Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

En 1967, à l’issue de la guerre des six jours, Israël occupait la bande de Gaza et la Cisjordanie. Au fil des ans, la situation ne s’est guère améliorée, loin de là. Les réactions et le silence de la communauté internationale n’ont pas permis de changer le cours de l’histoire. Va-t-on assister à une disparition définitive de la Palestine ou bien au respect enfin de l’état de droit, qu’il soit avec la création sur les frontières de 1967 d’un état palestinien de plein droit, ou avec la création d’une démocratie non confessionnelle où les droits de tous seront promus et respectés ?

Une réalité tenace
En plus de 50 ans et avec le projet résolu d’un grand Israël dans la tête des dirigeants qui se sont succédés, les autorités politiques, judiciaires, administratives et militaires israéliennes ont consolidé le contrôle des territoires occupés, démantelant le territoire palestinien en une multitude d’enclaves ne communiquant pas entre elles, et détruisant son tissu social, culturel et économique. L’accaparement des terres palestiniennes, la confiscation de l’eau et la colonisation de la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est, n’a cessé de provoquer des déplacements forcés par les démolitions de maisons et des expropriations alors que les demandes de permis de construire sont quasi systématiquement refusées. Aujourd’hui, plus de 250 colonies sont établies en Cisjordanie avec une population qui dépasse 600 000 colons israéliens. L’annexion de Jérusalem Est, contraire au droit international, est un fait depuis 1980. Elle se poursuit tous les jours par des expropriations y compris dans la vieille ville, ou comme à Cheikh Jarrah en mai dernier. L’annexion de l’essentiel de la vallée du Jourdain avait été annoncée par Netanyahou qui en était resté là devant les protestations internationales, attendant d’autres opportunités. La vallée du Jourdain est déjà pratiquement annexée. La bande de Gaza a été transformée en une immense prison.

Carte conceptuelle de la Palestine et d’Israël selon
le plan de paix 2020 de Donald Trump.
Benyamin Netanyahou accepte le plan,
tandis que Mahmoud Abbas refuse
toutes négociations en ces termes.

Avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement, on aurait pu penser qu’il y aurait un infléchissement de cette politique. La politique israélienne reste axée sur l’extension de l’État Juif sur l’ensemble des territoires qu’il contrôle. La réalité du terrain confirme d’une part la poursuite, voire l’accroissement de la discrimination des populations non-juives – certains parlent d’« apartheid » – et en outre l’impossibilité concrète de la création d’un état palestinien souverain doté de tous ses droits.

« Les autorités israéliennes commettent des crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution » a déclaré Human Rights Watch dans un rapport d’avril 2021. « Cette conclusion se fonde sur une politique globale du gouvernement israélien qui vise à maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens, et sur de graves abus commis contre les Palestiniens vivant dans le territoire occupé, y compris Jérusalem-Est. »

La désespérance des populations parquées dans leurs quartiers, leurs villages et villes, dans ce qui s’apparente à des « bantoustans »,  se traduit par beaucoup d’angoisses et de résignation, l’absence d’avenir liée aux difficultés d’éducation des jeunes, mais aussi par des actes de rébellion et des éruptions de violence quasi quotidiennes dont la plus forte cette année aura été la guerre de Gaza en mai dernier.

Le monde politique au niveau local comme au niveau international semble incapable de trouver les voies d’une résolution pacifique aux violences et au conflit. Localement, le déséquilibre est si grand entre les autorités israéliennes et palestiniennes qu’aucune initiative ne peut être prise sinon par Israël. La communauté internationale s’est habituée à cette situation qui dure depuis si longtemps, et malgré les accords d’Oslo de 1995, elle semble se désintéresser de l’évolution en cours. Les accords d’Oslo, qui ont créé les 3 zones de ce qui apparaît aujourd’hui comme un démembrement de la Palestine, prévoyaient la création d’un État palestinien en 2000. Nous sommes en 2021 et rien ne laisse entrevoir cette création, bien au contraire. Israël continue de « coloniser » quotidiennement pour intégrer l’essentiel des territoires occupés de Cisjordanie.

