Justice sur la terre comme au ciel
Voici un ouvrage, de 140 pages, préfacé par le cardinal Etchegaray, qui a choisi une présentation originale. En effet, entre les traditionnelles questions-réponses, Guy Aurenche intercale plusieurs méditations à partir de l’Evangile.
L’auteur, qui fut, tout en assumant bien d’autres engagements, très longtemps un membre actif et efficace de Justice et Paix-France, insiste sur ses raisons d’essayer de vivre l’Evangile et souhaite faire partager son choix de la solidarité incarnée. Pour lui, sans minimiser le rôle de la prière, la rencontre avec Dieu s’opère à travers les rencontres humaines, ce qu’illustre la parabole du Bon Samaritain.
La joie de l’Evangile, invoquée dans l’encyclique Laudato Si’ du pape François dont GA remarque qu’il ne donne jamais l’impression de s’ennuyer dans son « métier de pape », est très concrète. Rien ne peut effacer la tendresse de Dieu pour ses créatures, même pas nos fautes et nos manquements. Trop d’homélies insistent sur le péché et poussent à la culpabilisation. Au contraire, les gestes de solidarité apportent la joie : l’auteur se rappelle avec gratitude la rencontre d’un prisonnier isolé, condamné à mort, en Transnistrie, qui le remercie en disant « je ne suis plus seul ».
Pour faire comprendre son itinéraire personnel, Guy Aurenche revient sur son expérience du scoutisme, puis sur son engagement, en tant qu’étudiant en Droit, au Centre St Yves.
Persuadé de l’importance de la parole et des dialogues dans la Bible, et d’une Parole de Dieu qui transforme, il attribue à cette conviction le choix de devenir avocat. La parole étant constitutive de la personne, il faut aider les plus fragiles dans notre société à se faire entendre, sans parler à leur place. Au CCFD, dont il va bientôt quitter la présidence, le même choix est fait d’accompagner les plus pauvres.
C’est à l’ACAT, fondée en 1975, et qu’il préside pendant 8 ans, avant d’avoir, 11 ans durant, la responsabilité de la Fédération Internationale des ACAT, qu’il reçoit le choc de la découverte de la torture. Dans cet univers où triomphe le Mal, ce n’est qu’en croyant à l’amour de Dieu que, plongé dans l’enfer des violences, il est possible d’éviter le désespoir. Mais, malgré le Mal qui inspire les tortionnaires, GA croit que l’enfer est « dépeuplé ». D’ailleurs, l’ACAT invite toujours à prier pour la conversion des bourreaux. Les victimes de la torture se sentent terriblement seuls, mais on sait, par les témoignages des rescapés, que souvent l’action de l’ACAT leur a permis de ne pas désespérer.
L’espérance s’appuie sur la capacité humaine à refuser l’inacceptable et à faire confiance.
L’expérience de l’ACAT amène Guy Aurenche à s’intéresser de près à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, de 1948, qui apparaît comme l’expression même de la conscience mondiale. Ce texte fondateur, et toutes les déclarations qui en découlent permettent à tous ceux qui combattent l’injustice d’y trouver un fondement pour interpeller les Etats sur la base même de leur signature de cette charte. Il faut rappeler d’ailleurs que toutes les cultures appartiennent à une même famille humaine : les critiques de certains dictateurs contre l’aspect occidental de la DUDH ne sont guère crédibles.
Notre témoignage de chrétien ne peut, d’après l’auteur, se faire qu’à partir de « rendez-vous d’humanité », car la Bonne Nouvelle ne s’annonce pas dans l’abstraction : la fraternité s’incarne. A ce sujet, il évoque Nelson Mandela et son geôlier. Il est possible de travailler avec des non-croyants, sans cacher sa foi, en comprenant la laïcité comme une spiritualité et en cherchant ensemble les raisons d’une action commune.
On retrouve dans ce petit livre la générosité de l’auteur et son dévouement aux causes qu’il a toujours défendues. C’est l’itinéraire d’un homme engagé qui explicite ses choix et nous fait réfléchir.
Jacqueline Madinier
Contre la traite
La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) vient de publier un imposant rapport de 370 pages sur « La lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains ». Il s’agit du premier rapport d’évaluation de la mise en œuvre du Plan national contre la traite, qui date de mai 2014 et dont les dispositions sont rappelées.
Ce travail collectif a été réalisé avec l’aide et la coopération des associations engagées contre ce fléau, et notamment le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », qui, créé en 2007, autour du Secours catholique, rassemble 26 associations (dont Justice et Paix France).
Dans une première partie de cette brochure, un rappel des normes internationales, une définition précise du phénomène et quelques données statistiques sur la traite dans le monde précèdent la description de la traite en France, où cette réalité est mal connue. Peu de statistiques et peu de condamnations : les victimes dénoncent rarement leur exploitation. La traite des mineurs revêt la forme de l’exploitation sexuelle, de la servitude domestique, mais aussi de la mendicité organisée et de l’obligation à commettre des délits.
Le texte présente des recommandations : meilleure coordination des actions de l’Etat, accroissement des financements, campagnes d’information ; formation des personnels (police, gendarmerie, magistrats) ; accompagnement des victimes, avec une prise en charge sociale, médicale, psychologique, aide à l’hébergement et à la réinsertion.