La liberté de mouvement et ses limites, un défi pour les démocraties ?
A l’occasion de la journée mondiale des droits de l’homme le 10 décembre 2021, la conférence européenne des commissions Justice et Paix (Justice & Peace Europe) souhaite partager quelques réflexions au sujet de la liberté de mouvement.
Il y a vingt ans déjà, Marcel GAUCHET1 nous avertissait que la démocratie, ayant vaincu ses ennemis extérieurs, était désormais confrontée à son plus redoutable défi : elle-même. En effet, les flux migratoires dans la foulée de ce qui a été appelé le Printemps arabe, particulièrement ces dernières semaines aux frontières de l’Europe, les tensions du Brexit et deux ans de pandémie montrent que l’exercice de certains droits fondamentaux peut en mettre d’autres à mal.
Il en est ainsi de la liberté de mouvement. Garanti par l’article 2 du 4ième protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, par l’article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que par l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme depuis 1948, ce droit fondamental est également un élément majeur de l’enseignement social catholique, souligné dans la lettre encyclique Pacem in terris de 1963.
Depuis plusieurs années néanmoins, cette liberté est fréquemment rognée au motif de la protection de la sécurité humaine ou à cause de tensions et choix politiques. Le principe de liberté de circulation et de choix du lieu de travail, d’étude ou de vie pour les citoyens européens s’est dégradé à la suite du Brexit. Usant du contexte de guerre contre la terreur, ou parfois au grès de ses humeurs, Donald Trump a déclaré certains groupes de personnes non-grata sur le territoire américain. Toutefois, au-delà des États-Unis, toutes les démocraties occidentales ont bâti des murs meurtriers à leurs frontières en violation de leur signature
de la convention sur les réfugiés de 1951, et notamment de son article 33 sur le non-refoulement. Et ce, depuis plus 20 ans. Plus récemment, il en va également, au nom de la santé publique, des mesures drastiques prises par de nombreux gouvernements pour tenter d’endiguer la propagation du SARSCoV…
Télécharger le document entier (PDF) : 211210 Declaration on Human Rights Day FR
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Il nous semble donc essentiel de réévaluer posément l’articulation entre l’ensemble de nos droits, y compris ceux d’émigrer et d’immigrer. Il est tout aussi important de le faire de façon concertée, responsable, dans des espaces de débat contradictoires respectueux. Rien ne sert d’opposer de façon stérile un droit à un autre. Par contraste, les poser en contexte et réfléchir à leurs articulations peut
nous aider à faire émerger de nouveau une hiérarchie de normes partagée que nous avons peut-être oubliée. Nos droits sont fragiles et complexes et nous devons les tisser ensemble : rappelons-nous en particulier que si la vie mérite assurément une protection, la liberté de mouvement vise parfois à la protéger.
Le Comité exécutif de Justice et Paix Europe.