Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Ecologie et covid-19 : devant les ravages de la culture intensive de l’huile de palme le confinement préconisé par le président indien pourrait être une bonne nouvelle écologique, mais il se révèle d’abord comme une catastrophe pour 10 millions d’ouvriers des palmeraies en Indonésie.

Selon les fermiers des palmeraies indonésiennes, un blocage total du pays entraînerait de graves conséquences pour près de 10 millions d’entre eux. Alors que plusieurs membres du Parlement ont pressé le président Joko Widodo de renforcer les mesures et de lancer un confinement total du pays, les petits producteurs estiment qu’une telle décision risquerait d’entraîner la fermeture d’usines et des troubles graves. Le 26 mars, le président a appelé à soutenir les plus exposés en priorité : « Nous devons aider les ouvriers, les travailleurs à la journée, les fermiers, les pêcheurs et les petites entreprises pour qu’ils puissent résister. »

Les ouvriers d’une palmeraie de Riau, à Sumatra, dont la production doit être transportée vers une usine. Près de 10 millions d’entre eux risquent d’être affectés par les mesures de quarantaine annoncées par le gouvernement.

Les ouvriers des palmeraies indonésiennes et les producteurs d’huile de palme ont demandé au président Joko Widodo de ne pas imposer un confinement total du pays, comme l’ont suggéré plusieurs législateurs contre la propagation de l’épidémie du coronavirus Covid-19. Un blocage

total du pays pourrait frapper durement plus de dix millions d’agriculteurs à travers l’archipel et causer de graves troubles dans tout le pays, selon eux. Plusieurs membres du Parlement ont pressé le gouvernement indonésien d’imiter la Malaisie et les Philippines en imposant un confinement total, alors que les recommandations préventives sur les distances de sécurité à respecter n’ont pas été efficaces face à la crise sanitaire. Toutefois, le président indonésien a confié que le confinement de la population à domicile ne serait pas sa priorité. Joko Widodo a ajouté qu’il se concentrerait davantage sur diverses mesures destinées à maintenir l’économie à flot, en appelant les gouverneurs, maires et responsables locaux à fournir une alimentation d’urgence aux personnes à bas revenus. « Nous devons aider les ouvriers, les travailleurs à la journée, les fermiers, les pêcheurs et les petites entreprises pour qu’ils puissent résister », a déclaré le président Widodo le 26 mars. Selon une déclaration du groupe Indonesian Palm Oil Farmer Union, le syndicat principal représentant les palmeraies du pays, « un confinement total compliquerait encore plus la vie des fermiers des palmeraies, parce que cela affecterait la distribution voire même la fermeture d’usines de production d’huile de palme ». Pour l’organisation, si les fermiers s’arrêtent de travailler, les usines vont devoir fermer et les ouvriers risquent d’être frappés par la famine.

« La pandémie a entraîné la chute du prix de l’huile de palme et des exportations vers la Chine, l’Arabie Saoudite et l’Europe », a confié Mansuetus Darto, secrétaire général du syndicat. Avant la crise sanitaire, le prix des fruits des palmiers à huile était de 0,14 dollars US par kg ; mais le prix est tombé à 0,08 dollars par kg à ce jour, et il pourrait encore chuter durant les prochaines semaines. « C’est pourquoi nous supplions le gouvernement de ne pas considérer l’option d’un confinement total du pays. » Iwan Himawan, qui travaille dans une palmeraie du district de Pasir, dans le Kalimantan oriental, estime qu’il préfère vendre de l’huile de palme à bas coût plutôt que pas du tout. Iwan Himawan, qui possède deux hectares de palmiers à huile, explique que ce qu’il craint le plus avec un confinement total, ce sont les conflits que cela pourrait engendrer parmi la population locale. « Quand les usines de la région devront fermer, les gens seront en colère », prévient-il. Le père Frans Sani Lake, directeur de l’institut Justice, Paix et Intégrité de la Création dans la région du Kalimantan, estime que le confinement peut être appliqué à condition de respecter les besoins des fermiers et des travailleurs. « La priorité du gouvernement doit être de protéger notre peuple, en particulier les plus vulnérables comme les agriculteurs et les ouvriers à la journée », insiste le prêtre. Au 26 mars, l’Indonésie a enregistré 893 cas d’infection au Covid-19 et 78 décès.

Les dangers de l’arme nucléaire et l’obstacle que cette arme représente pour la paix ont été au cœur de récentes déclarations du pape François : au Japon le 24 novembre 2019, dans son message du 1er janvier 2020, dans son discours de vœux au Corps diplomatique le 8 janvier 2020.