Et pourtant, le « conflit » israélo-palestinien est politique, il implique une puissance occupante et un peuple occupé. Il y faut donc trouver une solution politique et celle-ci doit reposer sur l’application du droit international. Les paramètres d’un règlement sont connus, les résolutions des Nations Unies, le principe de l’échange de la terre contre la paix, la feuille de route du Quartet[1], l’initiative arabe de paix en ont fixé le cadre. La solution est dans la création d’un état palestinien sur les frontières de 1967 avec Jérusalem Est comme capitale.

Comment sortir de l’impasse ?
La communauté internationale ne doit pas se désintéresser d’une situation qu’elle a contribué à créer, qui n’est plus dans les médias au quotidien et qui est tellement enfoncée dans ses travers qu’elle suscite plus de sentiment d’incapacité à agir que de volonté de trouver enfin une solution juste. D’autres intérêts entrent en jeu et conduisent notamment au refus de sanctionner Israël par la suspension des accords d’association lui conférant un statut de partenaire commercial et économique privilégié par exemple.

À la suite des accords intérimaires sur la Cisjordanie
et la bande de Gaza, les Territoires palestiniens
occupés ont été scindés en trois zones.
Les zones A et B (en rouge), dites « autonomes »
sont gérées civilement par l’Autorité palestinienne
et la zone C (hachurée), incluant les colonies israéliennes
et Jérusalem-Est est administrée par Israël.

Cette politique impunie d’Israël a été régulièrement condamnée par les Nations Unies avec l’adoption au Conseil de sécurité de multiples résolutions dont la 2334 de décembre 2016 qui demandait à Israël de « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de respecter toutes ses obligations légales dans ce domaine ». Depuis des années, les diplomates européens lancent, de manière de plus en plus alarmante, le même avertissement : le développement constant de la colonisation, à Jérusalem-Est comme en Cisjordanie, met en péril mortel la «solution à deux États», seule proposition diplomatique avancée à ce jour pour résoudre, par la négociation, le conflit israélo-palestinien.

« Neve Shalom (נווה שלום) – Wahat as-Salam (واحات أس سلام) » – « Oasis de Paix »
en hébreu et en arabe – un village établi conjointement
par des Juifs et des Arabes palestiniens,
tous citoyens d’Israël. L’activité principale
du village est le travail éducatif pour la paix,
l’égalité et la compréhension entre les deux peuples.

Des organisations de la société civile, palestinienne comme israélienne, continuent de se battre pour une reconnaissance de l’égalité des droits de chacun et proposent des actions d’information et de mobilisation citoyenne concrète. Car comme en Afrique du sud, il y a quelques décennies, les pressions qu’exercent les citoyens pourraient changer la donne. Des campagnes sont menées en ce sens dans le monde comme « Made in illegality » ou encore « don’t buy into occupation » qui ciblent les produits des colonies créées sur des terres palestiniennes de manière illégale selon le droit international. Des associations cherchent à promouvoir le rejet de la violence des deux côtés et le vivre ensemble, seule voie de sortie possible dorénavant.

Accélération de la colonisation, nouvelles restrictions à la circulation des biens et des personnes pour écraser l’économie et l’agriculture palestiniennes, oppression accrue – notamment via les démolitions –, contrôle de plus en plus exclusif des ressources et du pouvoir local par l’armée israélienne et les colons, et ancrage de l’apartheid sont autant de conséquences soulevées, notamment, par l’ONG israélienne Yesh Din.

Israël a le devoir de mettre un terme à l’occupation. Mais puisqu’il ne s’y emploie pas, alors il est du devoir de tous de considérer et travailler à des alternatives. Même si cela paraît utopique, l’une d’entre elles ne serait-elle pas la création d’un état unique pour les deux peuples, avec un gouvernement représentatif et une égalité de droits pour tous les habitants, une démarche qui fasse sortir les peuples de cette région de l’opposition dans laquelle ils ont été placés par la violence et qui permette aux forces de paix de proposer et mettre en œuvre une solution pacifique ? Cette Terre sainte et la Jérusalem sainte où devraient se retrouver tous les croyants en un Dieu unique en valent bien la peine.

