Les nouveaux visages de l’esclavage. Contre la traite des êtres humains
Ce livre est principalement le fruit de l’expérience des associations réunies dans le Collectif Ensemble contre la traite des êtres humains.
Il rappelle le fléau considérable qu’est la traite, dont, chaque année, 2,4 millions de personnes, principalement des femmes et des enfants, sont victimes, dans le monde, alors que ce trafic correspondrait, selon le Parlement européen, à un chiffre d’affaires annuel de 25 milliards d’euros. La traite d’êtres humains est devenue le troisième trafic le plus lucratif, après les armes et la drogue.
Dans une première partie, c’est l’état des lieux qui est présenté, et les multiples formes que prend la traite : l’esclavage domestique, encore peu connu, concerne nombre de jeunes filles, notamment africaines, exploitées par des familles de tous les milieux sociaux. Elles sont souvent recrutées dans leur pays d’origine par leur famille ou par des proches ; arrivées en France, on les fait travailler sans trêve, et la plupart du temps sans rémunération, on les maltraite, on leur confisque leurs papiers d’identité, on les empêche de sortir seules et de communiquer avec l’extérieur.
On parle davantage des victimes d’exploitation sexuelle. La prostitution est aujourd’hui une véritable industrie déshumanisée qui fonctionne avec des marchés et des profits. Un proxénète en Europe gagne environ 110 000 euros par an pour une fille et une prostituée rapporte, en France, entre 460 et 762 euros par jour à « son » proxénète. Dans notre pays, 80% des prostituées sont d’origine étrangère (d’après l’OCRTEH), venant d’Europe de l’Est ou d’Afrique. Les Nigérianes sont particulièrement nombreuses, car les jeunes filles sont prises dans des réseaux très organisés qui ont pignon sur rue dans un pays rongé par la corruption. Une fois en France, elles doivent se prostituer pour rembourser la dette contractée pour organiser leur voyage.
Des enfants font aussi partie des victimes de la traite. Il s’agit souvent d’enfants qu’on entraîne à commettre des vols ou à pratiquer la mendicité. L’irresponsabilité pénale des mineurs de moins de 13 ans en France pousse des réseaux de malfaiteurs à les utiliser sans risque pour commettre des délits. Il faut aussi mentionner le cas des mineurs isolés étrangers (entre 5 000 et 12 000 en France), qui sont vulnérables et, par ailleurs, traités en immigrants clandestins.
Après avoir dépeint les principales situations de traite, la seconde partie du livre de consacre aux modalités d’action contre la traite et notamment au rôle de nombreuses associations qui accompagnent des victimes, Dans l’urgence, il s’agit d’assurer sécurité, hébergement et soins. Parfois, il faut mettre la personne à l’abri des proxénètes ou des réseaux : c’est le dispositif national Ac.Sé (accueil sécurisant) qui se met en branle, en liaison avec une association. Mais toutes les démarches doivent être menées de front : la personne n’a plus de pièces d’identité, plus d’argent, et il faut l’aider à accéder à un titre de séjour, et la soutenir dans une procédure judiciaire. C’est donc une assistance sociale, médicale, psychologique et juridique qu’assurent les associations, en collaboration avec la police et la justice. Dans un second temps, il s’agit d’aider la personne à cheminer vers l’autonomie, à reconstruire son identité et à trouver un travail qui permette une réinsertion.
Sur le plan international, le Protocole de Palerme, convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée, a en 2000, été une première étape, suivie en 2005, de la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains. Le Collectif Ensemble contre la traite des êtres humains a plaidé efficacement pour la ratification de ce texte par la France et sa mise en œuvre s’est notamment traduite par l’adoption, le 10 mai 2014, du premier plan d’action national contre la traite et la création d’une structure interministérielle de coordination
Ce livre montre la réalité de la traite des êtres humains qui s’attaque aux valeurs fondamentales de notre société, en niant la dignité et la liberté des personnes. Il rappelle que certains s’emploient sur un plan national et international à combattre ce fléau auquel dans son message du 1er janvier 2015 le pape François a appelé à mettre un terme.
Nous sommes tous concernés : l’intervention d’un témoin qui signale une possible situation de traite à une association peut être précieuse, à condition d’être menée avec discrétion et discernement.