Adyan, vous connaissez ?

Cet été beyrouthin fut placé sous le signe de la rencontre quelque peu inopinée, mais dense, avec Adyan Foundation et, au final, assurément prometteuse pour tous les amoureux du dialogue entre les différentes religions du monde.

 

Si le dialogue trouve sa forme institutionnelle en Occident avec la rencontre d’Assise en 1986 et la création du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux, il est né dans cet Orient pluriel, à la mosaïque religieuse diverse et variée. Malgré le rôle pionnier et millénaire des Communautés du Moyen Orient dans le dialogue, le scepticisme gagne les esprits et distille la confusion dans les sentiments même des plus fervents défenseurs du dialogue interreligieux.

La situation du monde arabe est inédite : bouleversements politiques, économiques et sociaux sans précédent et montée du fanatisme et de la violence à caractère religieux laissant craindre le pire.  Deux crises majeures ont miné le Moyen-Orient en l’espace de dix ans seulement ! Suite aux événements du 11 septembre 2001 et aux révolutions arabes de 2011, elles ont gangrené les sociétés arabes marquées par l’émergence de courants takfiristes, dont Daesh – l’un des pires avatars – constitue l’expression la plus hideuse du rejet de toute altérité.

Adyan

Face à un dialogue interreligieux parfois réduit à des discussions réservées à une élite bien-pensante, il faut trouver de nouveaux paradigmes au dialogue. Dans ce contexte naît, le 6 août 2006, l’ONG libanaise Adyan qui signifie en arabe « religions ». J’ai eu le grand plaisir de rencontrer deux de ses principaux fondateurs, le père Fadi Daou, prêtre maronite, professeur en théologie fondamentale et philosophie politique à l’Université Saint Joseph et coordinateur des relations œcuméniques et interreligieuses au Patriarcat Maronite, ainsi que Nayla Tabbarah, docteur en Sciences des religions, exégète et théologienne en sciences islamiques, musulmane sunnite et auteure de nombreux ouvrages sur le commentaire coranique, le soufisme, la femme en islam et la théologie des religions et du dialogue.

Reflétant fidèlement la diversité religieuse de ses membres fondateurs, Adyan ne souhaite pas réduire le dialogue au seul et nécessaire cadre socio-politique du vivre ensemble dans lequel l’autre est à peine toléré et son identité, dissoute.

L’enjeu du dialogue pour Adyan inclut les questions de justice sociale et de paix, et les dépasse. Face à une société libanaise traumatisée par les guerres, Adyan propose de résister au clientélisme et à la logique confessionnelle : des programmes d’action visent à promouvoir concrètement auprès des Libanais « la citoyenneté inclusive », qui respecte les diversités culturelles et religieuses du tissu social. Cette citoyenneté inclusive – chère à Adyan –  déconfessionnalise le discours communautaire, sensibilise à la religion d’autrui sans esprit de domination et permet de s’ouvrir théologiquement à la question de l’altérité religieuse.

Trois pôles

Pour mener à bien sa mission, Adyan dispose de trois pôles.

Le Pôle « Communauté » comprend l’emblématique programme Alwan formant des élèves et enseignants au vivre ensemble. Quatre réseaux prolongent l’esprit d’Adyan au sein de la société libanaise : ceux des bénévoles, des jeunes, des familles et des journées de solidarité spirituelle. Ce sont des lieux propices à des sessions de formation, voyages d’études, rencontres avec autrui, partages d’expériences et réflexions sur les enseignements spirituels de textes bibliques et coraniques ou sur des sujets sociétaux variés.

Le Pôle « Média », constitué principalement par le site web Taadudiya (pluralisme en arabe), propose d’acquérir une juste connaissance théologique aux internautes en vue d’endiguer tout extrémisme religieux et encourage la liberté de croyance et d’expression dans le respect de la diversité religieuse.

« L’Institut de la Citoyenneté et de gestion de la diversité » vient structurer la pensée critique qui permet d’appréhender la question religieuse dans la sphère publique au Liban. Il met en place des programmes d’études sur plusieurs mois, sanctionnés par l’obtention de certificats, l’un portant sur les « religions et affaires publiques au Liban », et l’autre intitulé « Islam, diversité et construction de la paix ».

L’Institut mobilise l’expertise de chercheurs, d’universitaires venus du Liban et d’ailleurs, et propose des formations destinées à sensibiliser éducateurs, formateurs, voire même décideurs, écoles, universités, institutions et organisations de la société civile aux questions de paix, citoyenneté, éducation religieuse, dialogue, migration, analyse et résolution de conflits, réconciliation et résilience. Ces thématiques font l’objet de nombreuses publications.

L’Institut propose également d’aller plus loin et s’engage dans des partenariats avec le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et le Centre de Recherche et de Développement Pédagogiques (CRDP) en vue d’élaborer un programme d’éducation nationale portant sur l’enseignement de la philosophie et des civilisations.

En février 2018, Adyan a reçu le prix japonais NIWANO pour la paix, suite à la mise en œuvre d’un programme parascolaire d’éducation à la paix pour les enfants syriens réfugiés au Liban. Dépassant la seule sphère libanaise, l’action d’Adyan force l’admiration dans un Orient laminé par les conflits et « en soif de justice et de paix »