COP21 : quel chemin ouvre l’Accord et quelles suites dans l’Eglise ?
La COP 21, la conférence climat des Nations Unies qui s’est tenue du 30 novembre au 11 décembre a abouti à l’Accord de Paris le 12 décembre 2015.
Paris était un moment charnière dans l’histoire des négociations climatiques. Il était essentiel de parvenir à un accord international pour contrer l’indifférence aux atteintes portées à notre maison commune et à ses habitants et lancer une dynamique de solidarité vis-à-vis des plus vulnérables. Mais soyons lucides : tout reste à faire.
Les avancées essentielles de l’Accord de Paris
Les 195 pays participant à la COP21 ont adopté un accord universel sur la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. Cet accord revêt certains atouts mais comporte aussi des limites et des promesses d’avenir.
Cet accord est universel. Il s’agit du premier accord universel sur le climat, adopté à l’unanimité. Il constitue une véritable réussite avec un objectif commun et des engagements précis, déjà pris par la plupart des pays (187 pays sur 195) qui se sont fixé des objectifs de maîtrise de leurs émissions, en fonction de leur responsabilité climatique et de leurs moyens. Cette universalité de l’accord fait écho à l’universalité du bien commun prônée par l’Eglise.
La réussite des négociations diplomatiques conduit à une série d’objectifs ambitieux et dynamiques : alors que la communauté internationale s’était accordée à fixer le seuil de réchauffement planétaire à 2°C, le texte fixe un objectif plus ambitieux : celui de 1,5°C. Ce chiffre était une revendication des petits Etats insulaires, premières victimes potentielles face à la montée du niveau des mers, et avait été soutenu par la délégation du Vatican. L’accord prévoit également une révision des objectifs tous les 5 ans à partir de son entrée en vigueur en 2020.
Tous les Etats sont concernés, mais avec des responsabilités différenciées. L’accord parle ainsi de « réduction » des émissions pour les pays développés et d’ « atténuation » pour les pays plus pauvres. L’aide financière des pays développés pour aider les pays les plus pauvres dans leurs efforts de lutte et d’adaptation aux impacts des changements climatiques est confirmée. L’Accord signale que les 100 milliards par an constituent un plancher appelé à être relevé. De ce fait, les principes de justice climatique et de solidarité sont partiellement reconnus, mais sans aller jusqu’à la compensation ou le dédommagement des dérèglements provoqués
Ses limites et les défis à venir
Absence de moyens et de contraintes : l’objectif de ne pas dépasser le seuil de +1,5°C est ambitieux, mais pour l’instant très loin de la réalité car les engagements affichés par les Etats sont encore très insuffisants pour y arriver et les moyens pour y parvenir restent très vagues. Par ailleurs, les signataires s’obligent à respecter les dispositions du texte, mais il n’y a pas de contrainte institutionnelle ni de mécanisme pour vérifier le respect des engagements, voire sanctionner si les engagements ne sont pas revus à la hausse.
L’Accord parle de stockage du carbone plutôt que d’énergies renouvelables. Or le changement de paradigme auquel appelle Laudato Si’ ne signifie pas de l’innovation technique pour continuer à vivre de la même manière, mais de l’innovation technique et sociale pour changer la conception du progrès.
Une dynamique de foi singulière portée par Laudato Si’
La voix des religions fut un allié important dans la préparation et le déroulé du Sommet climatique de l’ONU. L’encyclique Laudato Si’ du pape François, première encyclique portant une parole spécifique sur les enjeux environnementaux en les reliant au développement humain intégral, a fortement résonné dans l’enceinte des négociations du Bourget.
« La parole de l’Eglise fut nourrie du message de Laudato Si’. Je crois qu’elle a été entendue parce qu’elle était accompagnée du témoignage de nos frères et sœurs venus d’Afrique, des Philippines, d’Amazonie et de bien d’autres régions du monde». a souligné Mgr Brunin dans sa relecture de ce qui s’est vécu dans les Eglises au cours de la COP. En mettant un visage sur ces personnes menacées au quotidien par les effets des dérèglements climatiques, les chrétiens ont pu se dire qu’en leur nom ils allaient approfondir leur conversion écologique.
Dans son discours de vœux à la Curie prononcé le 21 décembre 2015, à Rome, le pape François a redonné ses lettres de noblesse à la valeur de sobriété comme socle de cette conversion. « La sobriété est la capacité de renoncer au superflu et de résister à la logique consumériste dominante. La sobriété est prudence, simplicité, concision, équilibre et tempérance. La sobriété, c’est regarder le monde avec les yeux de Dieu et avec le regard des pauvres et de la part des pauvres. La sobriété est un style de vie, qui indique le primat de l’autre comme principe hiérarchique et exprime l’existence comme empressement et service envers les autres. Celui qui est sobre est une personne cohérente et essentielle en tout, parce qu’elle sait réduire, récupérer, recycler, réparer, et vivre avec le sens de la mesure. »
Projections dans « l’Eglise post Cop 21 »
En chemin, l’Eglise a beaucoup à faire pour mettre en pratique les objectifs de l’Accord de Paris.
Cela passe par l’implication de chaque membre de l’Eglise et par l’essor d’une dynamique collective. Quelles marges de changement existent dans nos lieux de foi pour économiser l’énergie, vivre la fraternité au plus près de la Création ?
La Cop a permis d’aiguiser les consciences, de recenser des initiatives positives, concrètes dans les diocèses, les paroisses, les communautés, les groupes de jeunes, d’écouter ce qu’avaient à nous faire partager les plus fragiles de nos communautés sur leur expertise écologique. Mutualiser ces bonnes pratiques va permettre d’inspirer d’autres initiatives créatives et porteuses de solutions. Un site autour de Laudato Si’ sera bientôt mis en ligne afin d’aider les chrétiens à concrétiser la conversion écologique à laquelle le Pape nous invite. Il proposera des outils de réflexion et des pistes concrètes d’action pour incarner cette conversion, autant au niveau de la vie de l’Eglise que de nos styles de vie. Une actualisation du texte de la CEF de 1982 intitulé « Pour de nouveaux modes de vie » est en cours d’élaboration. Un travail œcuménique sur la théologie de la création va bientôt démarrer. Et les différents mouvements chrétiens qui ont travaillé ensemble pendant la COP21 envisagent de poursuivre ce travail collectif sous des modalités qui sont encore à définir. La COP21 a ouvert une dynamique nouvelle pour la société mondiale, mais également pour l’Eglise et pour le travail inter-religieux : à nous de lui donner de la force et de l’ampleur !