveux et nos nièces avaient cherché refuge dans des écoles et ils y ont été bombardés, dans des hôpitaux et ils y ont été bombardés, dans des lieux de culte et ils y ont été bombardés, et ce sont eux qui ont été accusés.
Nous sommes tous brisés. Les habitants de Gaza souffrent. Ils ont tout perdu, tout, sauf leur dignité. Beaucoup d’entre eux sont entrés dans la gloire : la gloire du martyre, mais sans l’avoir cherché. Et aujourd’hui, une fois de plus dans notre histoire, ils se retrouvent devant le même choix : la mort ou partir. Notre Nakba continue !
Où voulez-vous qu’ils aillent ? Il n’y a pas de place pour eux dans ce monde !
Les grandes nations de ce monde sont contre eux. Elles ont recours aux finances, aux armes, à la diplomatie et à la théologie contre le peuple de Palestine, contre le peuple de Gaza. Ils discutent entre eux de l’endroit où nous finirons après le nettoyage ethnique qu’ils nous imposent, comme si nous étions des boîtes en trop pour lesquelles il n’y a pas de place dans la maison !
Il n’y a plus aucune pitié. Plus aucune humanité. Plus personne pour pleurer notre mort. Personne n’est là pour arrêter cette machine de guerre, parce que nous ne sommes pas des membres du bon peuple, de la bonne religion, de la bonne race. Nous ne faisons pas partie des « élus ». Les puissances politiques du monde nous considèrent comme un obstacle, et non comme un allié. Nous avons été brisés, et nous le sommes à nouveau chaque jour : par toutes les images de mort, surtout lorsque ce sont nos proches qui sont touchés par elle : nos familles, nos soeurs, nos parents, tous ces êtres chers avec lesquels nous nous entretenions chaque jour. Nous sommes brisés, tous. Nous entendons des histoires terrifiantes qui nous parlent de l’enfer sur la terre. L’enfer est une réalité à Gaza aujourd’hui. Et nos frères et soeurs palestiniens le vivent en ce moment même.
Ce qui se passe à Gaza n’est pas une guerre ou un conflit, c’est un anéantissement, un génocide permanent, un nettoyage ethnique par la mort et les déplacements forcés. Les puissances politiques de ce monde sacrifient le peuple de Palestine pour garantir leurs intérêts au Moyen-Orient. Elles affirment que notre anéantissement est nécessaire pour assurer la sécurité du peuple d’Israël. Elles nous offrent en sacrifice sur l’autel de l’expiation, et c’est nous qui payons, de notre vie, le prix de leurs péchés.
Où est la justice ? Ils parlent du droit international. Ils nous font la leçon sur les droits de l’homme et nous regardent de haut, comme s’ils étaient supérieurs à tous les autres en matière de valeurs et de morale. Je leur dis : « Allez-vous-en avec vos lois et vos discours sur les droits de l’homme ». Vous, les Européens et les Américains, vous avez été mis à nu aujourd’hui devant le monde entier. Tous ont vu votre racisme, et votre hypocrisie. Vraiment, vous n’avez pas honte ? Moi, personnellement, je ne veux pas vous entendre parler de paix et de réconciliation.
Ce que veulent les habitants de Gaza aujourd’hui, c’est Vivre. Ce qu’ils veulent, c’est une nuit sans bombardements. Ce qu’ils veulent, ce sont des médicaments, et des opérations chirurgicales avec une anesthésie. Ils veulent que soient satisfaits leurs besoins les plus élémentaires pour pouvoir vivre : de la nourriture, de l’eau propre, et de l’électricité. Ils veulent la liberté, et une vie dans la dignité. Ceux qui sont constamment bombardés, battus et persécutés ne veulent pas qu’on leur parle de réconciliation et de paix. Ils veulent simplement que l’agression prenne fin !
Ils nous ont demandé de prier. Les gens de Gaza continuent à nous demander de prier, et eux-mêmes ne cessent de prier. Où trouver une telle foi ?
Nous aussi, nous avons prié. Nous avons prié pour leur protection… et Dieu ne nous a pas répondu. Même dans la « maison de Dieu », dans les bâtiments de l’église, ils n’ont pas été protégés. Nos enfants meurent face au silence du monde, et face au silence de Dieu. Qu’il est dur à vivre, le silence de Dieu ! Aujourd’hui, nous crions avec les psalmistes : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi as-tu abandonné Gaza ? Jusqu’à quand l’oublieras-tu tout à fait ? Pourquoi lui caches-tu ta face ? Le jour, je t’appelle, et tu ne réponds pas ; la nuit, et nous ne trouvons pas le repos. Ne t’éloigne pas des gens de Gaza, car le danger est proche, et il n’y a pas d’aide. Seigneur, notre Dieu sauveur ! Le jour, la nuit, nous avons crié vers toi … Que notre prière parvienne jusqu’à toi … Tends l’oreille à notre plainte … Car notre vie est saturée de malheurs, et nous frôlons les enfers… Nos yeux sont épuisés par la misère. Nous t’avons appelé tout le jour, Seigneur, les mains ouvertes vers toi. Pourquoi nous rejeter ? Pourquoi nous cacher ton visage ? » (adapté à partir des psaumes 13, 22 et 88).
