Éthique sociale en Église n°29 février 2021

# DIÈSE : Un demi-ton au-dessus du bruit de fond médiatique.

1 – Identité. La situation actuelle, avec les enjeux sanitaires et les conséquences en matière économique et sociale, bouleverse nos identités. On croit se connaître, sur une base de sécurité qui permet de faire des projets et, patatras, un méchant virus vient réveiller des peurs, modifier notre rapport aux autres, obliger de s’adapter à des règles mouvantes… Les contours de notre identité deviennent plus flous. Mais les défis révèlent des forces et des capacités qui étaient jusqu’alors en mode veille ; nous découvrons la beauté de la bienveillance et de la confiance, l’importance de prendre soin les uns des autres. Des facettes méconnues de notre humanité apparaissent au grand jour.

Il est normal que l’on s’inquiète des personnes perturbées par l’affrontement à l’inconnu, la crainte d’être contaminé ou de contaminer, la fragilité professionnelle, la raréfaction des relations sociales… Mais ne tombons pas dans la surenchère victimaire qui ferait que chacun ne serait reconnu qu’en raison de son malheur. Il y a aussi les joies du quotidien qu’il faut savoir nommer, il y a les capacités d’adaptation et de rebond qui nous habitent. Bien des jeunes rencontrent des difficultés, mais ne les enfermons pas dans le statut de victimes, regardons plutôt les signes de créativité et de solidarité dont ils témoignent.

Et l’on reparle des frontières comme l’une des mesures sanitaires pour endiguer la pandémie. Mais un recours univoque à l’identité nationale a vite fait de donner des gages à l’illusion dangereuse d’une « pureté ethnique ». Nos sociétés sont plurielles, chaque jour nous voyons des gens qui, venus d’ailleurs, enrichissent notre culture, notre vie commune. Ne laissons pas de côté notre désir de rencontre au profit d’un repli frileux, d’une méfiance agressive… Même au cœur des épreuves, nous pouvons déployer nos qualités de créativité, de générosité, de solidarité fraternelle.

2 – Écologie. Rien n’est simple ! (suite)

On reparle des biocarburants comme une solution au dérèglement climatique,  notamment grâce à un produit issu du colza (le Poitou est directement concerné par la culture et la transformation de cet oléagineux). Une production végétale absorbe du CO2, mais il faut la cultiver, la récolter, la transporter, la transformer pour en faire un biocarburant ; tout cela a un coût environnemental. Selon diverses études, le bilan positif énergétique est de 1/3  à 1/2 ; il n’y a pas de carburant neutre d’un point de vue climatique.

Il faut aussi prendre en compte le coût écologique et social. La production d’huile de palme dans les pays tropicaux se fait au détriment de cultures vivrières et au prix de la destruction de forêts. Quant à la production de colza, elle a recours à des apports d’engrais et de pesticides qui ont un impact écologique non négligeable ; quand elle devient une quasi monoculture il y a des effets négatifs sur les sols et la biodiversité.

Certains diront : l’avenir, pour les déplacements, est aux véhicules électriques et à l’hydrogène, mais la production d’énergie, même électrique, a toujours un coût environnemental qui fait l’objet de débats vigoureux ! La solution la plus sûre : une réduction raisonnée de la mobilité. Cessons donc de considérer la frugalité comme un terme grossier, punitif, et de faire du mot « amish » une injure !

La limitation, même contrainte, des déplacements routiers a un effet bénéfique : il y eut 2 500 morts l’année dernière, un chiffre historiquement bas. En raison d’une diminution de la circulation sans doute, mais peut-être aussi d’un sens plus aigu du respect de la vie.

3 – Petits pas vers la paix

* Le Traité international sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), dans le cadre de l’ONU, est entré en vigueur le 22 janvier. Il vient compléter l’interdiction des autres armes de destruction massive (armes biologiques, chimiques). Sa limite : il n’oblige que les pays qui y adhèrent. Selon le mouvement Pax Christi « La France qui s’est toujours voulue le peuple porteur des valeurs de respect du droit international ne doit pas tourner le dos à ce processus de démocratie internationale et doit adhérer au TIAN. » Pourquoi une question aussi importante ne fait-elle pas l’objet de vrais débats ? (Voir l’édito de Christian MELLON, revue Projet). Les responsables politiques auraient-ils peur de l’expression du peuple ? N’oublions pas que l’esprit démocratique se nourrit en traitant des questions vitales, dont la dissuasion nucléaire.

* Les USA et la Russie viennent de prolonger pour cinq ans le traité New Start qui arrivait à son terme. Ce traité organise la réduction des armes nucléaires stratégiques entre ces deux pays qui en possèdent le plus grand nombre. Le changement de président aux États Unis clarifie les relations internationales de manière positive.

4 – Prises de conscience.

Enfin la question de l’inceste est prise au sérieux, ce qui ravive aussi les débats à propos des abus sexuels en tous genres, notamment les crimes commis envers des enfants et des femmes. On notera que la souffrance des victimes était largement déniée. Pourquoi ? Les réflexions en cours mettent l’accent sur l’esprit de domination des agresseurs. Les actes pervers relèvent d’une volonté de « toute puissance » qui s’impose d’autant plus que les auteurs disposent d’une autorité reconnue socialement. On peut être étonné des soutiens apportés à des criminels, mais il paraît encore difficile de toucher aux puissants ! On sait aussi qu’il fallait du courage pour contrer des idées à la mode, d’autant que le slogan  « jouir sans entraves » servait à étouffer le cri des victimes, à les réduire au silence. Il faut relire lucidement ces pages sombres de notre histoire et nommer certains « donneurs de leçons » comme les complices qu’ils sont effectivement.

5 – Rêves, à la manière du pape François : « Rêvons en tant qu’une seule et même humanité, comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères. » Fratelli tutti § 8

Le pape s’est associé à une initiative de l’ONU : la journée internationale de la fraternité humaine. Quand on envisage d’autres manières d’organiser la vie commune certains se gaussent, traquant ceux qu’ils nomment « doux rêveurs ». Mais leur pseudo réalisme  met en danger la vie sur terre, dévalue la solidarité et la fraternité. Alors, faisons de bons rêves pour inventer un monde nouveau ; vive l’utopie, c’est sérieux !

6En plus léger. DIÈSE est l’acronyme de « Dossier d’information : éthique sociale en Église », un demi ton en dessus ! Gerbert d’Aurillac élu pape en 999 (Sylvestre II) était musicien, il a établi les divisions musicales, dont dièse. Donc, merci à lui !

 

Rendez-vous dans un mois pour le prochain numéro de # DIÈSE