 

La Paix est-elle possible ?

est le titre d’un livre de la commission Justice et Paix de Terre sainte. Il présente la place et le rôle des Chrétiens de Terre sainte dans la promotion du vivre ensemble et de la paix. À lire ici sur le site justice-paix.cef.fr

Illustrations : © https://commons.wikimedia.org et © https://fr.wikipedia.org 

[1] Le quartet est composé des USA, de la Russie, de l’UE et des Nations Unies.

Une coalition gouvernementale inédite est en formation à Berlin. Les négociations aboutiront sans doute à temps pour que le futur chancelier participe au conseil européen des 16 et 17 décembre. Ce rendez-vous donnera une première indication sur la façon dont l’Allemagne assumera son rôle de première puissance économique du continent.

Le maître mot, si le chancelier est, comme attendu, Olaf Scholz, sera la continuité. Candidat du parti social-démocrate (SPD), celui-ci était ministre des finances du gouvernement sortant dirigé par Angela Merkel. Il n’a jamais dérogé au consensus en vigueur outre-Rhin sur les questions budgétaires : que ce soit pour prôner la rigueur ou, à l’inverse, pour ouvrir le chéquier et soutenir le plan de relance imaginé par la France et concocté par la Commission face au choc de la pandémie de Covid-19. Sous sa houlette, l’Allemagne continuera à se déterminer à partir de sa centralité dans les échanges économiques et politiques de l’UE. Sous Angela Merkel, cela l’a conduit à privilégier la stabilité.

Mais les temps changent. Les relations se durcissent avec les grands partenaires internationaux : la Chine pour le commerce, les États-Unis pour la sécurité, la Russie pour l’énergie. Ces trois pays continents s’écartent d’une approche mercantiliste des relations internationales, où le commerce et l’interpénétration des économies garantissent la sécurité.

L’Allemagne a constaté ces dernières années que les Européens devraient davantage penser leur avenir par eux-mêmes et pour eux-mêmes.
Une vision stratégique commune sera adoptée dans les prochains mois sous l’impulsion française. Berlin y contribue, sans partager tous les concepts développés par Paris.

Dans les prochaines années, le pays devrait rester une puissance réticente à intervenir militairement, soucieuse de défendre l’état de droit et disposée à faire beaucoup d’affaires.

Pour la France, elle est un allié sûr. Et incontournable.

Du 1er au 12 novembre 2021 se tiendra à Glasgow la COP 26. « COP » comme Conference of Parties, et « 26 » parce que ce rendez-vous mondial organisé sous l’égide de l’ONU a lieu chaque année depuis 1995 (la COP 26 était prévue pour 2020, mais la pandémie est passée par là…)

Réunissant tous les États signataires de la convention de l’ONU sur les changements climatiques[1], elle s’inscrit dans une lignée le plus souvent marquée par des résultats décevants, voire, comme pour la COP 25 de Madrid en 2019, à peu près inexistants. À ce jour, seules deux COP ont permis des avancées notables : celle de Kyoto en 1997, et plus encore celle de Paris en 2015.

Face à l’accélération de dérèglements climatiques aux effets de plus en plus spectaculaires et dévastateurs, toute la question consiste donc à savoir si Glasgow saura ou non répondre aux urgences du temps présent. Dans leur déclaration commune du 1er septembre 2021, le pape François, le patriarche Barthélémy et l’archevêque de Canterbury Justin Welby soulignent solennellement les enjeux : « nous prions pour nos dirigeants qui se réuniront à Glasgow pour décider de l’avenir de notre planète et de ses habitants. Encore une fois, nous rappelons l’Écriture : « choisissez la vie, afin que vous et vos enfants puissiez vivre » (Dt 30,19) ».

Petit retour en arrière

Le cycle des COP s’enracine dans le Sommet de Rio de 1992 : la Convention de Rio prévoyait un engagement international pour contenir le réchauffement climatique. Il ne s’agissait encore que d’une déclaration d’intentions, sans engagements précis ni contrainte d’aucune sorte, mais du moins fut-il alors décidé d’organiser chaque année une conférence de deux semaines.

