Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

L’exercice de l’alerte relève d’une notion formée au XVIIIe siècle, la redevabilité, et de l’intérêt général. En 1972, Ralph Nader publiait un rapport whistle blowing en définissant l’alerte comme l’exercice de la responsabilité professionnelle pour une personne qui considère que l’intérêt général prévaut sur l’intérêt de l’organisation qui l’emploie, en signalant que cette dernière est engagée dans une activité corrompue, illégale, frauduleuse ou dangereuse.

Le droit d’alerte est traduit en droit du travail par la loi Sapin II. Les salariés sont en effet souvent les premiers témoins d’abus ou d’actes illicites. En valorisant des paliers de subsidiarité (sauf danger grave et imminent) au sein des organisations, la loi cherche à constituer un « statut » de lanceur d’alerte.

Mais légalisé, le droit d’alerte est disputé : la sécurisation des canaux d’alerte internes reste très insuffisante pour rendre la mise en œuvre de ce droit réellement opérationnelle pour tous.

La protection et l’accompagnement des auteurs de signalements restent faibles en pratique, exposant parfois les lanceurs d’alerte à de grandes difficultés.

Le statut « lanceur d’alerte » n’est pas encore arrivé à maturité tant du point de vue de la protection contre les représailles que de l’efficacité des dispositifs de recueil et de traitement. La loi donne ainsi au supérieur hiérarchique, direct ou indirect, la mission de recueillir le signalement.

Cet objectif correspond à la volonté de faire des entreprises elles-mêmes les garantes de leur probité. Malheureusement, les responsables peuvent être placés en situation de conflit d’intérêts ou de loyauté vis-à-vis de leur propre hiérarchie ou bien être eux-mêmes concernés par l’alerte.

La question de l’indépendance du canal interne est primordiale, ainsi que la formalisation interne d’une méthode d’alerte, avec des paliers de signalement avant décision d’ouverture d’enquête.

Pour les expatriés, ces droits d’alerte sont cruciaux mais les multinationales restent lentes à signer des accords « droit d’alerte » rendant possible l’expression des salariés ou dirigeants.
Les sanctions contre les « étouffeurs d’alerte » peuvent être désormais plus lourdes : les entreprises ou administrations qui tentent de faire taire les lanceurs d’alerte par des mesures de représailles encourent désormais 3 ans de prison.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que la protection des lanceurs d’alerte constitue, en sus de cette fonction première, un instrument important pour aider les entreprises à mieux traiter des actes illicites ou contraires à l’éthique.

Dans l’Union Européenne, 10 États sur 27 possèdent aujourd’hui une réglementation visant à protéger les lanceurs d’alerte.

Et demain ?
L’Europe pourrait rendre obligatoire, comme le préconise le CESE, la publication périodique des rapports sur les lanceurs d’alertes des États membres. Elle prévoit aussi une campagne de sensibilisation notamment à destination de la jeunesse pour faire évoluer la perception des lanceurs d’alerte.

En France, une « Maison des lanceurs d’alerte » créée en 2018, rassemble syndicats, associations pour les libertés, avocats et journalistes. Signal que l’accès à l’alerte devient plus répandu, la Maison des lanceurs d’alerte a vu le nombre de dossiers augmenter de 108 % en 2020 !

Le droit d’alerte est traduit en droit du travail par la loi Sapin I

Anne-Florence Quintin, Justice et Paix France

Illustration : Les trois personnes représentées sont Edward Snowden, Julian Assange et Chelsea Manning. La chaise vide permet de prendre la parole pour défendre les lanceurs d’alerte.
© Davide Dormino — Commons.wikimedia.org

 

 

La Commission Justice et Paix de Jérusalem […] sert de « groupe de réflexion » pour contribuer aux délibérations menées par les Ordinaires, le clergé, les religieux et les laïcs autour de questions relatives à la justice et à la paix dans les diocèses catholiques de Terre sainte. Elle cherche également à sensibiliser l’Église universelle aux problématiques qui touchent l’Église de Terre sainte. Le mandat de la CJP couvre deux domaines principaux.

Le suivi de la situation politique, sociale et économique en Terre sainte et au Moyen-Orient, en mettant l’accent sur les droits de l’homme et les questions liées à l’occupation, à la discrimination et aux inégalités.

