Abolition de la peine de mort
« Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les députés, j’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée Nationale, l’abolition de la peine de mort en France »
Cette phrase de Robert Badinter, prononcée le 17 septembre 1981, va le faire entrer dans l’Histoire.
Cela faisait des années que Robert Badinter avait rejoint le camp des abolitionnistes. C’est d’ailleurs pourquoi, en 1977, la section française d’Amnesty International, dont j’étais l’un des responsables, lui avait demandé de la représenter au congrès de Stockholm, pour l’abolition universelle de la peine de mort.
Jusqu’à ce qu’il devienne ministre, plusieurs fois par mois, nous nous sommes retrouvés pour animer des soirées destinées à expliquer pourquoi il fallait abolir la peine de mort. Souvent ces réunions étaient interrompues par des insultes et des cris, parfois même par des violences physiques.
Car l’hommage unanime rendu par tous, lors de sa mort, ne doit pas faire oublier que nous étions à contre-courant de l’opinion publique française (le 17 septembre 1981, un sondage indiquait que 67 % des français étaient en faveur de la peine de mort) et, que Robert Badinter était alors l’objet d’une haine farouche, nécessitant pour lui et sa famille une protection rapprochée.
Lorsque la France a aboli, elle était le 37e pays à le faire. Aujourd’hui 144 États ont aboli ou renoncé à exécuter les condamnés. Ce combat qui continuera à être mené jusqu’à l’abolition universelle de la peine de mort est resté, jusqu’à sa disparition, celui de Robert Badinter.
Ce combat fut aussi celui des commissions Justice et Paix d’Europe qui, dès 1978, ont demandé que l’Église catholique prenne, sur l’abolition de la peine de mort, une position qui consonne avec sa volonté de respecter la vie humaine. Et le 12 juin 1986, une délégation de l’ACAT conduite par Jacqueline Westercamp, avec la participation de Guy Aurenche et de Pierre Toulat, reçue par le pape Jean Paul II, en présence du cardinal Etchegaray président du Conseil pontifical Justice et Paix, leur exprimait ce même vœu. Ces démarches et celles de bien d’autres contribuèrent à faire bouger l’Église sur sa position traditionnelle (rappelée dans l’article 2267 de son catéchisme). Et la longue marche entamée sous Paul VI, appuyée par Jean Paul II et Benoit XVI, a abouti enfin le 2 août 2018 à une décision du pape François.
Désormais l’Église « enseigne à la lumière de l’Évangile que la peine de mort est une mesure inhumaine, qui blesse la dignité personnelle et s’engage de façon déterminée en vue de son abolition partout dans le monde ».