Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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En 2015, les actes et menaces racistes enregistrés par le ministère de l’intérieur sont en hausse. En revanche, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) observe une progression de son indice de tolérance de la société française. (…)

 

L’indice de tolérance s’améliore

L’outil de mesure de la CNCDH est un indice longitudinal de tolérance, créé par Vincent Tiberj, docteur en science politique.
Sur la longue durée, cet indice qui reflète les réponses des personnes interrogées à une batterie de 69 questions, est en hausse. Les Français sont aujourd’hui globalement plus « ouverts aux autres » qu’ils ne l’étaient dans l’après-guerre.

Mais, récemment, ce mouvement de fond s’est interrompu. Dans le sillage de la crise économique et sociale de 2008, et en écho à la montée des populismes, l’indice de tolérance a reculé dramatiquement.

Pendant six années consécutives, la dégradation est apparue irrépressible. En 2014, toutefois, la courbe a cessé de baisser. En 2015 et 2016, elle est repartie à la hausse vers plus de tolérance. La progression est nette – 5 points – ce qui a rarement été constaté au cours d’une seule année. « Cela indique bien la spécificité de la période que la France vient de traverser ». Malgré les tentatives de l’extrême droite, l’amalgame le plus redouté, entre musulmans et djihadistes, semble avoir été évité, au moins pour l’instant.

Les actes racistes augmentent

Mais la prudence est de mise : les actes racistes connaissent une hausse sans précédent. Ces chiffres, comme le souligne chaque année la CNCDH, sont à prendre avec des pincettes. Issus des données du ministère de l’ Intérieur relevant les actions et menaces à caractère raciste, antisémite et antimusulman, ils minorent la réalité. L’évolution est catastrophique : les chiffres du ministère marquent en 2015 une augmentation de 22,4 %. « La courbe de tendance de la délinquance apparente à caractère raciste ne cesse son inquiétante ascension. »

 

Pourquoi ce contraste ?

« La psychologie sociale des émotions montre que les situations d’anxiété, comme celle provoquée par les attentats, modifient les activités mentales, amènent à remettre en cause les modes de pensée et les habitudes acquises, facilitent le réexamen critique. Le taux important de non-réponse permet d’illustrer cet ébranlement des opinions ». Des facteurs politiques profitables à la lutte contre le racisme existent : d’une part la mobilisation contre le FN et ses idées, liée aux succès électoraux de ce parti ; d’autre part le « recentrage » d’une partie de l’électorat de droite, comme en témoigne la hausse de la popularité d’Alain Juppé.

La CNCDH observe que toutes les catégories d’âge sont concernées par cette plus grande ouverture d’esprit, de même que l’ensemble des électeurs de droite ou de gauche. Autre bonne nouvelle, tous les « stigmatisés » bénéficient de cette embellie.

Quant aux opinions publiques, elles sont des plus changeantes, en fonction du contexte géopolitique, de l’actualité et de la manière dont les élites politiques, sociales et médiatiques s’emparent des débats. « Les responsabilités de ces dernières sont particulièrement importantes pour donner le ton, imposer un récit dominant », souligne le rapport. Cette année, l’institution observe « avec soulagement » une mobilisation des pouvoirs publics dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme érigée par François Hollande en « grande cause nationale ». La CNCDH apprécie les nouveaux financements du Plan national contre le racisme annoncé par Manuel Valls, mais critique la politique de communication.

Critiques et propositions

En matière d’action publique, la CNCDH critique la politique d’expulsion systématique des Roms, qui a notamment pour effet de déscolariser les enfants. À propos des réfugiés, nouvelle cible du racisme, elle dénonce les conditions « infra-humaines » dans lesquelles ils sont laissés à Calais. Autre carton noir adressé au gouvernement : la persistance des contrôles au faciès, que subissent les jeunes vivant dans les quartiers populaires.