Nous cherchons Dieu ici, dans ce pays, ici sur cette terre. Et théologiquement, philosophiquement, nous demandons : Où donc est Dieu quand nous souffrons ? Comment expliquer son silence ?
Mais ne nous attardons pas à la philosophie et à des questions existentielles. Dans ce pays, même Dieu est victime de l’oppression, il est victime de la mort, de la machinerie de guerre, et du colonialisme. Nous voyons le Fils de Dieu ici sur cette terre crier la même question quand il est sur la croix : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Pourquoi permets-tu que je sois torturé ? Que je sois crucifié ?
Dieu souffre avec le peuple de ce pays. Son destin est le même que le nôtre. Comme l’a écrit Mitri Raheb dans son article « Théologie dans le contexte palestinien » qu’on peut lire en arabe dans un livre que j’ai publié : « Quant au Dieu de ce pays, il n’est pas comme les autres dieux… Sa terre est labourée avec du fer… Ses temples sont détruits par le feu… Son peuple est foulé aux pieds, et il ne bouge pas le petit doigt. Le Dieu de cette terre est caché à la vue. Vous cherchez ses traces, mais vous ne les trouvez pas. Vous désirez ardemment qu’il déchire les cieux et qu’il descende pour voir. Pour entendre. Pour être compatissant. Pour nous sauver. Le Dieu de cette terre ne repousse pas les armées et leur brutalité, mais il vient partager le sort de son peuple. Sa maison est détruite. Son fils est crucifié. Mais son mystère ne périt pas. Au contraire, il renaît des cendres, il se relève et c’est avec les réfugiés que vous le voyez. Il marche et, dans l’obscurité de la nuit, il fait jaillir des sources d’espoir. Sans ce Dieu, la Palestine reste une terre brûlée. Sans lui, elle reste un champ de destruction. Mais si Dieu piétine ses fondations, c’est uniquement pour en faire une terre sainte, une terre où la bonne nouvelle de la paix résonne sur les collines. »
Bien-aimés, en ces temps si durs, consolons-nous avec la présence de Dieu au milieu de la douleur, et même au milieu de la mort, car Jésus n’est pas étranger à la douleur, aux arrestations, à la torture, et à la mort. Il est à nos côtés dans notre douleur.
À Gaza, Dieu est là sous les décombres. Il est avec ceux qui ont peur, il est avec les réfugiés. Il est là dans la salle d’opération. C’est cela notre consolation. Il traverse avec nous la vallée de l’ombre et de la mort. Si nous voulons prier, ma prière c’est que ceux qui souffrent ressentent cette présence qui guérit, et qui réconforte.
Nous avons un autre réconfort encore : celui de la résurrection. Quand nous avons le coeur brisé, quand nous souffrons, quand nous affrontons la mort, répétons-nous la bonne nouvelle de la résurrection : « Christ est ressuscité ! ». Il est devenu le premier-né de ceux qui se sont endormis. Quand j’ai vu les images des corps de ces saints dans leurs sacs blancs devant l’église, lors de leurs funérailles, c’est cet appel du Christ qui m’est venu à l’esprit : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde » (Matthieu 25,34).
Devant les images de la mort et toutes les photos d’enfants morts, nous pouvons entendre aujourd’hui l’appel immortel du Christ : « Laissez venir à moi les petits enfants et ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux » (Marc 10,14). S’il n’y a pas de place pour les enfants de Palestine et les enfants de Gaza dans ce monde cruel et oppressant, ils ont une place dans les bras de Dieu. Le Royaume est pour eux. Face aux bombardements, face aux déplacements, et face à la mort, Jésus les appelle et leur dit : « Venez à moi, vous qui êtes bénis par mon Père. Laissez venir à moi les enfants, car le Royaume est à eux ». C’est cela que nous croyons. Et c’est cela notre consolation dans notre douleur. Amen.

