Le 7 octobre 2023,
Israël vit avec effroi une attaque surprise sans précédant du Hamas sur son territoire. La presse du monde entier relaye en boucle, couvre et commente ce nouvel épisode dans l’histoire interminable du conflit israélo-palestinien. Il s’inscrit dans la spirale infernale et insoluble de ce conflit qui dure depuis plus de 75 ans et il est, me semble-t-il, indispensable de le rappeler.
L’opération baptisée par le Hamas « déluge d’Al Aqsa » entrainera une riposte israélienne, elle aussi, sans précédant et loin du cadre de toute légitime défense. Pourrions-nous encore en douter ?
Les images de guerre et de massacre dans les deux camps, dont nous sommes tous témoins tous les jours et quelque soit notre provenance ou l’endroit où nous résidons, viennent rappeler l’échec de notre humanité face à ce drame.
Cette situation est vécue de manière désarmante par les populations juives et arabes qui sont concernées.

Moyen-orientale, je partage ce sentiment d’impuissance que j’ai tant de fois vécu avec de nombreux amis également arabes et orientaux face à notre Orient qui se déchire.
Libanaise, je tremble pour le Liban où un front sud entre Israël et le Hezbollah s’est embrasé laissant craindre la régionalisation du conflit.
D’origine palestinienne, je vis par procuration, à travers cet énième conflit, ce que mon père et les siens ont vécu en quittant leur Palestine natale en 1948, forcés à l’exil au Liban.

Le drame palestinien – au-delà des chiffres effarants du nombre des déplacés, des morts dont tant de femmes et d’enfants confirmés par l’ONU, l’UNESCO, l’UNRWA et AMNESTY – dit notre incapacité commune à décrire une horreur indescriptible. Il dit aussi notre impuissance face à tant de violence, notre absence de solidarité (notamment au niveau des gouvernements arabes), l’absence d’une réaction internationale adéquate et courageuse face à la hauteur du drame et le nihilisme du droit international et humanitaire.

Pis encore, ce massacre qu’on a du mal à qualifier en crime de guerre ou en génocide laisse à penser cyniquement que la dignité humaine n’est pas la même partout.

Si la société israélienne se sent menacée dans son existence – ce que je peux parfaitement concevoir – les Palestiniens, eux, se voient refuser le droit d’être, ils sont réputés n’avoir jamais existé ! Contraints à l’exil ou à être réfugiés chez eux dans un territoire exsangue, morcelé par des politiques de colonisation après 75 ans de conflit, le peuple Palestinien lutte de manière continue pour se voir reconnaître le droit pas simplement au retour ou à celui d’avoir une terre, mais plus charnellement encore, le droit à l’existence.

Ce que ce conflit nous révèle, c’est que face à l’échec d’une Paix juste passant par une solution à deux États viables absolument impensable à l’heure actuelle puisque les belligérants s’opposent de manière irréductible – il est vital de rappeler que l’état permanent de guerre ne peut jamais constituer une solution – ni aujourd’hui, ni demain. Nous n’avons pas à nous résigner dans cette région du monde à la guerre comme s’il s’agissait d’un destin implacable. Ce n’est jamais le destin d’un peuple de s’habituer à des conflits.

La cause Palestinienne reste la reine des causes dans le monde arabe, qui a longtemps vibré par elle. Elle n’est ni l’apanage de l’OLP et encore moins du Hamas, la cause Palestinienne est celle d’un peuple qui n’a jamais renoncé à ses droits de vivre et de mourir sur la terre de ses aïeux et qui tient à sa culture passée et en devenir constant. De Mahmoud Darwich à Edward Saïd, le patrimoine palestinien regorge de trésors et sa qualité d’élite culturelle du monde arabe ne fait aucun doute.

Israël qui lutte aussi pour sa survie est entouré d’un univers majoritairement sunnite et musulman. S’il souhaite poursuivre dans la voie des négociations avec les pays environnants et édifier des accords de paix, il doit commencer par instaurer une paix juste avec les Palestiniens.

J’aimerai conclure ce témoignage – difficile à poser par écrit – par un appel à l’Église de France, d’œuvrer pour la reprise du dialogue là où on ne l’attend plus et d’essayer de susciter à nouveau une place pour la voix de la modération qu’on a tue, depuis longtemps.