Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Du 21 au 23 février 2020, lors de la rencontre des secrétaires généraux des Commissions européennes Justice et Paix à Nicosie, l’archevêque maronite Youssef Soueif et son équipe ont annoncé la création officielle d’une Commission Justice et Paix chypriote. Entre rencontres académiques et visites culturelles, les délégués des quinze pays européens présents ont pris la mesure du désir de paix qui anime l’île, et des complexités géopolitiques qui bloquent tout compromis.

L’île de Chypre, à quelques encablures de la Turquie, de la Syrie et du Liban, bénéficie d’une position géostratégique exceptionnelle, et donc d’une histoire hors norme. Depuis l’antiquité, elle est l’objet de toutes les convoitises. Elle a été envahie par différents empires, parfois utilisée comme garnison militaire, occupée par égyptiens, grecs, romains, croisés, ottomans, anglais, etc. Chypre ne devient indépendante que dans les années 1960, immédiatement tiraillée entre désirs d’association à la Grèce, dont la culture imprègne le pays, et peurs justifiées des populations turcophones. Les tensions conduisent à des massacres et à des déplacements au tournant des années 70, puis à l’invasion turque. Depuis 1974, l’île est divisée par une frontière militaire, sous contrôle de l’ONU.

Chypre : conflit gelé… réactivé

La partie indépendante de Chypre est membre de l’Union Européenne (UE) ; l’autre n’est reconnue que par la Turquie. La ligne ‘verte’ traverse le centre de Nicosie comme une cicatrice faite de routes barrées et de blocs de maisons anciennes aussi magnifiques qu’abandonnées. Depuis une dizaine d’années, les autorités turques permettent le passage pour retrouver ou acquérir des propriétés, pour investir ou simplement profiter de la nature splendide du nord, entre montagnes et mer. Certaines zones restent inaccessibles, décrétées territoire militaire. Chypre est membre de l’UE, mais non de l’accord de Schengen : elle est une porte de l’Europe, sans l’être tout à fait. L’île est donc en première ligne dans deux crises majeures. La plus visible est la crise migratoire : des migrants (y compris d’Afrique francophone) viennent du Liban ou de la Turquie, puis traversent la ligne verte. Ils se retrouvent coincés sur la partie sud de l’île, qui peine à les accueillir. Cette crise en cache une autre : une bataille pour le contrôle des ressources maritimes. Depuis 2018, la Turquie impose militairement des forages d’hydrocarbures dans les eaux nord chypriotes et s’en trouve sanctionnée par l’UE. Cette crispation inquiète terriblement les habitants de l’île : beaucoup travaillent à dénouer les tensions.

Vivre la paix par le bas

L’accueil des délégués européens fûtà l’image de l’île, axé sur l’interculturel,généreux. Les échanges ont permis demesurer le dynamisme de la paix par le bas et le rôle très particulier des chrétiens maronites – la grande majorité des grecs chypriotes sont chrétiens orthodoxes – pour vivre l’harmonie entre unicité et diversité. Depuis les années 1970, la communauté chrétienne maronite a maintenu un lien fort aux villages et églises de la partie nord de l’île. Les autorités militaires turques n’ayant jamais exproprié l’Église, les maronites ont pétitionné pour rénover leurs églises, et y faire des pèlerinages dès que les autorisations le permettent. C’est une stratégie des petits pas, de la présence et de la patience. L’Église maronite investit dans la reconstruction et l’animation de villages dont la population vieillit. Dans un village du nord, Kormakitis, nous avons assisté à un concert donné par une chorale chypriote mixte chantant en grec et en turc ; nous avons croisé une équipe de football mixte, rencontré des couples qui envoient leurs enfants dans des écoles catholiques pour éviter les harangues antiturques de l’éducation nationale chypriote ; nous avons entendu parler de multiples projet bicommunaux. Il existe à Chypre une dynamique de la mixité, portée par des personnes qui donnent l’exemple du vivreensemble à leurs représentants politiques.

 

Notre planète est une planète bleue – 70 % de la surface de la Terre est couverte par les océans et les mers. C’est là que la vie est née et qu’une variété extraordinaire de créatures marines vivent, se déplacent et entretiennent la toile de la vie telle que nous la connaissons.

Les mers et les rivières ont été une source d’alimentation pour les humains et la subsistance de millions de personnes dépend de l’état de nos mers. Pourtant, cet écosystème bien équilibré est de plus en plus menacé par l’activité humaine. En mai 2019, la conférence européenne des commissions Justice et Paix (Justice et Paix Europe), avec les délégués de l’Apostolat des mers, du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, du Mouvement catholique mondial pour le climat et de Justice et Paix Danemark, ont organisé une conférence à Copenhague pour réfléchir à la relation spéciale entre les humains et la mer. Comme l’a affirmé le pape François, « l’égoïsme et l’intérêt personnel ont transformé la création, lieu de rencontre et de partage, en une arène de compétition et de conflit …  ainsi l’environnement lui-même est en danger».[1]  Cette conférence a conduit Justice et Paix Europe à centrer son action concertée annuelle 2020 sur le thème « Les mers, ce bien commun ».