*Munther Isaac est pasteur de l’église évangélique luthérienne de Noël à Bethléem, doyen du Collège biblique de Bethléem, et directeur des conférences « Christ au checkpoint ». Son dernier livre s’intitule L’autre côté du mur – Un récit chrétien palestinien de lamentation et d’espoir. Il vient d’être traduit en français et doit être publié avant Noël.

1er novembre 2023
Lettre ouverte conjointe de Kairos Afrique du Sud et de Kairos Palestine aux responsables d’Églises et aux chrétiens des États-Unis, d’Europe et de la grande famille œcuménique

Sœurs et frères :
Un génocide contre les Palestiniens de Gaza se déroule sous nos yeux et il n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé il y a moins de 30 ans au Rwanda et il y a 80 ans en Europe. De nombreux Occidentaux ont été complices de ces génocides. Nous ne pouvons pas et nous ne voulons en aucun cas laisser cela se reproduire. Il faut l’arrêter au plus vite.

Si vous n’agissez pas pour mettre fin à ce génocide qui est soutenu par beaucoup dans vos pays et qui est encouragé par la fourniture d’armes à Israël pour le mettre en œuvre, vous vous en rendez complices. Ceux dont les gouvernements soutiennent ce génocide ont une responsabilité plus grande et doivent s’assurer que leurs gouvernements y mettent fin.

Nous condamnons toute forme de violence à l’encontre de civils et de toute autre personne, mais il faut reconnaître que cette guerre n’est pas née de rien. Sa genèse remonte à l’occupation illégale des territoires palestiniens, à l’expansion des colonies juives illégales en Palestine occupée, à la négation des droits des réfugiés palestiniens qui voudraient retrouver
leurs anciens foyers, et au siège de Gaza qui dure depuis 17 ans. Et plus récemment à la montée au pouvoir en Israël de groupes fascistes ultra-nationaux et ultrareligieux et au refus par l’actuelle coalition nationaliste et religieuse de droite qui est au pouvoir, de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à la liberté et à l’autodétermination. Le monde entier a été témoin des violations et des agressions continues perpétrées par des extrémistes juifs, des colons, des membres de la Knesset et des ministres contre des lieux saints musulmans et chrétiens et contre des fidèles, tant à Jérusalem qu’en d’autres endroits, et tout ceci au mépris de la sensibilité religieuse non seulement des Palestiniens, mais aussi de millions de chrétiens et de musulmans à travers le monde, – pour ne citer que quelques-unes des raisons qui expliquent les souffrances des Palestiniens sous le régime israélien d’occupation et de colonialisme.

En 2022, les forces israéliennes d’occupation ont tué 230 Palestiniens : 171 en Cisjordanie, 53 à Gaza, et 6 en Israël, et 44 d’entre eux ont été des enfants. De plus, entre le début de l’année et le 7 octobre 2023, les forces israéliennes d’occupation ont tué un total de 243 Palestiniens. Nous espérons que ces chiffres vous donnent une vue d’ensemble de ce que vit le peuple palestinien. Tout ceci simplement pour dire que ce n’est pas le 7 octobre 2023 seulement que sont venus la douleur, la peine et le chagrin.

Nous savons tous que toutes ces atrocités contre des êtres humains sont contraires à la volonté de Dieu pour son monde. Elles sont contraires également au droit international et aux conventions de Genève. Ce droit et ces conventions ont été mis en place par des puissances occidentales, après la Seconde guerre mondiale surtout, et aucun État n’en a été
exclu ou n’a bénéficié d’un statut particulier.