Le suivi de la situation des Chrétiens en Terre sainte, en mettant l’accent sur les défis sociaux, politiques, économiques et culturels auxquels sont confrontés les Chrétiens en Terre sainte et dans toute la région. Les relations entre chrétiens et Musulmans, entre Chrétiens et Juifs et entre Chrétiens et autres minorités religieuses en Terre sainte et dans tout le Moyen-Orient font l’objet d’une attention toute particulière.

Aujourd’hui, dans un ouvrage en deux parties, tout récemment traduit en français, elle donne la parole aux chrétiens de Palestine.

Le document est téléchargeable ici  document complet (PDF).

[…]

La Terre sainte, berceau de la foi chrétienne, est divisée aujourd’hui entre deux réalités politiques, l’État d’Israël (établi en 1948 sur 78 % de la Palestine historique) et les territoires occupés militairement par Israël lors de la guerre de 1967 (revendiqués par les Palestiniens pour constituer un futur État de Palestine).[1] C’est ici que Jésus-Christ naquit, vécut, mourut et ressuscita d’entre les morts, accomplissant les promesses de Dieu aux patriarches, prêtres, rois, sages et prophètes de l’ancien Israël qui vivaient sur cette terre. C’est également ici que la première Église de croyants fut fondée à Jérusalem, et d’ici que partirent les apôtres pour prêcher la Bonne Nouvelle jusqu’aux confins de la terre. La Terre sainte et ses villes résonnent dans les églises du monde entier, dans les lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament, dans la liturgie et les chants. Les Chrétiens sont venus ici en pèlerins, de près ou de loin, pour renouveler et approfondir leur foi dans les lieux saints qui marquent l’histoire du salut. Depuis la première moitié du premier siècle, la Terre sainte abrite des communautés chrétiennes dont les membres ont joué un rôle central dans l’histoire de cette terre.

[1] Depuis 2012, de nombreux pays, dont le Saint-Siège, reconnaissent un État de Palestine dans les territoires occupés par Israël en 1967.

[…]

 

L’État de droit au service de la justice et de la paix
La cour constitutionnelle de Pologne, dont la majorité est aux ordres du gouvernement a, le 8 octobre rendu un arrêt: « Il a été décidé que certains articles des traités de l’Union (Européenne) étaient incompatibles avec la constitution… qui leur serait juridiquement supérieure ».

En France un candidat (dit modéré), à l’élection présidentielle, ne propose pas autre chose pour « maîtriser les flux » migratoires : « Une loi constitutionnelle qui garantira que les dispositions prises ne pourront être écartées par une juridiction… au motif des engagements internationaux de la France ». Un autre surenchérit avec moins de retenue en affirmant : «  Ce que le peuple dit haut et fort s’imposera à tout le monde, aux juges français et européens, aux biens pensants ». Souverainisme, populisme, démagogie, même combat ?

J’invite tous les « pensants-bien » à protester et à défendre l’État de droit.

Risque de dérives
La grave dérive polonaise n’a rien à voir avec les alertes qui peuvent être lancées en France. Mais attention aux propositions démagogiques qui entraineraient l’amoindrissement de l’État de droit.

De quoi parle-t-on ? Une marotte de juristes, le souvenir obsolète des textes français de 1789 ou de la Déclaration universelle des droits de l’homme (Nations unies 10.12. 1948) ? N’oublions pas que celle-ci fut proclamée pour que ne se reproduise pas la destruction systématique de millions d’humains.

L’État de droit affirme un principe d’organisation protecteur les libertés de chacun : le pouvoir est limité parce qu’il est assujetti (volontairement) à des règles fondamentales qu’il ne peut transgresser. L’État de droit exige la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La création de conditions permettant à la justice de travailler en toute indépendance et d’exercer son devoir de contrôle. Le principe de légalité qui suppose un texte officiel pour motiver toute condamnation. Enfin le fondement démocratique de notre organisation sociale

Pour protéger nos libertés
De telles orientations sont rassurantes. Comment réaliser autrement la sécurité juridique des citoyens et la paix sociale ? Compte tenu des fluctuations inévitables dans l’exercice du pouvoir, notre pays, avec bien d’autres, a, en toute souveraineté, délégué à des textes et des organes extérieurs indépendants (européens ou mondiaux), le contrôle du respect effectif des principes fondamentaux, tels que les droits de l’homme. Pour ce faire, la nation intègre dans sa réglementation quelques textes européens ou internationaux portant sur des valeurs essentielles. Elle se soumet aux organes chargés de les faire respecter. Par exemple la Cour de justice de l’Union Européenne (27 pays) ou la Cour européenne des droits de l’homme (Conseil de l’Europe 47 états).

