Éthique sociale en Église n° 63 décembre 2023
1– Halte au discours guerrier !
° Les horreurs qui ont cours dans notre monde, notamment en Israël Palestine, nous montrent ce qu’est vraiment la guerre. Nous sommes abreuvés d’images terribles, il vaut la peine de s’interroger sur l’impact qu’elles peuvent avoir sur des enfants.
Il faut le dire : la guerre repose sur une inversion des valeurs. Il s’agit de détruire et non de construire, de tuer notamment des enfants, même si on les appelle « victimes collatérales », et non de secourir la vie fragile, Ce qu’on nomme victoire a souvent un goût amer. Il importe donc de ne pas s’habituer à la guerre, comme s’il s’agissait d’une situation normale. Il faut aussi interroger des notions courantes, par exemple le « progrès » : en temps de guerre, il désigne une plus grande efficacité dans la destruction.
° On peut s’inquiéter également de l’usage du vocabulaire guerrier dans les affaires courantes, notamment dans les relations économiques. L’inversion des valeurs risque là aussi de prendre le dessus : on cherche à s’imposer, à dominer par tous les moyens, et non à servir le bien commun. On en arrive alors à une société brutale dans laquelle les plus puissants s’arrogent le droit d’amasser à leur seul profit et d’imposer leur pouvoir, y compris dans le domaine de l’information. La civilisation, au sens de la quête d’une vie commune toujours mieux humaine, demeure fragile ; il est paradoxal de prétendre promouvoir la « civilisation » à coups de violences dans les mots et dans les actes ; la mémoire de la colonisation est en ce sens fort révélatrice : la domination brutale, pour le bien des peuples disait-on, laisse des traces aux effets délétères, aujourd’hui encore.
2 – Oui à la paix !
« Plus jamais la guerre ! » a clamé Paul VI, à l’ONU le 4 octobre 1965. Il est inquiétant que, lorsque les images de guerre s’imposent largement, ceux qui cherchent à promouvoir des solutions justes et durables soient tenus de prendre des précautions pour oser parler de « paix ». On retrouve le risque d’une inversion des priorités. On sait bien qu’une paix durable ne se bâtit pas en plantant un drapeau sur des ruines.
La paix peut s’établir grâce à un long travail au service de la justice, de telle manière que chaque personne se trouve reconnue en sa dignité et qu’elle puisse disposer des moyens de mener une vie conforme à sa dignité, de s’épanouir en humanité dans un environnement sain. La paix suppose aussi que l’on organise des solidarités effectives, à l’échelle universelle, au lieu de cultiver les emprises et les dominations. De ce point de vue, la construction de l’Union européenne peut être perçue comme exemplaire : s’unir au lieu de se faire la guerre, coopérer au lieu de s’opposer frontalement.
3 – Créer des alliances pour le bien commun
Tel est le cœur du message que François a envoyé à Dubaï pour exprimer son regret de ne pas être présent à la COP 28. Le Pape souligne également l’importance du « Pavillon de la foi« , tout premier pavillon religieux créé dans le cadre d’une conférence des Nations unies sur le changement climatique. Le message de François a été prononcé par le cardinal P. Parolin. « Aujourd’hui, le monde a besoin d’alliances qui ne soient pas contre quelqu’un, mais en faveur de tous. Il est urgent que les religions, sans tomber dans le piège du syncrétisme, donnent le bon exemple en travaillant ensemble : non pas pour leurs propres intérêts ou ceux d’un parti, mais pour les intérêts de notre monde. Parmi ceux-ci, les plus importants aujourd’hui sont la paix et le climat. Vivons en paix et promouvons la paix. Donnons l’exemple, en tant que représentants religieux, pour montrer qu’un changement est possible, pour témoigner de modes de vie respectueux et durables, et demandons d’une voix forte aux dirigeants des nations que la maison commune soit préservée. »
4 – Quel monde voulons-nous ?
+ Le Secours catholique de Vienne Deux-Sèvres a rendu compte de ses activités, elles disent quelque chose de l’état de notre pays. En un an, 5600 personnes ou familles ont été soutenues et accompagnées : la très grande pauvreté est en augmentation et elle touche principalement les femmes (3/4 des cas). Il y a les situations des familles monoparentales, des salarié(e)s à temps partiel subi, des retraité(e)s à faibles revenus.
La très grande pauvreté ne devrait pas être considérée comme une fatalité sans remède. Il en va de la dignité humaine que chacun(e) puisse disposer de revenus lui permettant de satisfaire ses besoins élémentaires. Un signe positif noté par le Secours catholique : la proposition de Territoire zéro chômeur de longue durée permet à des personnes de pouvoir développer leurs capacités au service du bien commun, tout en retrouvant une place dans la société ; elles peuvent ainsi relever la tête, être reconnue dans leur dignité, à commencer dans leur environnement proche.
+ Un groupement d’associations humanitaires a recensé plus de 2800 enfants à la rue en France, dont 700 de moins de 3 ans. Une solution au moins partielle est envisagée à Paris : les reloger dans des lycées inoccupés ; mais il faut encore que diverses instances politiques s’accordent (en l’occurrence, ville et région) et que des problèmes administratifs ne viennent pas bloquer les solutions envisagées. Une question : pouvons-nous tolérer une telle situation dans un pays qui se dit développé ? L’appel de l’Abbé Pierre en 1954 demeure d’actualité. Si on dit que c’est intolérable, il est urgent de prendre les moyens efficaces de répondre à un tel scandale, y compris à moyen et long terme, avec des propositions de logement social abordable. Le pire serait un fatalisme paresseux qui trouve toujours de soi-disant « bonnes raisons » pour laisser de côté les plus pauvres.
5 – Un signe positif
Démentant les prévisions pessimistes, les dons des particuliers au profit d’associations ont augmenté de 6,3% en 2022, s’élevant à un montant d’environ 5,5 milliards €. On parle à ce propos de générosité, de philanthropie. La solidarité n’est pas un vain mot. Au soutien monétaire il est juste d’ajouter les engagements bénévoles qui représentent une contribution extraordinaire, même si tout cela n’alimente pas des colonnes de chiffres, notamment lorsqu’il s’agit des soutiens de voisinage.
Grâce aux associations humanitaires, il y a les services apportés, mais aussi un précieux accompagnement des personnes. N’oublions pas de mettre en lumière cette dimension positive de notre vie commune, aidons-nous plutôt à tenir dans les engagements, ce qui n’est pas toujours facile ; permettons aussi aux jeunes générations d’apporter leurs compétences propres et d’insuffler leur dynamisme !
La fête de Noël peut être un bon temps pour le partage !
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