Si l’on confronte tout ce qui vient d’être évoqué au siège total qu’Israël impose à Gaza et au dangereux blocage de presque toutes les voies non violentes, tout être humain tant soit peu raisonnable peut comprendre que la situation allait être explosive. On peut se demander comment les Américains ou les Européens auraient réagi si eux avaient été exposés à une
situation semblable à celle qu’a vécue la population de Gaza. L’histoire nous enseigne qu’ils n’auraient pas réagi de manière non violente, et c’est pourquoi nous trouvons extrêmement hypocrites certaines des qualifications que l’on a attribuées aux Palestiniens (comme auparavant aux Sud-Africains).

Les Sud-Africains savent ce que cela signifie que d’être étiqueté comme « terroriste » ou « communiste ». Des étiquettes pires encore ont été apposées sur les Palestiniens par ceux qui se sont rendus coupables des pires formes d’antisémitisme, un fardeau et une responsabilité qu’ils ont fait porter ensuite au peuple palestinien.
Dans la pratique, nous voyons comment les Palestiniens sont terrorisés quotidiennement par les colons israéliens,
par les forces israéliennes d’occupation et d’autres milices sionistes. C’est à cause de tout cela que nous dénonçons l’hypocrisie de ces étiquettes qui ne sont imposées qu’à un seul groupe de personnes.

La plupart des Églises d’Europe et des États-Unis semblent ne pas avoir renié leur passé colonialiste et raciste. Et de ce fait, les lunettes à travers lesquelles ils perçoivent ce que nous vivons aujourd’hui sont toujours teintées par leurs péchés de colonialisme et de racisme. Il est important que nous vous y rendions attentifs une fois de plus aujourd’hui, afin
de vous en faire prendre conscience.
C’est une vision de la pire espèce, incompatible avec Jésus tel que nous le connaissons à travers les Écritures. C’est pourquoi nous vous appelons à un profond repentir.

Car Jésus tel que nous le connaissons et tel que nous le vivons – lui dont nous allons bientôt célébrer la naissance à Bethléem – est magnifiquement présenté par les paroles de la jeune poétesse chrétienne sud-africaine Thandi Gamedze lorsqu’elle écrit :
« Si Jésus vivait aujourd’hui
je veux dire le Jésus brun
celui qui a grandi en Palestine occupée
sous la menace permanente de l’empire romain
avec ses forces armées à l’affût de quiconque oserait s’écarter de la ligne prescrite
Ce Jésus dont l’arrivée dans le monde a été marquée par la violence
l’air résonnant des ordres du roi Hérode allié des Romains
exigeant le génocide de tous les enfants de Bethléem
Si ce Jésus vivait aujourd’hui
il est clair où il serait
en route sans doute vers le sud
cherchant son chemin sous les bombes et les pluies de phosphore blanc
pleurant les membres de sa famille et ses amis
dont les maisons ont été réduites en ruines
alors qu’ils dormaient à l’intérieur
Ses pouvoirs de guérison compromis face au nombre de victimes
et les lamentations comme seule réponse possible à tant de dévastations
Ce Jésus n’aurait pas d’eau à changer en vin
parce que l’empire de ce temps a coulé du ciment dans les réserves d’eau
et barré tous les chemins pour y accéder
Ses capacités surnaturelles seraient mises à l’épreuve
dans cette crise humanitaire
parce que les cinq mille affamés
sont devenus deux millions entre-temps
et même cinq pains et deux poissons sont difficiles à trouver
Je suis sûr qu’il aurait peur
comme quand il voyait sa crucifixion devenue imminente
vidé de tout espoir face à l’inhumanité de l’empire
Il se mettrait sans doute à prier comme il l’a fait la veille de son assassinat
« Dieu, s’il te plaît, éloigne de nous cette coupe de souffrance
et libère la Palestine »

C’est dans cette optique, exprimée ci-dessus avec tant de beauté et avec une telle assurance, que nous nous adressons à vous maintenant.

Nous voulons tout d’abord nous tourner vers nos sœurs et nos frères juifs qui ont commencé  à dire « Pas en notre nom », et nous prions pour que leur nombre et leurs protestations augmentent. Les gens qui descendent dans la rue à travers le monde sont surtout, aujourd’hui, ceux qui portent la bonne nouvelle de la paix, de la justice et de la réconciliation.
C’est vers eux que nous allons nous tourner.