 

L’état de nos océans[2]

Les impacts de notre civilisation sur nos mers ont été stupéfiants. Au cours du siècle dernier, en particulier, des volumes incalculables de déchets ont été déversés dans les océans. Loin des yeux, loin du coeur. Chaque année, environ 8 millions de tonnes de plastique sont rejetées dans la mer.[3] D’ici 2050, on estime que le poids des poissons dans l’océan sera inférieur à celui des plastiques qui y flottent.[4] Les très petits morceaux de plastique, appelés micro-plastiques, sont particulièrement nocifs, car ils sont très difficiles à récupérer et peuvent facilement être pris pour de la nourriture par les poissons. Les polluants atteignent l’océan en raison de l’activité humaine sur terre, notamment la déforestation, les pratiques agricoles non durables (par exemple, les effluents de pesticides) et l’élimination des déchets industriels en mer. La pollution par le carbone libéré dans l’atmosphère pénètre dans nos océans, entraînant une acidification qui met en danger leur biodiversité. Les eaux usées et la pollution agricole sont les principales causes de l’eutrophisation massive[5] des mers, ce qui crée des zones mortes appauvries en oxygène de la taille de pays entiers, et qui s’étendent chaque année. La surpêche a entraîné l’effondrement d’écosystèmes entiers : des zones de pêche autrefois prolifiques sont désormais dépourvues de la vie qui y prospérait. La part mondiale des stocks de poissons marins qui se situent à des niveaux biologiquement durables a diminué de 90 % en 1974 à 69 % en 2013.[6] Le chalutage en eaux profondes cause des dommages catastrophiques inconnus et indicibles à nos fonds marins, des écosystèmes entiers, voire des espèces entières (dont beaucoup restent à découvrir) étant anéantis par cette pratique irresponsable. La nécessité de prendre des mesures concrètes pour protéger nos océans n’a jamais été aussi urgente.

 

Une question humanitaire

La santé de nos océans n’est pas seulement une question écologique, mais aussi une question sociale et humanitaire : « La détérioration de l’environnement et les dégradations humaine et éthique sont étroitement liées ». La pollution et la surconsommation ont un effet direct sur les personnes dont la survie dépend de la pêche. En outre, les personnes qui travaillent en mer ont un taux de mortalité élevé en raison de la précarité de leurs conditions de travail et des abus fréquents liés aux conditions de travail et aux contrats. Des cas d’esclavage ont également été signalés.

 

Il est difficile de mentionner l’océan et de ne pas se souvenir des migrants qui, à travers les âges, ont pris la mer soit pour chercher des lieux de refuge contre les persécutions, les menaces de mort, le manque de sécurité, soit parce qu’ils aspirent à une vie meilleure. La dégradation croissante de l’environnement contribue à l’augmentation du nombre de personnes déplacées, qui fuient à la recherche de meilleures conditions de vie. Les efforts des services de sauvetage pour aider ceux dont la vie en mer est en danger doivent être soutenus et encouragés.

 

Une prise de conscience croissante

Ce déclin terrifiant de la capacité de nos océans à résister aux assauts de l’insouciance humaine et aux activités de notre civilisation attire enfin l’attention du public. La prise de conscience de celui-ci est telle que des discussions sont en cours dans divers pays du monde pour interdire certains produits nocifs. Le plastique à usage unique, qui était autrefois à peine discuté par les militants de la lutte contre les déchets, est aujourd’hui reconnu comme un produit très mal conçu de notre civilisation. En 2019, le Parlement européen a voté à une écrasante majorité l’interdiction de divers produits à usage unique d’ici 2021.[7] Cette même année commence la décennie des Nations unies (ONU) pour l’océanographie au service du développement durable 2021-2030, qui a été précédée par un certain nombre d’initiatives dans ce sens.[8]

 

Diverses autres réunions et initiatives internationales visent à la conservation des océans.  Il s’agit notamment des conférences « Nos océans », qui sont organisées chaque année au niveau mondial. En 2017, cette importante conférence a été organisée pour la première fois par l’UE à Malte et a débouché sur de nombreuses décisions importantes à plusieurs niveaux.[9]  L’UE s’est également engagée dans une politique ambitieuse de gouvernance des océans, qui prévoit 50 actions pour des océans sûrs, sécurisés, propres et gérés de manière durable.[10] La dernière conférence « Notre océan » s’est tenue en octobre 2019 à Oslo, en Norvège. La gouvernance des océans est l’un des principes fondamentaux de l’accord de Paris, un engagement signé par 185 parties en 2016 pour lutter contre le changement climatique et prendre des engagements concrets en vue d’un avenir à faible émission de carbone.[11] Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies a publié un rapport spécial sur le rôle des océans dans le changement climatique.[12]  Le rôle de l’océan dans le changement climatique a également été au cœur de la conférence de Madrid sur le climat en décembre 2019.[13] Cette importante conférence a marqué la 25e session de la Conférence des Parties (COP 25).