Chaque peuple selon son génie invente aussi des modalités nationales de régulation : conseil constitutionnel dont les décisions s’imposent, organes d’alerte tels que la Défenseure les droits, les comités d’éthique, la Commission française consultative des droits de l’homme, …

Sans oublier le rôle joué par la société civile qui s’organise pour dénoncer les abus, sensibiliser le public, contribuer à l’éducation et à la formation des citoyens ; ainsi que les instances dites « morales », les églises ou les mouvements d’idées, …

Réinventer la souveraineté démocratique
L’éditorialiste de La Croix (19.10.021), constatant que «la Pologne remet en cause le socle juridique européen », lance un appel aux acteurs politiques français : « Varsovie c’est placé dans une délicate contradiction et affronte une lourde responsabilité à l’égard de sa propre nation. Avis à ceux qui voudrait importer le même débat en France ».

La démocratie française est-elle en péril parce que certains responsables politiques proposent de fissurer l’État de droit ? Aucune comparaison entre la voie autoritaire polonaise et la situation française, mais le contexte politique invite à la prudence.

Soulignant la crise de la souveraineté de l’état français et à propos des tendances populistes qui s’expriment chez nous, Pierre Rosanvallon précisait : « Nous sommes donc confrontés à un double défi : réinventer des formes de la souveraineté qui ne peuvent plus se réduire au vote ; démocratiser les autorités indépendantes ou les cours constitutionnelles » (La Croix 20 01 2020). J’ajoute, surtout ne pas les dévaloriser !

Par ailleurs le réflexe qui consiste, face aux menaces du moment (par ex. le terrorisme), à en appeler au seul bon sens populaire contre l’État de droit, est à la fois mensonger et dangereux. Mensonger par ce que l’État de droit ne paralyse en rien la lutte contre ce fléau. Bien au contraire il la justifie, en permettant à tous les citoyens d’y adhérer quels que soient leurs convictions. Dangereux parce que renoncer aux valeurs  fondamentales pour lutter contre les terroristes revient à leur donner la victoire. Ainsi, accepter de petits arrangements avec l’interdiction de la torture, sous prétexte de lutter contre les assassins, revient à adopter leur idéologie niant la dignité de l’autre.

L’urgence contre les libertés ?
À propos des menaces que génère la crise sanitaire et dans un cadre totalement différent, il est dangereux de « jouer l’urgence prolongée contre le respect des libertés ». Plusieurs associations alertent : lorsque le temps provisoire du droit de l’urgence (limitations exceptionnelles) s’éternise, ce sont les principes de l’État de droit qui risquent de disparaître. Ou d’apparaître inopportuns parce qu’inutiles ou inefficaces. Certains ont parlé, peut-être de manière excessive, d’une potion qui viendrait engourdir ou éroder quelques fonctions vitales de notre démocratie.

Les débats à propos de la loi dite de sécurité globale (Mai 2021, loi confortant le respect des principes républicains), méritent notre attention quant aux risques d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux : pouvoirs de la police, droit à la vie privée et liberté d’information. Ne soyons pas naïfs pour affronter la violence de groupements sans foi ni loi. Ce n’est pas le temps des bisounours !

Cependant les modalités de lutte contre les violences qui empoisonnent la vie sociale doivent pouvoir être mises à jour dans le respect de l’État de droit. Il propose un cadre indispensable pour inventer une réaction juste et efficace contre les dangers qui menacent l’édifice démocratique français.

La vigilance quant au respect des droits humains n’est pas un luxe. Elle s’impose d’autant plus aujourd’hui que ceux-ci ne sont plus à la mode. La Haute commissaire aux droits de l’homme (ONU) constate « le plus sévère recul des droits humains que nous n’ayons jamais vu ».

Parce qu’à travers le monde, nombre de « résistants » à la dictature envient le système français, il revient à chacun de nous de défendre l’État de droit.

*dernier ouvrage paru, Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun. Ed. Salvator