Paix & réconciliation au Myanmar (Birmanie)

À nos dirigeants élus dans le nouveau gouvernement, aux responsables militaires, à tous les fonctionnaires, aux chefs ethniques politiques et militaires, et à toutes les personnes de bonne volonté,

Nous, membres de Religions pour la Paix du Myanmar, en tant qu’ambassadeurs de la paix et de la réconciliation, lançons cet appel fraternel et nous unissons à vous en solidarité, dans notre engagement à travailler ensemble pour la paix sur notre terre.

 

Votre Excellence, Madame la Conseillère d’État,

Chers sœurs et frères du Myanmar,

Salutations de paix.

Au nom de Religions pour la Paix et au nom de la Fédération des Conférences Episcopales d’Asie, je vous félicite chaleureusement pour le résultat des élections générales de 2020. Les élections nationales pacifiques de novembre ont été largement reconnues comme libres et équitables. Cela donne au nouveau gouvernement le mandat et l’obligation de poursuivre les objectifs économiques et sociaux inclusifs pour lesquels il a été élu. Puis-je mentionner quelques sujets de préoccupation sur lesquels nous engageons les communautés que nous représentons. En tant que leaders de communautés confessionnelles, nous nous engageons à travailler ensemble et avec vous pour vous soutenir dans les demandes de leadership.

Nous vous exhortons à

  • Créer les conditions de la paix
  • Éliminer toute discrimination ethnique
  • Démilitariser le Myanmar
  • Rechercher des solutions politiques
  • Poursuivre la réforme des systèmes judiciaire, éducatif, social et sanitaire
  • Décentraliser la prise de décision
  • Préparer la prochaine génération

Les défis actuels du Myanmar

La pandémie mondiale déchire notre système de santé publique. Le virus a dévasté notre économie fragile. Les enfants ont manqué une année de scolarité et les études supérieures sont abandonnées. Beaucoup manquent de nourriture et ce sont les pauvres qui souffrent le plus. Toute la communauté souffre si un membre sombre dans la pauvreté. Avant la pandémie, le Myanmar était déjà confronté à une catastrophe environnementale. Avant la pandémie, de grands dommages ont été causés à notre peuple au cours des dernières décennies d’obscurité. Pourtant, ce n’est qu’en faisant face à la vérité de ce qui a été fait et de ce qui se fait que la justice peut être rendue. Grâce à votre leadership, grâce à une action politique clairvoyante et unie, le Myanmar devra relever ces défis, maintenir la paix et promouvoir un avenir prospère et dynamique. Les droits et devoirs de tous au Myanmar sont communs et notre intérêt pour le bien commun est le même.

Créer les conditions de la paix

Il n’y a personne qui ne désire la paix. Le premier devoir du nouveau gouvernement du Myanmar est de créer les conditions de la paix. Le devoir de chaque dirigeant national, qu’il soit civil ou militaire, est de s’engager en faveur de l’unité, de la paix et de la réconciliation. À tous les dirigeants civils et militaires, je plaide que soit mise de côté la recherche futile de solutions militaires. Chacun de vous a la capacité de transformer la culture politique qui divise le Myanmar. Renouvelez votre engagement à affronter les vérités de notre histoire passée. Reconnaissant ces réalités, recherchez la justice avec courage et détermination par le dialogue et la négociation. La paix ne viendra que si un esprit de leadership transparent, ouvert et responsable est inculqué dans tous les secteurs et à tous les niveaux de gouvernance.

Éliminer toute discrimination ethnique

Le Myanmar est profondément divisé selon des lignes ethniques. Il y a des raisons historiques à cela, mais ça ne devrait pas perdurer. Le passé n’a de valeur que pour comprendre le présent. Nous pouvons et devons emprunter une autre voie, la voie de la solidarité. Les conflits civils qui n’en finissent pas au Myanmar ont tous des dimensions raciales, mais les causes profondes sont politiques.