Ouverte par un sommet des Chefs d’État et de gouvernement de tous les pays signataires de la Convention de Rio, et en présence – avec statut d’observateurs – de nombreuses entreprises et ONG, cette « Conférence des Parties » a pour objectif de conclure des accords en vue de lutter contre le réchauffement climatique (notamment par la réduction des émissions de gaz à effet de serre [GES]), et d’assurer le suivi de leur mise en œuvre.

Force est de reconnaître que, depuis lors, la communauté internationale n’a progressé que bien difficilement, au gré des désaccords Nord-Sud, de la résistance passive de certains, et de l’hostilité ouverte de quelques-uns (avec D. Trump, les États-Unis ont purement et simplement quitté le navire, et ne sont remontés à bord que depuis l’élection de J. Biden).

À Kyoto, en 1997, la COP 3 a certes permis une première avancée, avec la mise en place d’un mécanisme juridique contraignant les États à réduire leurs émissions de GES de 5,2 % d’ici à 2020. Mais seulement 37 pays industrialisés ont ratifié l’accord, qui de surcroît ne prévoyait aucune sanction en cas de non-respect des engagements pris.

©https://commons.wikimedia.org

Plus significatif fut le succès de la COP 21, tenue à Paris en 2015 : les Accords de Paris engagent leurs signataires à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, et si possible moins de 1,5°C, à l’horizon de 2100. Ils stipulent par ailleurs que chaque pays doit tous les ans rendre publique sa contribution à la réduction d’émission de GES, et prévoient la mise en place d’un « fonds vert » en faveur de la transition énergétique dans les pays du Sud.

Mais depuis 2015 tous les indicateurs n’ont cessé de se dégrader… Aucun pays ne s’est vraiment donné les moyens d’atteindre les objectifs fixés, et les travaux des scientifiques se font de plus en plus alarmants : publié en août 2021, le 6e rapport du GIEC précise que, en l’absence de réduction rapide et forte de nos émissions de GES, la température devrait augmenter de 1,5°C d’ici à 2030 et de 3°C à 5°C d’ici à la fin du siècle – ce qui entraînerait notamment une élévation du niveau des mers de 10 à 25 cm d’ici à 2050. Et, en septembre, la Banque mondiale a publié un rapport selon lequel 170 à 216 millions de personnes seront obligées de quitter leur foyer d’ici à 2050 du fait du changement climatique…

On mesure ainsi tout ce en quoi les échéances de Glasgow s’avèrent à la fois incertaines et cruciales !

Les enjeux de la COP 26 : quels dossiers sur la table de Glasgow ?

Ces derniers mois, des voix se sont levées pour demander un report de la COP 26, considérant que l’absence prévisible de nombreux participants des pays du Sud, en raison des difficultés d’accès à la vaccination, compromettra gravement la tenue d’une conférence réellement mondiale. Mais l’ONU a maintenu son calendrier, au nom de l’urgence absolue que revêt la situation climatique mondiale.

Il est vrai que la table des négociations sera chargée de dossiers complexes et lourds.

Globalement, la feuille de route de la COP 26 consiste à ce que la communauté internationale se donne les moyens d’atteindre les objectifs des Accords de Paris de 2015, en définissant les règles du jeu et le mode d’emploi effectif pour y parvenir.

Pour l’essentiel, les enjeux de la COP 26 se condensent en quatre points : 1) présenter des plans ambitieux de réduction des GES à l’horizon 2030 ; 2) tenir les engagements des Accords de Paris en matière d’aide aux pays les plus pauvres ; 3) s’engager sur le renforcement de la résilience aux effets des dérèglements climatiques ; 4) s’accorder sur un plan de décarbonisation de l’économie mondiale visant à atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.