C’est pourquoi nous accusons les Églises des États-Unis, d’Europe et de la grande famille œcuménique de rester étrangement indifférentes aux meurtres des Palestiniens et aux actes de vengeance qui sont perpétrés à l’encontre de nos sœurs et de nos frères palestiniens, et de ne réagir que lorsque des Israéliens sont tués. Vous dites constamment « Paix, paix, là où il n’y a pas de paix ». Pour autant que nous puissions le constater, toute prétention à la paix a été abandonnée depuis longtemps alors que des pans entiers de terre palestinienne ont été volés. C’est pourquoi ces phrases creuses sont un affront non seulement envers nous, mais aussi envers le Dieu de la justice, le Dieu qui a pris le parti des opprimés, des
brimés et des marginalisés.

Si nous étions en 1943, les opprimés, les brimés et les marginalisés seraient les Juifs persécutés d’Europe, et nous prendrions leur parti. Mais nous sommes en 2023, et à notre époque ceux qui avaient auparavant été opprimés sont devenus des oppresseurs habilités à briser la nuque des opprimés de notre temps, les membres du peuple palestinien, et ils vont jusqu’à souhaiter qu’ils cessent d’exister. Ils sont bombardés tous les jours par les messages des colons qui leur disent : « Partez en Jordanie ! ».

Nous avons quelque chose à dire, à eux et à vous : Les Palestiniens ne vont pas partir n’importe où, tout au contraire ! Les Palestiniens vont ressusciter de leur crucifixion actuelle et les opprimés du monde entier vont s’identifier au peuple palestinien comme ils se sont identifiés aux Sud-Africains noirs qui vivaient sous un régime d’apartheid. La communauté
chrétienne de Palestine est une toute petite minorité souvent oubliée, mais avec l’évêque Tutu nous disons : « Dieu n’est pas un chrétien », Dieu ne se soucie pas seulement de ceux qui se disent chrétiens. Tous les êtres humains, tous ceux qui font la volonté de Dieu sont également aimés de Dieu, qui se soucie de tous.

Les droits humains n’ont pas de frontières de religion, de culture, de classe, de race ou de sexe. Les chrétiens palestiniens sont solidaires de tous les Palestiniens, et ils s’identifient pleinement à eux tous. Le monde d’Occident doit comprendre qu’il met sérieusement en danger les valeurs de la démocratie et les droits humains, que même il les dépouille de toute
légitimité, s’il continue sur la trajectoire qui est la sienne actuellement.

Cette lettre ouverte vous est adressée à vous, mais notre espoir réside en Dieu qui est solidaire de son peuple. Dieu vous tiendra pour responsables de vos péchés de commission et d’omission.

Nous plaçons notre confiance en ce Jésus qui a proclamé une Bonne Nouvelle pour les pauvres et les opprimés. Jésus nous rappelle à tous que Dieu n’est pas un Dieu tribal, mais un Dieu qui se soucie profondément de tous les peuples. Ce même Jésus nous remplit d’espoir et de joie, et nous prions de tout notre cœur pour que vous rencontriez, vous aussi,
ce Jésus, et que vous soyez libérés par lui.

Si vos cœurs sont touchés quelque peu par ce que nous vous avons écrit, nous vous appelons à une solidarité profonde et immédiate avec tous les Palestiniens et tout particulièrement avec ceux de Gaza. Nous sommes prêts à discuter avec vous du contenu de cette lettre ouverte.

Que Dieu vous bénisse !

Révérend Frank Chikane, au nom de Kairos Afrique du Sud

+ Patriarche émérite Michel Sabbah, au nom de Kairos Palestine

 

Les attaques terroristes perpétrées par le Hamas à l’encontre de civils en territoire israélien le 7 octobre dernier, conjuguées à la riposte armée de Tsahal à Gaza, ont plongé la région dans une crise humanitaire d’une ampleur sans précédent. Face à l’extrême gravité de la situation, les Professeurs de droit international public Evelyne Lagrange, Jean Matringe, Thibaut Fleury Graff, et 57 autres signataires, unissent leurs voix pour adresser un appel pressant à la communauté internationale en faveur de la paix.