Au Japon, François a réaffirmé la condamnation, ancienne, par l’Église catholique, de l’emploi de l’arme nucléaire et renouvelé celle de sa possession, prononcée le 10 novembre 2017. À Hiroshima, il a qualifié « l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins militaires » de « crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune », ajoutant que « nous aurons à en répondre ; les nouvelles générations se lèveront en juges de notre défaite, si nous nous contentons de parler de paix … en construisant de nouvelles et redoutables armes de guerre ».

Le Pape a dénoncé le double discours des dirigeants des pays dotés de l’arme nucléaire – ils parlent de paix tout en développant une stratégie de dissuasion fondée sur la terreur et la défiance mutuelle – et la faille fondamentale de cette stratégie : « Comment pouvons-nous proposer la paix si nous utilisons l’intimidation de la guerre nucléaire comme recours légitime pour résoudre les conflits ? ». Le même jour à Nagasaki, il a été explicite : « la paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute démarche fondée sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total … Elles ne sont possibles qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coopération ». Le Pape a invité à « briser la dynamique actuelle de défiance qui fait courir le risque d’un démantèlement de l’architecture internationale de contrôle des armements [1]».

Erosion du multilatéralisme

Il a souligné que « l’érosion du multilatéralisme à laquelle nous assistons est aggravée par le développement des nouvelles technologies d’armement », des armes qui « ne nous défendent pas contre les menaces de notre temps ». Et de retenir trois éléments : les effets catastrophiques de tout emploi de l’arme nucléaire sur l’humanité et l’environnement, le climat d’hostilité entretenu entre les peuples par les doctrines nucléaires, le gaspillage de ressources indispensables au développement durable. Le Pape a appelé à une « conversion des consciences », en faveur d’une « culture de la vie, de la réconciliation et de la fraternité ».

Les États sont appelés à s’engager dans la voie collective et progressive du désarmement nucléaire complet et contrôlé, notamment en s’inscrivant dans la démarche d’abolition prévue par le récent traité d’interdiction des armes nucléaires, signé et ratifié par le Vatican. Le 1er janvier, François a indiqué un chemin : la mémoire. Elle invite à se garder des errements du passé, à se rappeler les choix courageux accomplis [2] et « suggère le chemin pour les choix présents et futurs en faveur de la paix ». Il souligne que « il n’y aura jamais de vraie paix tant que nous ne serons pas capables de construire un système économique plus juste, une nouvelle manière d’habiter la maison commune, d’être présents les uns aux autres, chacun dans sa diversité, de célébrer et de respecter la vie reçue et partagée, de se préoccuper des conditions et des modèles de société qui favorisent l’éclosion et la permanence de la vie dans l’avenir, de développer le bien commun de toute la famille humaine ».

Un monde sans armes nucléaires est possible

Une paix authentique se construit dans un cadre multilatéral (au premier chef l’ONU), par le dialogue et la négociation au service du bien commun international. Il faut choisir : défiance mutuelle ou coopération. Dans son discours au corps diplomatique, le Pape a indiqué : « Un monde sans armes nucléaires est possible et nécessaire… ce n’est pas la possession dissuasive de puissants moyens de destruction massive qui rend le monde plus sûr, mais plutôt le patient travail de toutes les personnes de bonne volonté qui se dévouent concrètement, chacune dans son domaine, pour édifier un monde de paix, de solidarité et de respect réciproque ».

Et de rappeler une opportunité : du 27 avril au 22 mai 2020 se tiendra à New York la Xe Conférence d’Examen du Traité de non-prolifération des armes nucléaires [3]. « Qu’à cette occasion, la Communauté internationale réussisse à trouver un consensus final et proactif sur les manières d’actualiser cet instrument juridique international, qui se révèle être encore plus important en un moment comme celui-ci ». « Tout est lié » : les progrès du désarmement nucléaire doivent accompagner la recherche d’un nouveau développement mondial solidaire et respectueux de la création.

1 Cf. Lettre n°251 (novembre 2019), p. 1-2.
2 On peut penser à ce propos à la réconciliation européenne d’après la Seconde Guerre mondiale
3 Sera évoqué le désarmement nucléaire, un des trois « piliers » de la non-prolifération avec la renonciation des États non dotés à l’arme nucléaire et leur droit à développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Un échec, notamment sur la création d’une zone libre d’armes de destruction massive au Moyen-Orient, affaiblirait encore le régime de non-prolifération lui-même.

L’Afrique interroge Laurent d’Ersu après les événements politiques récents, notamment au Soudan et en Algérie.