François Jullien : Ressources du christianisme

Ce petit livre est la reprise d’une conférence qui s’attache à mettre en évidence la fécondité culturelle du christianisme en philosophie. L’auteur se réfère à ses domaines de compétence : la tradition grecque et la pensée chinoise.

À la différence d’une opinion qui joue l’évitement à l’égard du religieux et tout particulièrement du christianisme, il considère celui-ci comme une ressource offerte à tous, à condition qu’on cherche à la faire fructifier. Et, pour cela, il importe d’en discerner la sève profonde, au lieu d’en rester à des caricatures ressassées. Cependant, F. Jullien précise, dès la quatrième de couverture, qu’il s’intéresse aux ressources du christianisme, mais « sans y entrer par la foi » et, il affirme se tenir « dans l’en-deçà de la Résurrection » (p. 70). Le statut épistémologique de son propos est donc clair.

Il opère aussi un choix dans le corpus du Nouveau Testament en retenant l’évangile de Jean. Il note que, dès le prologue, l’accent est mis sur l’événement, le surgissement : de l’inédit est possible sous le mode de la promesse d’une Vie en plénitude. Ce qui n’a rien à voir avec un « développement personnel » qui n’est « qu’hygiène et spiritualité à bon marché » (p. 59). La Vie dont il s’agit n’est pas un simple élan vital, elle procède d’un écart qui se dit en Jean par la « dé-coïncidence » de Dieu avec lui-même pour entrer en relation (p. 73). Et la vérité dont il est question en Jean n’est pas une vérité spéculative, mais une vérité qui fait vivre, ce qui suppose un sujet qui s’y engage. Cette Vie s’accomplit dans un amour agapè qui va jusqu’au don total.

Ce travail documenté de F. Jullien permet d’évoquer de nombreuses recherches actuelles qui s’intéressent de près aux apports de la tradition chrétienne à la culture, tout en précisant que leur démarche se situe hors d’une adhésion de foi. Voilà un espace de rencontre et d’échange, de stimulation réciproque, qui appelle l’attention et le travail des croyants.

À partir d’une expérience ecclésiale, notamment dans le cadre de Justice et Paix, on peut ouvrir le questionnement. La mise à l’écart de la question de Dieu et de la Résurrection ne risque-t-elle pas de recentrer l’individu sur sa quête personnelle dans l’instant présent, au détriment d’une responsabilité sociale qui s’inscrit dans une histoire et qui, plus que jamais, doit s’ouvrir à l’avenir ? Pour les chrétiens, faire mémoire de Jésus Christ implique la reconnaissance de sa présence actuelle comme un facteur d’espérance ; celle-ci prenant corps en des engagements concrets et communs au service des plus pauvres et des générations à venir.