Parmi ses recommandations, celles visant l’école arrivent au premier plan. Les établissements scolaires devraient, selon elle, être davantage le lieu de la déconstruction des préjugés. L’Éducation nationale devrait développer les débats sur des questions sensibles de façon à aider les écoliers, les collégiens et les lycéens à se construire un jugement : mise à disposition de salles de classe animées par des personnes compétentes, «  espaces de libre parole » où seraient abordés les sujets à la demande des élèves, du conflit israélo-palestinien à la laïcité en passant par l’antisémitisme et le complotisme.

De manière plus générale, la CNCDH appelle l’exécutif à se saisir de l’état d’esprit positif qu’elle décèle dans la société pour aller plus loin que les quelques mesures proposées jusqu’à présent.

Loin d’être paradisiaques, ces territoires constituent des espaces où les règles appliquées par la majorité des Etats n’ont plus lieu d’être, et en particulier la taxation fiscale.

A savoir

Dans l’imaginaire collectif, l’expression « paradis fiscal » évoque une île lointaine et enchanteresse où quelques milliardaires s’enrichissent en dormant à l’ombre des palmiers. Cette image est à la fois trompeuse et nocive. Aujourd’hui, la majorité des capitaux qui se pressent vers les paradis fiscaux proviennent des entreprises multinationales. Ces dernières créent des sociétés relais (offshore) dans des zones où les impôts sont très faibles ou même inexistants, et où l’opacité juridique, comptable et financière est notoirement propice à des flux financiers échappant aux Etats. Cette activité est légale dans ces zones « paradisiaques», mais pas toujours éthique et juste.

Une rupture du consentement à l’impôt Ces structures -relais sont chargées par leur maison mère d’aller investir dans un pays tiers. Le but de la manœuvre, pour les multinationales concernées, est ensuite de faire enregistrer leurs profits dans la comptabilité de ces filiales peu taxées, tandis que la maison mère paiera peu d’impôts dans son État de résidence, dans la mesure où elle réalise, par cette astuce comptable, un faible profit. D’après un rapport récent de l’OCDE, les Iles Vierges britanniques étaient en 2010 le deuxième investisseur principal étranger en Chine, après Hong Kong (45 %) et devant les États-Unis (4 %)…

La même année, l’île Maurice était le premier investisseur étranger en Inde (24 %), et Chypre le premier investisseur étranger en Russie (28 %) !

• Le nombre de paradis fiscaux a été multiplié par 3 en 30 ans et s’élève à environ 72 aujourd’hui.

• 150 000 sociétés offshores se créent chaque année dans quelques pays comme Panama, les îles Caïman, les îles Vierges… mais aussi au Luxembourg. • les paradis fiscaux abritent 2 fonds alternatifs sur 3 et hébergent 2 400 000 sociétés écran.

• 50 % du commerce mondial transite par les paradis fiscaux qui ne représentent pourtant que 3% du produit mondial brut.

• 50 % des prêts bancaires et 30% des investissements directs à l’étranger (IDE) internationaux sont enregistrés dans des paradis fiscaux.

• 11 000 milliards de dollars sont abrités dans les paradis fiscaux, soit cinq fois le PNB de la France.1

La conséquence est un détournement fiscal qui pénalise les Etats et, en particulier, les plus pauvres. Et les contribuables sont appelés à compenser les pertes budgétaires dues à la fraude et à l’évasion fiscale des multinationales, par exemple par le développement de la TVA. Sans parler des PME qui souffrent de la concurrence des entreprises multinationales artificiellement avantagées par leur capacité à échapper à l’impôt… C’est ainsi que 950 milliards de dollars de flux financiers illicites sortent des pays en développement en 2011, soit 13.7% de plus qu’en 2010.

Le manque à gagner en recettes fiscales correspondant à l’évasion des multinationales et à la fraude des grandes fortunes pourrait s’élever à plus de 200 milliards d’euros par an. En pourcentage du PIB, l’Afrique subsaharienne est la première victime des flux financiers illicites de capitaux, avec une perte de 5.7% en moyenne annuelle. On évalue à 1000 milliards d’euros le montant de l’évasion fiscale annuelle au sein de l’Union européenne.

