Le vent tourne-t-il aussi pour les migrants subsahariens en Algérie ?

En Algérie, le sujet de la migration est très sensible et facilement politisé. Il est devenu un vrai défi pour les associations de défense des Droits de l’homme, qui peinent à faire reconnaître les textes internationaux ratifiés par l’Algérie. Les personnes entrées illégalement dans le pays n’ont aucun recours de protection juridique.

Si je me réjouis actuellement de l’engagement des ami(e)s algériens pour un changement de régime politique et social dans le pays, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour mes « autres ami(e)s et frères » venus du sud du Sahara.

L’Église en Algérie (en particulier à travers les Caritas diocésaines et nationale) reste un lieu de ralliement pour beaucoup. Les migrants apportent de la vie et donnent un certain dynamisme à l’Église et celle-ci le leur rend bien. Malgré sa position délicate, et dans la limite de ses moyens (humains, financiers, et légaux), elle tente de venir en aide aux personnes en situation de migration, dans un contexte de plus en plus difficile. Mais depuis les derniers mouvements sociaux, certaines paroisses comme la cathédrale d’Oran ou Bordj El kiffan à Alger, se sont vidées de plus de la moitié de leurs paroissiens.

L’Algérie, depuis plusieurs années maintenant, est devenu un pays non plus de transit comme on avait coutume de le dire, mais par la force des politiques environnantes, un « pays d’accueil » ou plutôt de « résidence forcée » pour de nombreux migrants subsahariens. De fait, beaucoup y vivent depuis six, dix ou quatorze ans. On y voit de belles solidarités vécues entre des populations algériennes et migrantes ou réfugiées, même s’il y a aussi beaucoup de souffrance.

Invisibles

Comme me l’écrivait récemment Abdou : « Certes, le pays connaît des bouleversements politiques considérables. Mais pour nous les migrants, rien n’a changé : les rafles continuent sous le faux prétexte de la sauvegarde de la sécurité nationale et de la lutte anti-terroriste. C’est vraiment la chasse à l’homme, pour ne pas dire la chasse au migrant subsaharien, au noir quoi ! Et le pire, c’est que maintenant, certains agents de la police viennent nous chercher habillés en civil et se font passer pour des employeurs.

Comme on a besoin de travailler pour survivre, on se fait avoir comme ça. Une fois arrêté, nous sommes transportés de camp en camp, avant de nous retrouver abandonnés dans le désert. Non, ma sœur, c’est plus terrible qu’avant ; la situation n’a pas changé et je cherche même à rentrer au pays. Mais comment faire ? On ne peut même plus aller à l’église. Ni sortir acheter du pain ou du flexy1 . Avant, on disait de nous que nous étions des invisibles, mais c’est maintenant que nous sommes devenus de vrais invisibles. C’est dur ma sœur, c’est très dur ! On dirait qu’on n’est pas des humains ! ».

En effet, un bon nombre de ces migrants sont chrétiens et ils se dirigent souvent vers les paroisses, quand ils arrivent dans les grandes villes comme Tamanrasset, Oran ou Alger. L’Église catholique algérienne à la manière du « bon samaritain » les accueille et les soutient spirituellement, et lorsque la situation le nécessite, intervient grâce aux amis algériens ou à des associations pour les faire soigner. Elle est un lieu pour tous, migrants aussi bien qu’Algériens et travailleurs expatriés qui eux, sont des « migrants d’un autre standing ».

L’archevêque d’Alger aime bien parler de ses « paroisses de prison, dont les paroissiens sont plus nombreux » que dans celles des villes. C’est dire que l’Église est aussi présente aux nombreux migrants en milieu carcéral, dont beaucoup ont pour seul délit d’être sans papiers. Ses actions d’accueil, d’accompagnement et d’orientation proposées par les Caritas ou par les paroisses sont ouvertes à tous, sans distinction de culture ou de religion.

Question pour le continent africain

En Algérie, comme dans beaucoup de pays d’Afrique, il n’y a pas de dispositif d’accueil des réfugiés et cela pose question. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) fait comme il peut pour aider et protéger certaines personnes dont la situation nécessite protection.

Nangdo, qui, lui, est reconnu réfugié, me disait récemment que le HCR ne peut plus l’aider pour payer son loyer. Du coup, son bailleur l’a mis à la rue. Grâce à la générosité d’un confrère algérien qui l’a accueilli, il est logé. En retour, il peut soutenir l’activité professionnelle de ce dernier. Le peuple est parfois accueillant et peut être solidaire même si la politique et le droit ne favorisent pas ces relations.

Face à ces nouvelles que je reçois, je me pose encore des questions : à quand l’intégration africaine prônée par l’Union Africaine ? Pourtant, l’Algérie accueille beaucoup d’étudiants subsahariens et elle octroie des bourses d’étude à certains. Que penser de tout cela ? J’entendais ces jours-ci à la radio que tous les pays africains sont devenus des « pays de départ, de transit et de destination ».

Il est temps que nos pays d’Afrique prennent la mesure des choses pour traduire en actes, pour ne pas dire en droit positif, les conventions ratifiées. Une politique d’organisation de l’immigration à l’intérieur du continent s’impose. Créer des conditions d’intégration partout en Afrique limiterait sûrement toutes ces atteintes au droit concernant des populations déjà bien meurtries par les guerres et la pauvreté !