Paris, le 13 décembre 2023 

Un peu plus de deux mois se sont écoulés depuis les attaques terroristes du Hamas contre des civils en territoire israélien, et des dizaines de personnes sont encore otages entre ses mains et celles d’autres groupes armés à Gaza, tandis que des frappes se poursuivent contre Israël. Presque autant de temps s’est écoulé depuis le début de la riposte israélienne à Gaza, et les morts et blessés civils, dont de très nombreux enfants, se comptent par milliers, voire dizaines de milliers, dans les décombres des villes et des infrastructures de ce petit territoire, refermé comme un piège sur la population palestinienne. La situation a conduit Antonio Guterres, le Secrétaire général des Nations Unies, à saisir le Conseil de Sécurité de la situation, en un usage rarissime de l’article 99 de la Charte des Nations Unies le 6 décembre 2023.

Plus de dix jours se sont écoulés depuis la fin de la trêve entre Israël et le Hamas le 1er décembre 2023, et les opérations militaires massives de l’armée israélienne s’étendent désormais au sud de Gaza où les civils gazaouis étaient censés trouver, sinon un refuge, du moins un répit. Or, l’hiver est là ; le taux de destruction des villes est affolant ; la faim et les épidémies sévissent ; l’aide humanitaire reste parcimonieuse ; la plupart des hôpitaux ne fonctionnant plus, d’innombrables blessés demeurent sans secours. Les rapports des institutions internationales et les témoignages qui parviennent à sortir de Gaza suscitent l’effroi.

En Cisjordanie ainsi qu’à Jérusalem-Est, touchés par une explosion de violence et une recrudescence des morts, la situation se détériore également.

Ces événements tragiques surviennent cinquante-six ans après que le Conseil de sécurité des Nations Unies a demandé la cessation de tous les actes de belligérance et le retrait d’Israël des territoires occupés pour parvenir à une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité (résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967). Cinquante-six ans, et des États et des groupes terroristes entretiennent encore le projet de détruire Israël. Cinquante-six ans, et le territoire de Gaza est promis à la poursuite d’opérations militaires massives, le gouvernement israélien faisant dépendre la fin de ses opérations de l’improbable « éradication » de la dernière cellule terroriste à Gaza.

Si rien n’arrête les opérations militaires actuelles, il est à craindre qu’il ne soit bientôt plus possible, matériellement, de réaliser le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, reconnu sans ambiguïté en droit international. Malgré leur ampleur, ces opérations ne garantissent pourtant complètement ni la sécurité de l’État d’Israël, ni le droit du peuple israélien de vivre en sécurité, même à court terme. La multiplication d’attaques de différentes natures contre Israël, ses habitants et ses intérêts en témoigne chaque jour.

Les spécialistes de droit international public et de relations internationales débattent et débattront encore à l’avenir de ce que le droit international public permettait aux parties de faire, ou pas, après les odieuses attaques terroristes du 7 octobre 2023, dans ce conflit qui perdure depuis 1948.

Conscients de leurs divergences et de la difficulté d’établir et qualifier certains faits au moment même où ils se produisent, les soussignés, spécialistes de ces deux disciplines, sont cependant unanimes à considérer que :

1- Le droit international public n’autorise pas la poursuite de l’escalade de la violence au Proche-Orient qui menace maintenant la survie d’une population entière,

2- Les violations du droit international humanitaire par une partie n’excusent en rien les manquements de l’autre à ses propres obligations,

3- Les États tiers ont l’obligation, en recourant à des moyens pacifiques, d’agir pour faire cesser les violations graves en cours du droit international humanitaire et les atteintes au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de prévenir tout risque de génocide, de poursuivre les auteurs de crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide) et d’actes de terrorisme, et de tout entreprendre pour assurer la protection des civils contre des atrocités de masse, quels qu’en soient les auteurs, ou contre la privation de leurs droits les plus élémentaires. Qu’ils ne l’aient pas fait dans d’autres conflits tout aussi mortifères ne saurait constituer une excuse à leur passivité.

Négociations, protestations et mises en garde font certes partie de « l’arsenal pacifique » à la disposition des États tiers mais elles ne suffisent manifestement pas. Quoiqu’elle ait gagné en intensité, la réprobation exprimée par des États occidentaux est trop timide pour exonérer ceux-ci de leurs responsabilités et pour préserver leur crédit face aux accusations de pratiquer un « double standard » et, ainsi, de ne pas défendre avec constance les droits de toutes les populations civiles et de tous les peuples.