Action concertée de Justice & Paix Europe

Les mers sont un bien commun, et toutes les parties ont le devoir de le préserver à perpétuité. Une eau propre et non polluée est essentielle au maintien de la vie, en veillant à ce que nos océans soient propres et sûrs. Des mesures visant à préserver les océans doivent être prises à tous les niveaux,  de l’international à l’individuel, si nous voulons garantir un océan sain à nos enfants et à nous-mêmes. Comme le dit le pape François : « ‘Si le simple fait d’être humain pousse les gens à prendre soin de l’environnement dont ils font partie, les chrétiens réalisent à leur tour que leur responsabilité au sein de la création, et leur devoir envers la nature et le Créateur, sont une partie essentielle de leur foi’.  Il est bon pour l’humanité et le monde en général que nous, croyants, reconnaissions mieux les engagements écologiques qui découlent de nos convictions ».[14] Comme indiqué ci-dessous, Justice & Paix Europe préconise donc des engagements à cinq niveaux pour son action concertée de cette année.

 

Activité au niveau international

Un engagement de la communauté internationale est nécessaire pour mettre en place une gouvernance internationale efficace et garantir des océans propres, sûrs et bien gérés. Toutes les nations doivent coopérer ensemble pour convenir de règles communes, être disposées à établir de bonnes relations diplomatiques et coopérer au niveau international pour garantir la gestion durable et la sécurité des océans. Il est important que les gouvernements tiennent les engagements qu’ils ont pris lors des réunions internationales et les mettent en œuvre dans leur pays respectif.  Si la sensibilisation au problème et l’encouragement à l’action devraient donner de l’espoir, nous sommes loin de nous attaquer efficacement au problème. En général, le système actuel de gouvernance fragmentée des océans n’est pas satisfaisant.

 

  • Les mesures directes de conservation des océans comprennent la désignation de zones marines protégées. En effet, grâce à l’augmentation du nombre de celles-ci, il a été possible d’enregistrer une augmentation de la diversité marine clé de 31,2 % en 2000 à 45,7 % en 2018. Cette tendance montre l’efficacité de ces actions et appelle à la poursuite de l’expansion des zones marines protégées.[15] Il est donc par exemple à espérer que la commission internationale pour la protection de la vie marine en Antarctique va pouvoir se mettre d’accord sur la création d’un immense parc marin à l’est du continent. De nombreux scientifiques ont recommandé de mettre en réserve 30 % des mers d’ici 2030 dans un réseau de zones marines protégées.
  • Il est important que des quotas de pêche soient fixés et respectés. En juin 2019, 62 parties, dont l’Union européenne, ont approuvé l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’Etat du port visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, accord international contraignant pour lutter contre la pêche illégale.[16] Les réglementations et les cadres devraient aider la pêche à petite échelle à rester compétitive et à avoir accès aux services et aux marchés, car cela favorise la survie de ces pêcheurs.
  • Il est également de la responsabilité de la communauté internationale d’aider les pays qui ont du mal à fournir des services de collecte des déchets à leurs communautés. La Banque mondiale estime que la production de déchets passera de 2,01 milliards de tonnes en 2016 à 3,40 milliards de tonnes en 2050. Au moins 33 % de ces déchets sont aujourd’hui mal gérés à l’échelle mondiale dans des décharges à ciel ouvert ou brûlés. La Banque mondiale et les autres donateurs institutionnels doivent soutenir leur engagement financier et technique pour une gestion durable des déchets solides.
  • Il faut également tenir compte de la pollution créée par tous les navires de mer dont l’empreinte carbone n’est pas encore prise en compte. Le transport maritime représente au moins 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et, s’il n’est pas contrôlé, il pourrait en produire 17 % d’ici 2050.  Le secteur du transport maritime n’a pas réussi à s’entendre sur un système efficace d’autorégulation. De plus, l’Organisation maritime internationale n’a pas encore réussi à imposer une approche contenant des objectifs contraignants et il faut espérer une percée cette année.
  • Nous appelons également les gouvernements à appliquer les lois et les conventions internationales en veillant à ce que les droits des pêcheurs soient garantis. Il est impératif que ces derniers bénéficient de bonnes conditions de travail, reçoivent toute la formation et l’équipement nécessaires pour exercer leur profession avec diligence, possèdent un contrat légal avec un salaire décent et se voient garantir l’accès à des services médicaux ainsi qu’à un encadrement pastoral et une assistance juridique adéquats. Les autorités doivent écouter la voix des pêcheurs et de leurs familles.  Leur emploi doit en fin de compte viser le bien-être des pêcheurs et le bien commun des communautés.[17] Les autorités doivent faire de la conservation du littoral une priorité, car en luttant contre la dégradation de l’écosystème côtier, les villages de pêcheurs pauvres peuvent assurer leur subsistance. Les pratiques de pêche qui respectent l’environnement devraient être préférées à d’autres plus dommageables comme le chalutage.[18]

 

Niveaux européen et national

L’Union européenne et les gouvernements des États membres ont un rôle très important à jouer pour assurer le bon état des océans, en élaborant des politiques efficaces visant à la mise en œuvre effective des accords internationaux et européens.

