Six ans dans la vie des Semaines Sociales

Quand les Semaines sociales de France furent créées, en 1904, par des laïcs catholiques lillois et lyonnais, ce fut sous l’inspiration des premières encycliques sociales, telle «Rerum novarum» du pape Léon XIII. Ce texte réagissait à la situation sociale tendue que provoquaient l’industrialisation rapide et les difficiles conditions de travail des ouvriers.
Nous sommes en 2022 : est-ce qu’une association née au siècle dernier peut aujourd’hui, dans un contexte politique et économique si différent, dans un univers religieux où l’Église catholique est devenue minoritaire, être encore utile ?

La raison d’être des Semaines sociales est de travailler sur la doctrine sociale de l’Église, pour la confronter aux réalités du temps et la diffuser auprès de fidèles catholiques qui se sentent souvent moins concernés par cette « Doctrine »-ci que par d’autres aspects de l’enseignement du Magistère. Les Semaines sociales en sont convaincues : la pensée sociale chrétienne est pleinement actuelle. Et pleinement nécessaire. Les successeurs de Léon XIII jusqu’au pape François, avec Laudato si’, Fratelli tutti et Evangelii gaudium, n’ont cessé d’enrichir son contenu.

Les principes de la pensée sociale, susceptibles d’aider au discernement des fidèles, dans la vie politique, économique, sociale, familiale, ne peuvent se détacher de l’actualité et « des signes des temps ». Rappeler la dignité de tout homme, mettre en exergue la place prioritaire des plus pauvres, répéter que la richesse n’est pas une fin en soi et que les « biens » – l’eau, la terre, la nature – appartiennent à tous, de génération en génération, s’assurer que chacun, là ou il est, puisse agir et contribuer à la vie collective, être attentif aux lointains « prochains »… Ces principes, inspirés de l’Évangile, ne vieillissent pas. Comment ne pas voir combien ils sont bafoués par notre époque ? Même si des progrès sociaux ont été accomplis au cours du siècle, il reste d’innombrables inégalités et injustices auxquelles il faut remédier. Et la paix, si précieuse, est toujours menacée.

Prendre la responsabilité des Semaines sociales, c’est honorer l’héritage de ceux qui ont été aux manettes avant soi et s’efforcer, dans la continuité, de susciter des accents nouveaux. C’est ainsi qu’un nouveau projet associatif fut élaboré collectivement, en 2019, après un travail universitaire mené par Elena Lasida sur l’utilité sociale de l’association. En une phrase slogan, fut résumée sa raison d’être : «penser ensemble pour agir et travailler au Bien commun». Avec la consigne de s’ouvrir toujours davantage : aux partenaires du christianisme social, aux croyants, aux non croyants, à la société, «en refusant de porter sur le monde un regard hostile, apeuré ou fataliste». Pour mener à bien leur mission, les SSF peuvent s’appuyer sur une vingtaine d’Antennes régionales qui organisent leur propre programme et relaient celui du national.

Au fil des ans, nous avons expérimenté les manières de bâtir collectivement des propositions à faire aux autorités politiques ou économiques, en réalisant un « Manifeste de l’engagement », en rassemblant nos « rêves pour un avenir  plus désirable ». Soucieux de favoriser des débats respectueux et constructifs, nous avons organisé plusieurs « web débats » sur des sujets divers (de l’échelle des salaires à la santé publique, en passant par la démocratie). Le site des SSF publie des tribunes hebdomadaires ; un espace y est réservé aux expériences de terrain. Nous avons noué des partenariats, avec sant’Egidio sur l’accueil de réfugiés vulnérables, avec le collectif qui recueille des « Paroles de chômeurs », et au sein de Promesses d’Église qui regroupe 50 organisations désireuses, à l’appel du pape François, de participer à la transformation ecclésiale et sociale dont notre monde a besoin.

La route est passionnante, elle est ardue. L’association connaît des fragilités : les ressources et les dons ne suffisent pas pour assurer son avenir à long terme, les adhérents et les participants aux rencontres vieillissent. Pourtant, il est essentiel que le visage de l’Église qu’incarne le christianisme social reste bien visible, que l’action des chrétiens qui participent à la construction d’une société plus juste, plus fraternelle soit reconnue à sa juste valeur. Tel sera précisément le thème de la rencontre des 28, 29 et 30 octobre à Lille : « la fraternité, notre combat ». C’est Isabelle de Gaulmyn, également rédactrice en chef du quotidien La Croix, qui reprend le flambeau de la présidence des Semaines sociales. Le témoin lui est passé en toute confiance, la course continue.

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