On évalue à 30 à 36 milliards d’euros par an la fraude fiscale internationale en France, soit plus de 10% des recettes de l’Etat, selon la commission d’enquête du Sénat de 2012, à laquelle s’ajoute la fraude à la TVA intracommunautaire, soit au total 60 à 80 milliards d’euros de fraude estimés par Solidaires Finances Publiques.

Un mécanisme doit être pris en compte en complément de celui des paradis fiscaux : celui des prix de transfert entre les filiales d’un même groupe. Ce commerce intragroupe est régi par le principe de l’OCDE dit « de pleine concurrence », imposant de respecter les mêmes conditions que pour des échanges avec des entreprises tierces. En cas de litige entre une multinationale et une administration fiscale, le prix doit être ce qu’il serait si la transaction se faisait entre deux sociétés non filiales d’un même groupe (article 9-1 du modèle de convention fiscale de l’OCDE).

L’OCDE produit régulièrement un épais manuel à destination des entreprises et des administrations fiscales pour indiquer comment calculer ce prix de pleine concurrence, mais ces règles sont difficiles d’application.

Fraude et risque Ce secteur « offshore » se déploie à partir de l’opacité bancaire et comptable ainsi que de l’anonymat des propriétaires réels des sociétés. Les paradis fiscaux sont au centre des trafics mondiaux : corruption, criminalité, drogue, prostitution, armes, blanchiment d’argent… etc. La délinquance politique profite aussi de ces zones grises.

En Afrique notamment, elle se nourrit de commissions occultes, souvent versées par des entreprises minières ou d’énergie, en contrepartie de l’obtention de droits à exploiter. Les paradis fiscaux sont les supports d’une criminalité économique dont ils favorisent l’impunité et le développement et peuvent déstabiliser l’économie mondiale.

Raymond Baker, à la tête de l’ONG Global Financial Integrity, estime que l’argent volé, détourné et évadé, représenterait ainsi 2 % à 5 % du PIB mondial (soit 770 à 1 230 milliards d’euros) par an.

Si le système de création de sociétés -relais est légal dans les «paradis fiscaux», il n’est pas éthique, car il profite à quelques riches détenteurs de capitaux et «vole», à travers la non-déclaration de profits, les budgets nationaux. Il s’agit en fait de détournements de finances publiques par quelques privilégiés.

En moyenne, on recense 117 filiales dans les paradis fiscaux pour chacune des 50 premières entreprises européennes. Dans une étude sur 50 groupes français, il ressort qu’elles ont aux îles Caïman davantage de filiales qu’au Brésil et deux fois plus qu’en Inde. Même la Chine n’attire guère davantage que le Luxembourg2. Des millions de sociétés écrans existent dans le monde pour dissimuler l’identité des détenteurs d’un compte bancaire ou du propriétaire d’une entreprise (34 sociétés par habitant aux Iles Vierges Britanniques, 2 au Liechtenstein et aux Iles Caïman ou une dans l’Etat américain du Delaware).

L’Europe hypocrite L’Europe, qui est très active en matière de lutte contre la fraude fiscale et l’opacité financière, voit sa crédibilité entachée par la présence de paradis fiscaux au sein de ses Etats membres. Le dernier classement publié par la société civile (l’indice d’opacité financière de Tax Justice Network) fait apparaitre le Luxembourg au second rang des pays les plus nocifs, juste après la Suisse.

Par ailleurs, TJN alerte sur le fait que le Royaume Uni devrait figurer en tête de liste si l’on ajoutait les dépendances de la Couronne et ses territoires d’outre-mer. Dans le classement publié par le Forum Fiscal Mondial, le Luxembourg est le pays le plus mal noté. Viennent ensuite Chypre, l’Autriche, les Iles Vierges britanniques, les Seychelles et la Turquie, soit 3 pays membres de l’UE parmi les 6 plus mauvais élèves !