 

  • Un changement systémique de notre modèle économique doit être mis en œuvre et poursuivi, afin que l’économie circulaire devienne enfin une réalité à l’échelle mondiale, ce qui contribuerait grandement à remédier à certaines grandes injustices de notre époque, où les déchets des pays les plus riches sont déversés dans les océans ou exportés vers les pays les moins développés qui ont peu ou pas de capacité à traiter ce matériel qui leur est envoyé. Il convient de veiller à ce que l’économie circulaire passe d’un cadre conceptuel à un modèle mis en œuvre. La Commission européenne a adopté un deuxième plan d’action pour l’économie circulaire début 2020, dont la mise en œuvre rapide contribuerait grandement à mieux protéger l’océan.
  • Les gouvernements devraient investir dans des programmes et des technologies visant à nettoyer les océans. L’océan étant la responsabilité de tous, les programmes de nettoyage ne devraient pas être laissés uniquement aux organisations bénévoles, mais devraient également être un engagement des agences gouvernementales.
  • Les gouvernements devraient également investir davantage dans la recherche et le développement, afin de continuer à améliorer l’état des océans.
  • L’Union européenne devrait jouer un rôle-clé lors de la deuxième conférence des Nations unies sur les océans, qui se tiendra en juin 2020 à Lisbonne, afin de promouvoir la mise en œuvre de la directive 14 « pour la conservation et l’utilisation durable des océans, de la mer et des ressources marines ».

 

L’ océan bénéficierait également d’incitations visant à réduire l’empreinte carbone sur les terres.

 

  • Les programmes d’éducation peuvent viser à réduire la pollution tant sur terre qu’en mer.
  • Une réglementation efficace des émissions industrielles garantit que les déchets sont traités de manière durable par l’industrie et que les émissions restent dans les limites fixées. Les gouvernements peuvent inciter le public à investir dans des ressources renouvelables. Des mesures incitatives telles que des déductions fiscales pour les installations de panneaux solaires peuvent être envisagées.
  • Alors que les Européens génèrent environ 25 millions de tonnes de déchets plastiques, moins de 30 % de ces déchets sont collectés pour être recyclés.[19] Il incombe aux différents gouvernements d’améliorer leurs installations de recyclage et de développer des programmes de recyclage plus efficaces. L’UE s’est engagée à utiliser des matériaux d’emballage en plastique recyclable d’ici 2030. L’utilisation de matériaux biodégradables pour les sacs en plastique et les mesures d’incitation visant à réduire l’utilisation du plastique, telles que le paiement des sacs en plastique (principe du pollueur-payeur), devraient être encouragées et développées.

 

Au niveau de l’Eglise locale

Comme l’a fait remarquer le pape François, « Réfléchir à l’immensité des mers et à leur mouvement incessant peut aussi représenter une occasion de tourner nos pensées vers Dieu, qui accompagne constamment sa création, en guidant son cours et en soutenant son existence ».

 

  • Nous appelons les personnes qui ont un poste à responsabilités au sein de l’Église à maintenir un intérêt pour le sujet et à donner le bon exemple aux personnes qui leur sont confiées. Il est important de maintenir de bonnes pratiques personnelles, qui soient en accord avec les principes énoncés ci-dessus.
  • Les audits des activités quotidiennes devraient être effectués de manière à modifier les comportements qui contribuent à la dégradation de l’environnement.
  • En tant qu’Église, nous ne devrions pas non plus avoir peur de plaider en faveur de la nécessaire conservation des océans dans nos programmes sociaux.

 

Les communautés et les familles

Les communautés peuvent faire beaucoup pour aider à prendre soin des océans sur un plan pratique. Nous encourageons les communautés à être proactives et à faire un effort pour prendre des mesures afin de s’assurer que l’on prenne bien soin de l’océan.

 

  • Les communautés peuvent encourager l’utilisation d’assiettes et de tasses réutilisables au lieu de tasses en plastique à usage unique lors de leurs rassemblements. L’organisation de nettoyage de plages en tant que communauté peut sensibiliser ses membres et constituer une activité efficace de renforcement de la communauté.
  • Les écoles peuvent faire beaucoup pour sensibiliser les gens en incluant le sujet dans leurs programmes d’éducation. Les concours organisés par les écoles en matière de conservation des océans peuvent aider les élèves à être proactifs dans la conception de solutions pour faire face aux problèmes liés aux océans. Les écoles peuvent également inviter des scientifiques qui travaillent dans ce domaine à donner leur expérience de première main de ce que signifie travailler à la conservation des océans et à l’éducation sur les menaces auxquelles l’océan est actuellement confronté.
  • Au niveau local, les groupes de jeunes peuvent également contribuer de manière énergique et imaginative à l’éducation de leurs paires dans ce domaine. La conservation des océans et de la mer devrait être incluse dans les programmes de formation qui mettent l’accent sur notre gestion individuelle et collective de l’ensemble de la création. Ces programmes devraient être accompagnés d’une organisation minutieuse des mesures pratiques visant à réduire, recycler et réutiliser les matériaux au centre local. Les groupes de jeunes devraient encourager des comportements proactifs et favoriser une pression positive par les pairs, par exemple lors des sorties et de l’organisation d’activités.
  • La famille est fondamentale pour donner l’exemple aux générations futures. Les familles devraient donner l’exemple aux enfants et aux autres familles. Concrètement, cela pourrait se traduire par l’utilisation de sacs biodégradables et de conteneurs recyclables lors des achats au supermarché et par un effort pour utiliser des matériaux biodégradables. Lorsque vous choisissez des nettoyants et des cosmétiques pour le visage, achetez des marques qui n’utilisent pas de microplastiques dans les processus de fabrication. Prendre soin de l’environnement devient une priorité lorsque l’on va à la plage en famille. Donnez l’exemple et ne jetez pas de déchets à la mer ou sur le rivage.

