Pour l’abolition de la peine de mort !

« Aujourd’hui, nous disons clairement que la peine de mort est inadmissible et l’Église s’engage résolument à proposer qu’elle soit abolie dans le monde entier » (Pape François, Fratelli Tutti n° 263)

Un enjeu anthropologique

En 1981, 30 états étaient abolitionnistes. Aujourd’hui sur 195 états, 109 sont abolitionnistes et 50 le sont de fait. Le combat pour l’abolition de la peine de mort reste cependant plus que jamais d’actualité. En 2020 : 483 exécutions, sans compter les exécutions extra-judiciaires. Tant qu’un seul pays s’autorisera à utiliser la mise à mort, l’humanité restera menacée.

D’autant plus que nous assistons depuis une vingtaine d’années à une nette dégradation du principe : « Tu ne tueras pas ». Les atteintes graves à la dignité de la personne se multiplient. Ainsi la torture pratiquée par la moitié des pays du monde a-t-elle été admise dans plusieurs sociétés démocratiques (Cf. les U.S.A. du président Trump). En France, un candidat n’a pas hésité à recommander la création d’un « Guantanamo à la française » contre les terroristes et les islamistes !

Il semble que l’éclatement du monde et les violences qu’il entraîne, la recrudescence des phénomènes de « terrorisme », la banalisation des processus de déshumanisation, l’augmentation du ressenti d’insécurité globale, érodent en nous, et dans la conscience humaine, le devoir de s’interdire de toucher à la vie d’une personne. Nous risquons de nous laisser submerger par un sceptique : « À quoi bon protester » !

Un enjeu géopolitique

Depuis l’espoir illusoire d’une certaine unité mondiale, après la disparition de l’URSS en 1989, le monde loin de s’unifier « s’archipélise ». Les clans se multiplient. La violence explose un peu partout. Elle prend des formes très variées, lourdement aggravées par la sophistication des armes et des moyens de communication. Sans oublier la France où l’évocation du rétablissement de la peine de mort reste un argument « efficace » auprès d’une partie de l’opinion. Dans un tel climat il importe de rappeler, en urgence, les fondements de la survie de l’humanité.

La mobilisation pour l’abolition mondiale s’impose. Il ne s’agit pas de stigmatiser les partisans de cette peine cruelle, mais d’agir dans deux directions : plus que jamais maintenir son interdiction légale et en même temps ouvrir le dialogue en profondeur avec les partisans du châtiment suprême.

La volonté d’abolir mondialement la peine de mort doit s’exprimer sur le terrain juridique et politique. La société civile, et en son sein les communautés chrétiennes, peuvent jouer un rôle décisif pour amener leurs autorités à rejoindre le processus législatif vers une abolition effective. Le soutien que nous leur apportons peut être déterminant. La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre1948 (O.N.U.) affirmait le droit à la vie mais ne posait pas le principe de l’interdiction de la peine de mort. En 1989, l’O.N.U. a adopté le deuxième protocole facultatif (Pacte international relatif aux droits civils et politiques) visant à abolir la peine de mort. Ses auteurs s’affirment « convaincus que l’abolition de la peine de mort contribue à promouvoir la dignité humaine ». Les textes du Conseil de l’Europe en font une condition d’appartenance à ce groupe.

Un enjeu convictionnel

Le combat doit se poursuivre sur le terrain des convictions. L’abolition de la peine de mort se gagne aussi, et peut-être d’abord, dans les esprits et les cœurs.

Divers arguments pourront être partagés : Qui donne la vie ? Serais-je prêt à donner la mort ? Pourquoi confier à une autorité le pouvoir de vie ou de mort ? Comment limiter la prolifération des gouvernements autoritaires à travers le monde ? Tuer ne blesse-t-il pas toute la société qui autorise ce geste ? Ne favorise-t-il pas la désespérance ? Comment écarter le drame irréparable de l’erreur judiciaire ? Quelle finalité a le travail de justice : sanction, vengeance, respect, réinsertion ? À chacun de trouver les moyens de signifier la valeur insondable de chaque personne… celle-ci fut-elle gravement fautive. Il en va de notre survie.

« J’invite les chrétiens qui doutent et sont tentés de céder face à la violence, quelle qu’en soit la forme, à se souvenir… de Jésus qui, face à un disciple gagné par la violence, disait avec fermeté : ʺ Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive ʺ (Mt 26, 53). Cette réaction de Jésus jaillissant de son cœur a traversé les siècles et parvient jusqu’au temps actuel comme un avertissement permanent » ! (FT n° 270)