Réintégration de la France dans l’OTAN : au-delà des arguments

Pourtant ce qui risque de disparaître avec les spécificités françaises, mais aussi celles des Etats membres de l’Union mais non-alignés OTAN (Finlande, Autriche, Suède, Irlande…) ce sont les éléments de modernité politique de l’Union.

L’OTAN n’a jamais accepté la politique européenne de défense ; elle veut une « identité » européenne. Que cache ce changement de terme ?
Le fait qu’une identité politique ne définit pas une volonté. Elle se présente comme une culture, un mode d’être, non une volonté d’agir. Or la politique européenne de sécurité et de défense, même embryonnaire, reposait sur un long apprentissage de dépassement des conflits, d’acceptation des minorités, d’un dépassement des traumatismes mémoriels. La PESD n’est pas seulement la formation d’une capacité de défense, mais le développement d’un savoir et de moyens civilo-militaires, la mise en place d’une gamme d’outils reliant diplomatie, aides d’urgences et lentes reconstructions, financement et diplomatie préventive ; connaissance des mesures de confiance, soutien aux négociations de limitations des armements, notamment à travers l’Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe…
Le vrai débat n’est pas de dire « oui » ou « non » à l’OTAN, mais de s’interroger sur la possibilité d’aller au-delà de cette alliance militaire vers la mise en place de systèmes de sécurité collective, voire coopérative. Ceci appartient à la « culture stratégique européenne », beaucoup moins à celle de l’OTAN, plus classiquement orientée vers l’usage de la force.

Entre la fin de la seconde guerre mondiale, en 1945 et le Traité de Rome de 1957, douze ans seulement. Entre la fin du Pacte de Varsovie (1991) et aujourd’hui, dix huit ans déjà, et la représentation de la menace russe a toujours cours !

Alors que les opinions publiques européennes peinent à imaginer des menaces, que leurs préoccupations sont économiques, sociales, l’OTAN leur demande d’augmenter les dépenses d’armements, d’être prêtes à recourir à la force contre des ennemis non identifiés, virtuels, futurs…
Le discours de l’OTAN, sans conteste largement influencé par les conceptions étasuniennes, risque de recouvrir ces recherches de sécurité s’éloignant de l’affrontement, conduites par des Etats dont la plupart ( Allemagne, Belgique, Espagne, Grande Bretagne, France, Italie …) ont existé comme empire et en ont vécu la fin tragique ! Pensons aussi aux productions d’armements. Le cadre occidental-otanien est certes intéressant pour les industriels : c’est un marché gigantesque, unifié, normé par les exigences opérationnelles de standardisation. Mais ne pourrait-on imaginer que le production d’armes, qui ne sont pas des produits « comme les autres », soit limitée aux besoins de l’Union comme « tout », défini par ses intérêts et ses objectifs stratégiques. Dès lors, au lieu de justifier production en série et exportations par une prétendue recherche d’économie d’échelle, cette production – malheureusement nécessaire – serait consciemment limitée aux seuls besoins reconnus par tous ! Le code de conduite de l’Union serait étendu à une véritable politique !

Si le débat sur la réintégration complète dans l’OTAN n’a pas et n’aura pas vraiment lieu, pensons déjà aux enjeux des élections au Parlement Européen du 9 juin prochain pour que les nouveaux élus reprennent et poursuive la véritable culture européenne, celle d’une stratégie de paix.