Engagement personnel

  • Il est d’une importance vitale de reconnaître que le changement commence à se produire lorsque chacun d’entre nous s’engage personnellement à prendre soin des océans. Afin d’être pleinement fidèle à l’invitation de Dieu à prendre soin des dons de la Création, chaque membre de l’Église doit consciemment assumer la responsabilité de respecter les règles et utiliser notre imagination et notre ingéniosité de manière proactive pour défendre nos océans.  Il peut s’agir d’en apprendre davantage sur les espèces marines protégées et de soutenir et/ou de rejoindre des groupes, des communautés et des organisations qui œuvrent pour la conservation des océans.  Nous invitons les particuliers à être proactifs et à mettre en place des initiatives pour aider eux-mêmes à la conservation des océans.  Une façon pratique de prendre des mesures concrètes est d’organiser ou de rejoindre des initiatives de science citoyenne afin d’aider à sauvegarder les espèces et à surveiller l’état de la mer.[20]

 

Conclusion

« Nous pouvons tous coopérer en tant qu’instruments de Dieu pour prendre soin de la création ».[21] Nous avons été créés non pas pour être des tyrans, mais au cœur d’un réseau de vie composé de millions d’espèces amoureusement réunies pour nous par notre Créateur ».[22] Prendre soin de nos océans est notre responsabilité envers nos semblables et envers les générations humaines futures.    En prenant soin des océans aujourd’hui, nous épargnons aux générations futures le prix qu’elles devront payer pour la dégradation de cette riche ressource.[23] Nous espérons que la décennie des Nations unies pour l’océanologie au service du développement durable, qui débutera en 2020, pourra devenir une décennie de changement pour un avenir meilleur. Texte de base pour l’action concertée annuelle 2020 de Justice et Paix Europe.

 

[1]Pope François pour la Journée mondiale de prière pour la création, le 1er septembre 2019 : w2.vatican.va/contenu/fr/message/2019/documenti/papa-francesco_20190901_messaggio-giornata-cura-creato.html

[2]Dans ce document, les mots « océans » et « mers » sont utilisés de manière interchangeable et font référence aux masses d’eau qui couvrent la surface de la terre. Bien que techniquement distincts, ils font tous partie de cet écosystème complexe que nous appelons notre maison

[3]Banque européenne d’investissement, Rapport, The clean ocean initiative, octobre 2019, 8 pages, https://www.eib.org/attachments/thematic/the_clean_oceans_initiative_en.pdf

[4]World Economic Forum, Ellen MacArthur Foundation and McKinsey & Company, The New Plastics Economy -Rethinking the future of plastics(2016, http://www.ellenmacarthurfoundation.org/publications)

[5]L’eutrophisation est le processus par lequel les masses d’eau s’enrichissent considérablement en nutriments, tels que les phosphates et les nitrates, entraînant une prolifération d’algues. Cela entraîne une carence en oxygène dans le système aquatique et les poissons et autres organismes commencent à mourir. Ce processus se produit normalement en raison de l’émission de détergents, d’engrais et d’eaux usées dans la masse d’eau.

[6]UN, Sustainable Development Goal Knowledge Plateform, Sustainable Development Goal 14’https://sustainabledevelopment.un.org/sdg14

[7]Parlement européen, communiqué de presse, 27/03/2019, http://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20190321IPR32111/parliament-seals-ban-on-throwaway-plastics-by-2021

[8]L’objectif de durabilité 14 des Nations unies porte sur la durabilité des océans. Il figure au chapitre 17 de l’Agenda 21, un engagement adopté par plus de 178 gouvernements lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED) à Rio de Janeiro, au Brésil, en 1992, pour agir sur l’impact humain sur l’environnement.  Les engagements envers les principes de Rio ont été réaffirmés lors du Sommet mondial sur le développement durable (SMDD), qui s’est tenu à Johannesburg, en Afrique du Sud, en 2002.    Plus de 1 360 experts ont travaillé ensemble de 2001 à 2005 afin d’évaluer les conséquences des changements dans les écosystèmes, y compris les océans, pour le bien-être de l’humanité.  En 2012, les Nations unies ont organisé la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20) au Brésil (Rio de Janeiro), qui a débouché sur le document final « L’avenir que nous voulons ».  La conservation et l’utilisation durable des océans et des mers ainsi que de leurs ressources ont été spécifiquement mentionnées comme une exigence du développement durable et leur importance reconnue pour éradiquer la pauvreté et permettre une croissance économique soutenue, la sécurité alimentaire ainsi que le maintien des moyens de subsistance et du travail décent.  La conférence a servi de point de départ au processus d’élaboration des objectifs de développement durable (SDG), y compris le SDG14 qui traite de la conservation des océans, et plus particulièrement de la « conservation et de l’utilisation durable des océans, des mers et des ressources marines pour le développement durable ».  Les ODD sont au cœur de l’Agenda 2030 pour le développement durable, le document issu du Sommet des Nations Unies de 2015 pour l’adoption de l’agenda du développement post-2015 et qui souligne la nécessité d’un développement durable à tous les niveaux afin d’éradiquer la pauvreté.