Des mécanismes de contrôle Pour faire face à la nocivité de ce secteur, des mesures sont prises à différents niveaux. Ainsi depuis 2015, les banques européennes (la France a pris cette initiative dès 2014) doivent s’expliquer sur leur présence dans chaque pays (et donc chaque paradis fiscal). Etendra-t-on la mesure aux autres secteurs ? C’est ce que demandent les ONG et les syndicats de la Plate-forme paradis fiscaux et judiciaires. Les 1548 filiales offshore des entreprises qui constituent le CAC 40 en France demandent explication.3

L’UE a, de son côté, franchi une étape décisive en adoptant une mesure de transparence comptable pays par pays pour les banques, dans le sillage de la France. Mais il y a encore du chemin à faire, en particulier la nécessité d’étendre une obligation similaire de « reporting » à l’ensemble des entreprises. Les Etats du G20 ont annoncé qu’ils allaient adopter des mesures fortes pour mettre un terme aux pratiques fiscales les plus agressives des entreprises multinationales, qui font perdre chaque année des centaines de milliards d’euros aux pays développés et aux pays en développement. Parmi celles-ci figure le reporting pays par pays, c’est-à-dire l’obligation pour les entreprises de rendre des comptes sur les richesses qu’elles créent et les impôts qu’elles payent dans chacun des pays où elles sont présentes.

Or ces informations ne sont pour l’instant destinées qu’aux administrations fiscales ; les rendre publiques n’est pas seulement une condition incontournable de leur efficacité, mais n’a plus rien d’une utopie. Cette obligation de transparence est possible, et permet de mettre en lumière l’éventuel recours aux paradis fiscaux, information précieuse à la fois pour les citoyens, les instances de régulation, les législateurs, les administrations fiscales et les investisseurs.

L’OCDE a adopté, début 2016, un nouveau cadre de contrôle (le système BEPS) pour mieux réguler les flux financiers internationaux et adapter les règles de la fiscalité internationale aux réalités du 21° siècle. Ce système repose sur quatre normes minimales dans les domaines des pratiques fiscales dommageables, de l’utilisation abusive des conventions fiscales, des exigences de déclaration pays par pays et de l’amélioration du règlement des différends internationaux.

Les banques dans les paradis fiscaux Le rapport publié en mars 2016, En quête de transparence : sur la piste des banques françaises dans les paradis fiscaux4 par le CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France et le Secours Catholique-Caritas France, en partenariat avec la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, révèle le rôle central des paradis fiscaux dans l’activité internationale des banques françaises.

Pour la première fois en 2015, dans le cadre de la loi bancaire, les banques françaises ont rendu publiques des informations essentielles sur leurs activités et les impôts qu’elles paient dans tous les pays où elles sont implantées. Les principaux résultats de cette étude témoignent, tant de l’importance des activités menées dans les paradis fiscaux, que des spécificités de ces territoires :

• Les banques françaises déclarent un tiers de leurs bénéfices internationaux dans les paradis fiscaux. Le Luxembourg accueille à lui seul 11 % de ces bénéfices.

• Les activités des cinq banques françaises sont 60 % plus lucratives dans les paradis fiscaux que dans le reste du monde.

• Les salariés des banques étudiées sont en moyenne 2,6 fois plus productifs dans les paradis fiscaux que dans les autres pays.

• Les activités les plus risquées et spéculatives sont toujours situées dans les paradis fiscaux.

• A taux de profits égaux, les banques françaises payent deux fois moins d’impôts dans les paradis fiscaux. Dans 19 cas, les banques françaises n’y paient même aucun impôt, bien qu’elles y déclarent des bénéfices.

