Éthique sociale en Église n°87 décembre 2025
1 – Ombres et lumières
Alors que la lumière du jour diminue et que les nuits s’allongent, les décorations associées à la préparation des fêtes de Noël mettent de la vie et de la couleur dans notre environnement. Nous avons raison d’associer Noël avec l’espérance, pour éviter de sacrifier à un désespoir cynique qui ne retient qu’injustice et violence. Mais Noël ne se réduit pas à une parenthèse de rêve. Il vaut mieux regarder en face ce qui endeuille notre monde, de manière à fonder nos résistances, en vue d’ouvrir de nouveaux possibles. La vie peut avoir un avenir, il nous revient de travailler à réaliser des avancées concernant l’humanisation de notre monde : n’en restons pas aux vœux pieux.
+ Les derniers numéros de DIÈSE ont évoqué les guerres, avec leur cortège de violences et de dénis des droits humains les plus fondamentaux ; on a dénombré 61 conflits armés dans le monde en 2024. En ce qui concerne la RDC, les conflits ont provoqué plus de 6 millions de morts en 30 ans, en raison notamment de luttes pour l’accaparement des ressources minières, des initiatives de paix semblent aujourd’hui se dessiner. Dans le même temps, des enlèvements, notamment de scolaires, se sont multipliés au Nigéria pour obtenir des rançons sans doute, mais aussi pour attiser des tensions interreligieuses : certains essaient de tirer des profits de toutes sortes en montant les populations les unes contre les autres. Au Soudan, les affrontements armés s’accompagnent de sévices envers les civils, notamment les femmes et les enfants. Plus près de nous, en Ukraine, la guerre continue, les pourparlers de paix trainent en longueur et les pays d’Europe parlent de réarmement. Il est donc particulièrement urgent de mobiliser les lumières de la paix, de manière responsable et courageuse.
+ Dans notre pays, on parle de plus en plus des violences faites aux femmes et aux enfants. Il est bon que ces problèmes majeurs soient mis au jour pour éviter de laisser les plus faibles à la merci de leurs bourreaux au sein de l’intimité familiale. Il est important qu’on parle de ces violences qui sévissent à bas bruit : un regard lucide à propos de ces situations peut être un premier pas vers la prévention. Dans le même sens, il est important que les phénomènes de harcèlement et d’emprise, au travail ou à l’école, soient mieux identifiés afin d’y remédier. Comment avancer sur le chemin du respect mutuel ? Le désir de paix qui s’exprime particulièrement au temps de Noël peut venir humaniser aussi les relations du quotidien.
2 – Dignité humaine
Face aux défis du moment, les discours qui privilégient la force et la puissance semblent s’imposer comme les « valeurs » dominantes. Certains se plaisent à railler ceux qui se préoccupent encore de morale, ils oublient alors que la spirale de la violence risque de les emporter eux aussi. Le poids de haine engendré par les conflits actuels nourrira sans doute les tensions à venir. Posons-nous la question : si nous n’y prenons garde, n‘allons-nous pas vers une régression de notre humanité ? Pour résister, deux références majeures méritent notre attention : la justice et le respect.
La justice comprend la prise en compte de l’autre comme un partenaire, de manière à reconnaître mutuellement les droits de chacun, et avant tout le droit de vivre. Nous disposons pourtant d’une référence commune la Déclaration universelle des droits humains (1948), qui comprend aussi les droits sociaux. Or la réduction de la communauté humaine à un grand marché conduit souvent à l’exploitation des membres les plus fragiles, par exemple pour la production de vêtements ; pire encore, certains sont carrément exclus, considérés comme des déchets. Dans les conflits armés, la volonté d’humilier l’adversaire ne connaît pas de limites et là encore elle s’applique au détriment des plus fragiles. Alors que le mot de paix revient à l’occasion de Noël et du début de la nouvelle année, rappelons-nous qu’il est urgent de réveiller ce bel héritage dont nous disposons : la référence aux droits de l’homme.
Quant au respect de la dignité humaine, il est bon de le pratiquer d’abord avec les proches. Pour faire place à l’autre dans notre vie, il est bon de se rappeler la règle d’or : ne pas faire à autrui ce que je ne veux pas qu’il me fasse et, positivement, agir à son égard comme j’aimerais qu’il se comporte envers moi. Pour cela il faut apprendre à maitriser ses émotions et ses réactions, cesser de se considérer comme étant le centre du monde, mais aussi contrôler le pouvoir dont chacun dispose. Dans les relations de proximité se joue trop souvent le rapport de force le plus brutal. Positivement, une attitude de respect à l’égard d’autrui, dans l’écoute, l’accompagnement et parfois la compassion, induit une qualité de relation qui bénéficie à chacun. Le mot fraternité s’affiche sur nos édifices publics, faisons en sorte qu’il brille dans nos relations quotidiennes ! Certes, il y a aussi des actes qui appellent sanction.
3 – Prison !
DIÈSE a plusieurs fois évoqué la situation en prison pour dénoncer la surpopulation – des records étant souvent battus en ce domaine – mais aussi pour interroger sur la capacité de réinsérer dans une vie sociale correcte. Alors qu’un personnage de premier ordre de notre pays vient de connaître cette épreuve, c’est l’occasion d’en reparler.
Les évêques de France ont justement publié un communiqué à l’occasion du Jubilé des détenus (2 décembre) : « Aujourd’hui, la surpopulation carcérale atteint un seuil historique en France. Elle contribue à une prise en charge dégradée : sentiment d’humiliation, augmentation de la violence et de l’oisiveté, perte du sens du travail pour les agents pénitentiaires. Elle empêche que les personnes détenues ressortent “meilleures” qu’au moment de leur incarcération et génère ainsi plus de récidive que de sécurité. Pour la société, la prison est la sanction la plus coûteuse, non seulement financièrement mais en termes de récidive. Toute mesure qui vise à augmenter la population carcérale va à l’encontre de la sécurité de nos concitoyens. Si la Justice doit légitimement sanctionner les crimes et délits, (…) n’appréhender la sanction que comme un châtiment qui doit faire mal, réduirait la peine à déshumaniser au lieu de relever. Choisir de restaurer dans leur humanité ceux qui ont failli en les aidant à assumer leur responsabilité et à envisager un nouvel avenir, c’est l’intérêt de toute la société, à commencer par les victimes. À l’occasion du Jubilé des personnes détenues, nous tenons à rappeler que tout être humain est créé à l’image de Dieu et que la dignité qui en résulte est inaliénable, indestructible. Le “tout carcéral” est une impasse. Il existe d’autres manières de sanctionner en respectant vraiment la dignité des personnes tout en permettant un changement de comportement. (…) Désespérer de l’autre conduit à un monde infernal fait d’exclusion et de violence toujours plus grande, à une société de plus en plus fracturée. »
Téléchargez le n°87-décembre-2025 (PDF)

Dièse
Dièse