[9]Our Ocean Conference, 2017, Final Report, https://ourocean2017.org/

[10]Commission Européenne, Affaires Maritimes, https://ec.europa.eu/maritimeaffairs/policy/ocean-governance_en

[11]ONU, UNFCCC, What is Climate Change?, https://unfccc.int/process-and-meetings/the-paris-agreement/what-is-the-paris-agreement

[12]International Panel on Climate Change (IPCC), Special Report on the Ocean and the Cryosphere in a Changing Climate, https://www.ipcc.ch/report/srocc/

[13]ONU, UNFCCC, UN Climate Change Conference, December 2019, https://unfccc.int/Santiago

[14]Pape François, Encyclique Laudato Si 64.

[15]ONU, Sustainable Development Goal Knowledge Plateform, Sustainable Developement Goal 14 https://sustainabledevelopment.un.org/sdg14

[16]ONU, Food and Agriculture Organisation (FAO) , Agreement on Port State Measures, http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/legal/docs/037t-e.pd

[17]Dicastère pour la promotion du développement intégral, Le Vatican, Message on the Occasion of World Fisheries Day (Nov. 21, 2019)https://www.humantraffickingacademy.org/wp-content/uploads/2019/11/Message-Fisheries-Day-2019.pdf

[18]Organisation maritime internationale, Assemblée générale, 31ieme session régulière; Conserve and Sustainably use the oceans, seas and marine resources for Sustainable Development

[19]The Guardian, European Parliament Votes to ban single-use plastic, 27/03/2019, https://www.theguardian.com/environment/2019/mar/27/the-last-straw-european-parliament-votes-to-ban-single-use-plastics

[20]À Malte, par exemple, les campagnes « Spot the Jellyfish » et « Spot the Alien Fish » ont été deux initiatives de ce type : le citoyen scientifique est invité à signaler les méduses ou les espèces de poissons exotiques qu’il rencontre.  Ces informations peuvent ensuite être utilisées à des fins de recherche afin de comprendre comment le biote de la mer change et ce qui peut être fait pour préserver les espèces. https://foemalta.org/tag/citizen-science/

[21]Pape François (Laudato Si’, 14)

[22]Pape François ‘Message for the World Day of Prayer for Creation, 1 September 2019: w2.vatican.va/content/francesco/en/messages/2019/documenti/papa-francesco_20190901_messaggio-giornata-cura-creato.html

[23]Papa François (Laudato Si’, 159)

 

Le conflit a été avant tout le fracas de la dignité. C’est l’homme qui a été détruit. Le problème de la spiritualité commence en nous…

L’espérance est bien là. Rien de magique dans cette conviction d’un avenir possible, mais des sourires, des couleurs, de la créativité, de la mémoire et surtout l’envie de construire « la vie bonne », autrement. Oui l’espérance est au rendez-vous !

Construire une culture de la paix consiste sans doute à vouloir transformer les capacités de violence en forces de vie. Ceci par un double mouvement : d’une part se connecter (aurait dit notre chère Victoria) avec les forces vitales bien présentes en nous. D’autre part et en même temps, accueillir les souffles vitaux proposés lors des rencontres avec d’autres, avec l’Autre.
Notre aventure colombienne conviviale, colorée, joyeuse et riche nous a permis d’entrevoir ces mouvements de transformation, non seulement dans le cœur et dans la tête, mais aussi en envisageant les possibles transformations sociales, politiques, culturelles et économiques.

Quand la richesse devient don

L’or comme un merci. Pour la première fois, j’ai visité un musée de l’or (ou de bien d’autres trésors), non dans l’admiration de la valeur des objets, de la puissance qu’offre leur possession, ni dans le calcul des montants qu’ils représentent, mais en découvrant une généreuse « monnaie de reconnaissance ». Pour les indiens, l’or était à la fois précieux et rare ; il servait certes à parer leurs palais ou leurs chefs, mais il était d’abord destiné à être offert aux dieux pour leur exprimer « la reconnaissance pour la création ». Il ne s’agit donc pas de renoncer aux produits de la terre, mais de les recevoir sans appropriation exclusive, pour exprimer un merci. Féconde transformation de la possession violente en une attitude de remerciement !
Les murs dansent. Dans certains quartiers des grandes villes colombiennes, l’expression artistique était souvent considérée comme une source de profit pour les élites, ou bien au contraire ressentie comme une agression envers la propriété publique : « Défense d’afficher ». Ainsi pour le Street Art, les Tags et autres décorations. Leurs auteurs étaient punis. Aujourd’hui les autorités les invitent, la population les encourage à s’exprimer sur les murs. Ils le font souvent avec talent, originalité, nostalgie, violence et avec une touche d’espérance. Ils nous font cadeau de leur capacité artistique.
Dans un restaurant de la Communa 13, les femmes afro colombiennes, réalisent avec leur association non seulement l’accueil et le ravitaillement des touristes, mais encore des formations, souvent suivies d’embauche, pour plus pauvres qu’elles. Quand les compétences deviennent don !