La marche est haute : la dernière évaluation publiée le 17 septembre 2021 par l’ONU indique qu’au vu des plans nationaux présentés par les États à la veille de la COP (s’ils sont respectés…) la trajectoire mondiale serait celle d’un réchauffement de 2,7°C d’ici à 2100. Et à ce jour 58 pays, dont notamment la Chine et l’Inde, n’ont toujours pas communiqué leurs engagements en termes de réduction des GES.

Deux points majeurs de clivages potentiels occuperont de surcroît le devant de la scène : la question de la prise en charge financière des effets des dérèglements climatiques, et celle du « marché carbone ».

L’article 5 du projet d’accord prévoit l’instauration d’un mécanisme de soutien technique et financier aux pays et aux populations victimes des dérèglements climatiques. Ses défenseurs soulignent le fait que les effets parfois dramatiques des dérèglements affectent prioritairement les pays et les personnes qui émettent le moins de GES, mais le principe de « justice climatique » ainsi mis en avant n’est pas nécessairement admis par tous les États participant, ou tout du moins ses implications budgétaires ne le sont-elles pas… Il s’agira donc de réussir à s’accorder sinon sur l’existence de tels mécanismes, du moins sur leur ampleur concrète (en 2015, il avait été prévu un « fonds vert » de 100 milliards de dollars par an), et, de ce point de vue, rien n’est acquis.

L’article 6, quant à lui, porte sur l’instauration d’un système d’échange de droits d’émission de GES entre les pays qui en émettent trop et ceux qui en émettent moins : il s’agirait en quelque sorte de permettre aux pollueurs d’acquérir des « crédits carbone » en finançant notamment des projets de séquestration carbone. Un tel dispositif fait débat : il risque d’exonérer les pollueurs des efforts qu’ils doivent faire, et comporte des menaces pour les populations des pays pauvres (expropriation, accaparement foncier).

On le voit, il y a fort à faire ! Et ceci d’autant plus que s’impose de plus en plus la prise de conscience du besoin d’une approche plus systémique et plus globale encore : le climat, la biodiversité, la crise sanitaire, la justice sociale, tout est lié. Lors de son congrès mondial de Marseille, en septembre 2021, l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) a ainsi rappelé que « les urgences du climat et de la biodiversité ne sont pas distinctes l’une de l’autre, mais bien plutôt deux aspects d’une même crise », et que la pandémie « met en lumière le caractère insoutenable de notre rapport à la nature »… Et l’on sait bien que des mesures climatiques apparemment « justes » peuvent s’avérer profondément néfastes sur le plan humain : par exemple, la construction d’un grand barrage hydroélectrique permettra certes de réduire les émissions de GES, mais pourra entraîner l’expropriation forcée des populations locales… De la façon dont ces questions seront ou non prises en compte dépendra aussi la portée de la COP 26, comme le rappellent le Pape, le patriarche œcuménique et l’archevêque de Canterbury : « nous nous trouvons devant une justice sévère : la perte de biodiversité, la dégradation de l’environnement et le changement climatique sont les conséquences inévitables de nos actions, car nous avons avidement consommé plus de ressources de la terre que la planète ne peut en supporter.  Mais nous sommes également confrontés à une injustice profonde : les personnes qui subissent les conséquences les plus catastrophiques de ces abus sont les plus pauvres de la planète et en sont les moins responsables. Nous servons un Dieu de justice, qui se délecte de la création et crée chaque personne à l’image de Dieu, mais entend aussi le cri des pauvres. »

Partout dans le monde, chrétiens et croyants se mobilisent en ce sens : songeons par exemple à l’action du Mouvement Laudato Si’ (nouvelle appellation du Mouvement Catholique pour le Climat) et à la pétition « Santé de la terre, santé de l’humanité », ou encore à l’appel « religions pour la justice climatique » lancé par le réseau Greenfaith. Si nous savons bien que tout ne pourra pas se résoudre à coups de grand-messes médiatiques et d’effets de com, nous savons aussi que le poids des opinions publiques et des engagements citoyens n’est pas totalement sans effet sur les décisions de la communauté internationale. De notre prière et de notre action dépendront aussi le déroulement et les suites de Glasgow 2021.

[1] La COP 26 doit réunir 196 parties, 195 États et l’UE.