D’autres initiatives doivent donc être prises, d’urgence, et rendues publiques, telles que :

1- Donner toutes ses chances au Conseil de sécurité des Nations Unies d’adopter une résolution contraignant les parties à cesser le feu, à libérer les otages et à laisser entrer toute l’aide humanitaire nécessaire. D’ici là, les États-Unis d’Amérique ayant opposé leur veto à une résolution demandant un cessez-le-feu immédiat le 8 décembre 2023, l’Assemblée générale peut, de nouveau, prendre le relais sous la forme de recommandations (une réunion est convoquée le 12 décembre 2023 en application de la résolution 377 (V) du 3 novembre 1950, L’union pour le maintien de la paix, dite aussi Résolution Acheson). Des mesures pacifiques nécessaires pour donner effet à de telles résolutions peuvent être définies contre le Hamas (et autres groupes armés et terroristes), bien sûr, mais aussi à l’égard d’Israël : embargo sur les armes, gels ciblés d’avoirs, refus de visa aux personnes incitant à la violence ou impliquées dans des violences contre les civils palestiniens ou israéliens, etc. De telles mesures peuvent d’ailleurs être adoptées dès maintenant par chaque État ou l’Union européenne sans attendre une résolution onusienne.

2- Offrir à Israël les garanties de sécurité d’effet immédiat nécessaires pour prévenir la répétition d’attaques contre sa population civile et faire respecter le cessez-le-feu. Offrir à la Palestine les garanties de sécurité nécessaires, à Gaza contre une rupture de cessez-le-feu et en Cisjordanie, contre les attaques dirigées contre ses habitants. Des observateurs internationaux et des forces de maintien de la paix peuvent être déployés le cas échéant.

3- Soutenir activement les mécanismes internationaux d’enquête sur toutes les violations du droit international humanitaire commises dans ce conflit, y compris les violences sexuelles contre des femmes et des hommes lors des attaques du 7 octobre et depuis, ainsi que sur les conditions d’identification des cibles de l’armée israélienne à Gaza, en veillant dûment à l’impartialité de ces mécanismes.

4- Donner à la Cour pénale internationale les moyens matériels et financiers d’identifier et juger les auteurs de crimes internationaux commis depuis Gaza, à Gaza ainsi qu’en Cisjordanie et depuis celle-ci, grâce à un soutien et une coopération judiciaire sans réserve. Exiger l’accès des enquêteurs de la CPI à Gaza. Engager des procédures pénales devant les juridictions nationales compétentes contre les auteurs de crimes internationaux et d’actes de terrorisme.

5- Déclencher les procédures internationales de règlement des différends disponibles. La Cour internationale de Justice, par exemple, est compétente sur le fondement de la Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide qui lie Israël, l’État de Palestine et 151 autres États tenus d’obligations de prévention. Les conditions d’urgence, d’existence de droits à protéger et de risque qu’un préjudice irréparable soit causé à ces droits étant réunies, la Cour pourrait prononcer des mesures conservatoires qui s’imposent aux parties.

Face à la détresse des civils, face aux périls qui pèsent sur le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, face au risque pour les deux peuples de voir se prolonger indéfiniment l’état de guerre, nous exhortons solennellement les États tiers, et en particulier les États occidentaux, à utiliser résolument toutes les prérogatives que leur reconnaît le droit international public.
C’est leur responsabilité. Elle est historique à l’égard du peuple israélien et du peuple palestinien mais aussi à l’égard de leurs propres citoyens qui demandent une politique étrangère juste et fidèle au droit international ainsi que des assurances pour leur propre sécurité.
Il ne faudra pas moins de détermination ensuite pour reprendre le processus de paix interrompu depuis une vingtaine d’années et parvenir à un règlement de paix juste et durable pour les deux États, qui, notamment, mette fin à l’occupation par Israël du territoire palestinien et à la politique des colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Il faudra alors se tenir aux côtés d’Israël et de la Palestine pour faire vivre ce règlement de paix.