Quand la mémoire devient avenir

Après les ennuis, … l’oubli ! Ce n’est pas une maxime colombienne. La mémoire participe toujours du renouveau pour ceux et celles qui furent victimes des drames. Nous voici invités, au Centre de la mémoire de Bogota, à « descendre dans le sacré ». Tandis que les fenêtres des murs versent des larmes pour tant de détresses, une femme nous accoste et nous dit avec vigueur sa douleur et sa quête après la disparition de son mari. Alors que le nombre de leaders sociaux assassinés augmente (un par jour actuellement), leur souvenir fait surgir des initiatives nouvelles tant chez les communautés paysannes que dans les quartiers chauds de la ville.
La colombe est blessée. Souvenons-nous du bronze de la Colombe de la paix offerte aux habitants de Bogota par Botero. Un attentat détruisit partiellement cette œuvre. L’artiste en offrit une nouvelle, mais en exigeant que la colombe blessée reste exposée au public.
Ils ont vécu la violence. Le sourire de Cielo dans le quartier de Moravia, l’humour joyeux de notre guide rappeur de la Communa 13, le travail sérieux des animatrices d’un « Raton » (bibliothèque familiale dans un quartier pauvre) de Medellín, ou de Graciella rentrant d’avoir animé des ateliers d’écriture pour les enfants d’Amazonie, l’engagement déterminé des amis du CINEP, de CENSAT AGUA VIVA, VAMOS MUJER ,… autant de transformations de la violence en source de progrès.
La contestation sociale mais pas la guerre. Entre mémoire et progrès se nichent l’incertitude, l’impatience, le désir, les colères et les protestations. « L’humanité est enceinte et nul ne sait ce qui naîtra » (Proverbe turc cité par Edgar Morin). La Colombie est en attente de jours nouveaux. La délivrance peut arriver. Certains analysent les grandes manifestations sociales non-violentes qui parcourent les rues des grandes villes depuis plus d’un an, comme une protestation nouvelle contre l’engagement insuffisant des autorités dans la construction de la paix. Ces mouvements, non réservés à quelques guérillas, groupes sectaires, paramilitaires ou partisans politiciens, affirment que la guerre (près de 300 000 morts, plus de 7 millions de déplacés) n’a pas tué l’espérance. Ces mouvements sociaux qui rassemblent des personnes de différents statuts et d’origine ethnique diverse, peuvent transformer la mosaïque de communautés qui constitue la Colombie (les caprices du relief qui séparent ces peuples peuvent expliquer la méfiance et l’agressivité) …. en un souffle commun vers plus de justice. Ainsi l’indifférence qui caractériserait les rapports entre les divers groupes (selon nos amis colombiens), pourrait-elle se transformer, peu à peu, en élan solidaire.

Quand les regards et les systèmes doivent changer

Changez votre regard sur la Colombie ! Les rumeurs bruissent de dangers, de drogues et de disparitions. Si cette réalité demeure, elle ne paralyse plus le pays. L’accord de paix de 2016, certains renoncements de la guérilla, les projets de justice transitionnelle n’ont pas transformé la région en un Eldorado mythique, mais ils ouvrent les portes à l’espérance.
Certains Colombiens changent aussi de regard sur leur pays et leurs concitoyens. La peur n’a pas disparue, mais elle est vaincue. La société civile (les associations partenaires du CCFD-Terre solidaire), insistent sur les pas supplémentaires à accomplir pour instituer un peu plus de justice pour tous. Comment autorités et citoyens tiendront ils leur parole tandis que tous affirment vouloir la paix ?
Pays parmi les plus inégalitaires de l’Amérique latine, la Colombie a du mal à affronter le problème de la terre. Les restitutions prévues par l’accord de paix sont difficiles à réaliser en l’absence d’un cadastre généralisé et d’une volonté politique réelle. La dimension souvent communautaire de la propriété chez les indiens, s’accorde mal avec la conception « moderne » de la propriété privée. Faut-il changer leur système ou adapter le nôtre aux traditions locales ? La terre vaut toujours davantage que son prix à l’hectare. Elle est le lieu où parlent les ancêtres, où vit la Pacha Mama, la terre mère, où se célèbrent les temps forts de l’existence. Et la modernité blesse cette terre à travers la construction de grands barrages hydroélectriques, l’extraction minière, l’appropriation brutale d’immenses superficies, l’imposition de cultures nouvelles et intensives accélérant l’épuisement des sols. Certains puissants en Europe, suggèrent au contraire un « marché du CO2 ». Ils proposent aux indiens de « figer » leur forêt, de ne plus y toucher du tout, afin de racheter l’excès de pollution par le CO2 et la déforestation que ces mêmes puissances réalisent par ailleurs. Marché de dupes ! Les indiens eux-aussi sont appelés à une certaine modernité dans leur relation à la terre et à la production agricole.
Dans le domaine social et politique comment changer de regard envers les peuples autochtones et les reconnaître comme des acteurs également décisionnels ? Comment changer le regard des habitants des villes sur les ruraux et les considérer comme des colombiens à part entière ?