Toute personne née sur le sol du Myanmar partage le même intérêt dans l’avenir du Myanmar. Le Myanmar est immensément riche – ses habitants, ses cultures, son sol. Il est maintenant temps de grandir en tant que nation ouverte sur l’extérieur, accueillante et épanouie, qui célèbre l’unité dans la diversité. Le gouvernement a pour mission de rechercher le bien de toute personne pour qui le Myanmar est son pays. Cela ne peut se faire que par un engagement bien réfléchi dans un dialogue basé sur la confiance. Ce n’est pas un signe d’honneur que le Myanmar crée des réfugiés et des apatrides en si grand nombre.

Démilitariser le Myanmar

La guerre est le langage de la mort. Les guerres civiles sont un refus de reconnaître l’humanité de nos frères et sœurs. La violence n’engendre jamais la paix. La guerre nie l’harmonie nationale. Les fruits des conflits sont l’amertume, les divisions et les blessures qui mettent des années à guérir. Cherchez l’unité, oui, mais pas par la peur ni par la menace.

Rechercher des solutions politiques

L’histoire nous l’apprend, les diplomates et les artisans de paix le savent, qu’il n’y a jamais de solution militaire à un conflit politique. La recherche de solutions militaires ne mène qu’à une guerre sans fin, une misère sans fin. Le Myanmar en a assez ! Là où une solution politique fait défaut, tout avantage militaire est fragile. De cette manière, le déploiement élargi des Tatmadaw (forces armées birmanes) dans les zones ethniques ne peut pas amener l’unité si le dialogue politique est absent.

Réformer les systèmes judiciaire, éducatif, social et sanitaire

Les réformes déjà engagées depuis le centre sont immenses. Le mandat pour une réforme plus profonde et plus audacieuse donné à ce gouvernement, malgré les limites de la Constitution, est encore grand. Il couvre le pouvoir judiciaire, la responsabilité des militaires envers les autorités civiles, la reconstruction des systèmes d’éducation, de santé et de protection sociale, la formation des fonctionnaires à la bonne gouvernance et au leadership, l’inclusion des exclus. Le premier gouvernement civil a fait beaucoup pour mettre en place des systèmes de gouvernance au service de la population, mais nous aspirons à plus de progrès dans ces domaines essentiels. Justice différée est justice refusée. Nous nous associons solidairement à ces tâches énormes, en promettant notre bonne volonté et toute l’expertise que nous pouvons rassembler.

Décentraliser la prise de décision

La bonne gouvernance passe par la subsidiarité, la délégation. Toutes les décisions ne devraient pas être prises à Nay Pyi Taw (la capitale). Les activités de l’ensemble de la société doivent être coordonnées de manière à soutenir la vie propre des communautés locales. La délégation d’autorité doit être soutenue par une formation et une prise en charge à la fois des élus et des fonctionnaires. Elle servira à renforcer l’efficacité du leader qui délègue.

Préparer la prochaine génération

La pauvreté n’est pas seulement une condition économique, c’est le déni d’opportunités. Après des décennies de négligence, le défi auquel votre gouvernement civil est confronté est de construire pour l’avenir. Nous sommes prêts à relever ce défi avec vous. Si les jeunes ne sont pas responsabilisés par l’éducation, la pauvreté s’aggravera. La privation d’éducation est une grande plaie de la pauvreté. Cela appauvrit l’humanité d’une personne. Cela diminue leurs capacités et leur présence sociale. S’engager en faveur de l’éducation pour tous au Myanmar est cent fois plus précieux pour construire la paix que d’acheter des armes. Le Myanmar a besoin de faire confiance, d’investir et de développer sa jeunesse. Ils sont notre présent et notre avenir.

Une nouvelle ère d’unité et de solidarité

L’appel lancé à chacun de nous, en particulier à ceux qui ont la responsabilité de diriger, est d’être des artisans de paix – unir et non diviser, éteindre la haine et ne pas l’entretenir ou l’enflammer, toujours ouvrir des voies de dialogue qui réconcilieront, guériront, uniront et reconstruiront notre beau Myanmar.

Avec mes prières fraternelles, mon respect et ma solidarité pour vous et pour chaque personne dans tous les coins de notre pays,

 

Cardinal Charles Maung Bo

Archevêque de Yangon, Myanmar
Président de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC)
Président de Religions pour la Paix – Myanmar et coprésident de Religions pour la Paix International