L’approche de Justice et Paix

Justice et Paix France est très sensibilisée à cet enjeu des paradis fiscaux qui a de forts impacts sur les plus faibles. Elle est associée à une vingtaine d’autres organisations pour faire évoluer cette injustice – CCFD – Terre solidaire, Secours catholique, Oxfam, Sherpa, Anticor, Attac, des syndicats etc. – dans le cadre de la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires5. Justice et Paix soutient ce qui conduit à une plus grande transparence du jeu économique et qui aide à une plus claire prise en compte du bien commun et de la justice. Justice et Paix favorise une prise de conscience éthique de la part des différents acteurs économiques.

Dans les pays du Sud En écho avec la doctrine sociale de l’Eglise, le souci de ne pas oublier les pays en développement est une des préoccupations majeures de Justice et Paix. Premières victimes de ces mécanismes de pillage des ressources publiques, ces pays perdent chaque année en flux illicites plus de dix fois ce qu’ils reçoivent en aide publique au développement. Le manque à gagner en recettes fiscales pour financer des politiques publiques d’éducation, de santé ou investir dans l’agriculture est considérable. Alors que les pays riches semblent découvrir les impacts nocifs des paradis fiscaux sur leurs propres économies, il ne faudrait pas que le sort des pays les plus pauvres soit relégué au second plan. Toutes les mesures envisagées pourraient être bénéfiques pour tous, à condition d’être pensées comme telles.

Prolifération L’inaction vis-à-vis des pays du Sud se révèle par ailleurs nocive, y compris pour les pays européens. Ne pas inclure les pays en développement dans les négociations internationales pourrait encourager certains territoires au Sud à devenir des paradis fiscaux. Après la Jamaïque ou le Ghana, c’est au tour du Kenya, du Cap Vert ou de la Gambie d’être tentés par une spécialisation dans la finance offshore pour attirer des capitaux et des activités. En laissant le problème simplement se déplacer, les efforts conduits par la communauté internationale seraient alors réduits à néant. L’engagement pris de mieux prendre en compte leurs préoccupations n’est cependant pas suffisant ; la création d’un organisme fiscal intergouvernemental au sein des Nations Unies semble urgente.

Des pistes pour agir

Justice et paix soutient aussi les engagements collectifs pour qu’une plus grande justice émerge : • Entreprendre les démarches proposées par la Campagne «Stop Paradis Fiscaux», menée par un réseau d’associations et de syndicats. • Appeler les dirigeants des pays du G20 à renouveler leur engagement à lutter contre les paradis fiscaux. • Inciter les collectivités locales à travailler avec des acteurs économiques qui n’ont rien à cacher dans les paradis fiscaux (comme s’y sont déjà engagés plusieurs Conseils régionaux en France)

L’action de chacun est importante et Justice et Paix suggère de : • Demander des explications à son banquier sur l’usage que fait sa banque des paradis fiscaux (outils disponibles sur le site web Stop Paradis fiscaux). • Inviter les politiques à imaginer un cadre législatif plus favorable à la transparence • S’informer en regardant par exemple les sites : www. paradisfiscaux20.com; www.stopparadisfiscaux.fr; www.transparency-france.org

Quelques références bibliographiques • Eric Vernier, Fraude fiscale et paradis fiscaux – Décrypter les pratiques pour mieux les combattre, Dunod, 2014, 192 pages. • Christian Chavagneux et Ronen Palan, Les Paradis fiscaux, La Découverte, 2012 (3e ed.), 126 p. • Mathilde Dupré, Responsabilité fiscale des entreprises, in Association d’économie financière, Rapport moral sur l’argent dans le monde, 2013, pp.141-152. • Jean Merckaert, Paradis fiscaux : l’industrie du secret, Revue Projet, n°334, 2013, pp.82-88.