Quand les plus pauvres invitent aux transformations

Plus profondément, il faut transformer certains de nos « systèmes ». Les pauvres nous indiquent des chemins nouveaux vers la vie partagée. Dans le domaine de l’éducation et de la formation, « il n’y a pas de mauvaise graine mais seulement de mauvais jardiniers », (Victor Hugo dans les Misérables). Les efforts de la Colombie dans le domaine scolaire sont remarquables et méritent d’être soutenus par la communauté internationale (cf. Le Rapport Colombie du Sénat Français, 2018).
Dans notre relation à la nature les communautés paysannes colombiennes nous rappellent que les jardiniers sont appelés non pas à dominer la terre mais à la cultiver avec patience et soin.
Comment changer le regard des hommes (riches ou pauvres) envers les femmes ? Nous avons mesuré leur courage et leur inventivité non-violente, ainsi que leurs difficultés à faire reconnaître un statut d’être humain pleinement digne et respectable.
L’accueil par la Colombie de plus d’un million de réfugiés vénézuéliens peut-il convertir les français riches et effarés par l’arrivée de quelques dizaines de milliers d’étrangers fuyant la guerre ou la misère ?
Pour la gestion des grandes cités, nous apprenons beaucoup du désenclavement de grandes zones urbaines (Medellin), où la vie n’était plus vivable, parce que contrôlées par des voleurs et des terroristes en tout genre. Ainsi a-t-on prioritairement multiplié les moyens de transport, avec métros, téléphériques, escalators, bus reliant des parties entières de la ville à son centre et mettant fin, pour des milliers d’habitants, à l’esclavage des transports interminables. La société civile et les autorités rendent vivables des lieux où l’on ne se risquait pas il y a 10 ans. Les plus pauvres appellent à changer notre regard sur la collaboration entre les décideurs et une société civile courageuse et formée.
Comment amener l’église catholique colombienne, puissance souvent alliée aux dominants, à se souvenir qu’en 1968, à Medellin une rencontre de tous les évêques latino-américains a officialisé la «  théologie de la libération ». Celle-ci incite à une lecture des textes bibliques à travers la dynamique de la libération. Libération de l’enfer de l’injustice et de la misère. Elle donne la parole aux plus pauvres et révèle une bonne nouvelle à travers l’action des communautés de base : la solidarité au service de plus d’humanité. Dans la théologie de la libération (appelée aujourd’hui par le pape François « théologie du peuple »), le visage du Père aimant et libérateur prend les traits d’un compagnon de lutte pleinement présent, engagé dans les réalités terrestres, appelant au service des plus fragiles. Les accents de cette théologie se retrouvent dans le texte récent du pape François, après le synode sur l’Amazonie : « Chère Amazonie » (Ed Bayard 2020). Transformer notre regard sur Dieu, tel est aussi le message que nous recevons de ceux que le monde riche oublie.

Quand l’espérance est partagée.

Alors surgissent en notre mémoire les chants, l’agilité, les couleurs des colibris et des innombrables volatiles. Le sourire des habitants, tout spécialement des enfants. L’inscription prémonitoire selon laquelle « La vida es sagrada » : un projet partageable par tous, tout spécialement au regard de nos inventions modernes. Le désir de réconciliation entre ceux « qui ont voulu vivre et ceux qui ont voulu tuer », ne peut-il s’exporter dans d’autres contrées ? De même le souci de l’avenir des « enfants de la paix » qui ne vécurent pas la cruauté de la guerre et qui espèrent légitimement une vie heureuse.
La beauté particulière que Botero (pour lequel je n’avais qu’un gout distant) prête aux femmes colombiennes nous invite à revisiter les canons de la beauté et à chercher ce qui se cache derrière certains codes esthétiques « dictatoriaux ».
Notre groupe fut il à son tour atteint par le goût latino-américain de la fête ? Nous, français mal vus car contagieux potentiels, nous nous mîmes à danser en public à Carthagène, au coucher du soleil caribéen provoquant tout d’abord l’étonnement puis le ravissement du public colombien présent au bord de la mer.
Nous avons croisé des arbres splendides y compris celui aux puissantes racines, fait de milliers de feuilles de papier et planté dans une exposition photographique témoignant des pleurs et des souffrances de certaines communautés. Voyons la paix, certes comme une colombe mais aussi comme un arbre tourné vers l’avenir : pour assurer le développement de ses feuilles, il se doit d’entretenir des racines profondes.
« Nous devons changer de culture et faire cesser le sprint, la course à l’argent et à la réussite individuelle. Je pense qu’après cette crise (la pandémie du Covid-19), toutes ces valeurs seront devenues obsolètes ».