 

Télécharger l’article Le Club des juristes, Collectif,

Liste des signataires

  1. Niki Aloupi, Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas
  2. Rémi Bachand, Professeur de droit international à l’Université du Québec à Montréal
  3. Samantha Besson, Professeure au Collège de France et à l’Université de Fribourg
  4. Pierre Bodeau-Livinec, Professeur de droit public à l’Université Paris Nanterre
  5. Clémentine Bories, Professeure à l’Université Toulouse Capitole
  6. Anne-Laure Chaumette, Professeure de droit public à l’Université Paris Nanterre
  7. Lena Chercheneff, Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  8. Olivier Corten, Professeur à l’Université libre de Bruxelles
  9. Frédérique Coulée, Professeure de droit à l’Université Paris-Saclay
  10. Florian Couveinhes Matsumoto, Maître de conférences en droit public à l’Ecole normale supérieure (ENS-PSL)
  11. François Crépeau, Professeur de droit à l’Université McGill
  12. Claire Crépet Daigremont, Maître de conférences à l’Université Paris-Panthéon-Assas
  13. Guillaume Devin, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Paris
  14. Sara Dezalay, Professeure en droit international et relations internationales, à l’ESPOL, Université catholique de Lille
  15. Laurence Dubin, Professeure de droit international à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  16. François Dubuisson, Professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles
  17. Geneviève Dufour, Professeure de droit international à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa
  18. Saïda El Boudouhi, Professeure de droit public à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
  19. Marina Eudes, Professeure à l’Université Paris Nanterre
  20. Julian Fernandez, Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas
  21. Julie Ferrero, Professeure de droit public à l’Université Jean Moulin Lyon 3
  22. Thibaut Fleury Graff, Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas
  23. Olivier de Frouville, Professeur de droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas
  24. Géraldine Giraudeau, Professeure de droit public à l’Université Paris-Saclay (UVSQ)
  25. Andrea Hamann, Professeure de droit public à l’Université de Strasbourg
  26. Hugues Hellio, Enseignant-chercheur en droit à l’Université d’Artois
  27. Vaios Koutroulis, Chargé de cours à la Faculté de droit et de criminologie à l’Université libre de Bruxelles
  28. Anne Lagerwall, Professeure de droit international à l’Université libre de Bruxelles
  29. Evelyne Lagrange, Professeure de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  30. Philippe Lagrange, Professeur de droit public à l’Université de Poitiers
  31. Marie-Pierre Lanfranchi, Professeure de droit public à Aix Marseille Université
  32. Marion Larché, Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  33. Pierre-François Laval, Professeur à l’Université Jean Moulin-Lyon 3
  34. Romain Le Boeuf, Professeur à Aix-Marseille Université
  35. Guillaume Le Floch, Professeur à l’Université de Rennes
  36. Marie Lemey, Professeure de droit public à l’Université de Bretagne Occidentale
  37. Jean-François Marchi, Maître de conférences à Aix Marseille Université
  38. Anne-Charlotte Martineau, Chargée de recherche en droit international (CNRS)
  39. Jean Matringe, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  40. Frédéric Mégret, Professeur à l’Université McGill
  41. Anne-Sophie Millet-Devalle,Professeure à l’Université Côte d’Azur, chaire Jean Monnet de l’Union européenne
  42. Arnaud de Nanteuil, Professeur à l’Université Paris Est Créteil
  43. Valère Ndior, Professeur à l’Université de Bretagne occidentale
  44. Anne-Thida Norodom, Professeur de droit public à Université Paris Cité.
  45. Paolo Palchetti, Professeur de droit international à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  46. David Pavot, Professeur de droit international à l’Ecole de gestion de l’Université de Sherbrooke
  47. Isabelle Pingel, Professeure à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  48. Frédéric Ramel, Professeur de science politique à Sciences Po Paris
  49. Hélène Raspail,Maître de conférences HDR en droit public à Le Mans Université
  50. Pascale Ricard, Chargée de recherche au CNRS, Aix-Marseille Université, DICE
  51. Raphaële Rivier, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  52. Denys-Sacha Robin, Maître de conférences à l’Université Paris Nanterre
  53. Hélène Ruiz Fabri, Professeure à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  54. Marie-Clotilde Runavot, Professeur de droit public à l’Université de Perpignan via Domitia
  55. Marco Sassòli, Professeur de droit international public à l’Université de Genève
  56. Jean-Marc Sorel, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  57. Anne-Sophie Tabau, Professeur de droit à Aix-Marseille Université, UMR DICE-CERIC
  58. Bérangère Taxil, Professeure de droit international à l’Université d’Angers
  59. Emmanuelle Tourme Jouannet, Professeure à l’Ecole de droit de Sciences Po Paris
  60. Daniel Ventura, Maître de conférences en droit public à l’Université Côte d’Azur