• CCFD-Terre Solidaire, en partenariat avec la Revue Projet, Aux paradis des impôts perdus. Enquête sur l’opacité fiscale des 50 premières entreprises européennes, juin 2013, 28 p. • Gaël Giraud et Cécile Renouard, 20 propositions pour réformer le capitalisme, Fayard, 2012, 376 p. • Xavier Harel, La Grande Evasion : le vrai scandale des paradis fiscaux, Les liens qui libèrent, 2010, 317 p. • Antoine Peillon, 2012, Ces 600 milliards qui manquent à la France. Enquête au cœur de l’évasion fiscale, Paris, Le Seuil, 187 p. • Le dossier «Panama papers» (dans le journal Le Monde ou dans La Croix, semaine du 6 avril 2016) ; au-delà des révélations de scandales, il permet de comprendre le fonctionnement des paradis fiscaux et les ruptures de justice que ceux-ci provoquent. Ce dossier et les impacts qu’a eus sa publication montrent l’importance de l’information pour la conscientisation des citoyens en faveur d’une plus grande justice.

Pour aller plus loin

• En remplissant ma déclaration de revenus, est-ce que je cherche à minimiser l’impôt dont j’aurai à m’acquitter ? • Est-ce que je respecte toutes les règles lorsque j’emploie une personne à domicile ? • Comment se comporte mon employeur avec les services fiscaux ? • Dans le choix de ma banque et de mes produits d’épargne, suis-je vigilant sur les types de placements réalisés ?

 

ANNEXES

AU SERVICE DU BIEN COMMUN AU NOM DE LEUR FOI, LES CHRETIENS S’ENGAGENT POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE [Brochure CCFD-Terre solidaire, Justice et Paix, Ceras, Secours catholique, Paris 20116]

Extraits
L‘impôt, instrument du bien commun Sans impôt, l’État est réduit à l’impuissance, la solidarité laissée à la seule responsabilité individuelle. Le manque à gagner pour les États réduit considérablement leurs marges de manœuvre et lèse les populations les plus fragiles. Ce sont toutes les politiques de redistribution qui sont mises à mal, les services publics – santé, éducation notamment – qui ne peuvent être assurés, les investissements d’avenir qui sont obérés, le désendettement de l’État qui est rendu problématique. Pour compenser ces pertes, les États n’ont guère de solutions : augmenter les impôts sur la consommation qui pénalisent les plus pauvres ; accroître la pression fiscale sur les entreprises, mais ce sont les PME, qui n’ont pas recours aux paradis fiscaux, qui en supporteront le poids alors qu’elles sont les plus créatrices d’emplois ; s’endetter ou faire appel aux financements internationaux, trop souvent synonymes de perte de souveraineté. Face à toutes ces dérives et à leurs conséquences, il est temps de réhabiliter l’impôt pour ce qu’il doit être : un instrument au service de la solidarité et du bien commun, un outil contribuant à la construction du lien social et de la démocratie.

Ce qui est légal n’est pas toujours moral La fraude fiscale est un délit : masquer délibérément ses revenus au fisc, par exemple, est réprimé par la loi. Il est d’autres cas où la loi elle-même prévoit délibérément des dérogations au paiement de l’impôt, comme pour les dons aux associations humanitaires, le développement économique des DOM-TOM ou l’investissement dans la recherche. Entre les deux, se situe une zone grise : certains particuliers et entreprises usent et abusent de tous les interstices de la loi pour échapper à l’impôt. Parfois même, ils enfreignent la loi, mais avec une telle sophistication que le juge ne pourra pas démontrer l’illégalité de leur comportement. Notons aussi que l’usage, même légal, des paradis fiscaux revient à mêler des capitaux d’origine licite à l’argent sale des mafias qui cherchent à le blanchir. C’est ici qu’intervient l’éthique : « L’économie et la finance, en tant qu’instruments, peuvent être mal utilisées (…), ce n’est pas l’instrument qui doit être mis en cause mais l’homme, sa conscience morale et sa responsabilité personnelle et sociale » (Caritas in Veritate, 36).

 

DANS LE CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE

2407. En matière économique, le respect de la dignité humaine exige la pratique de la vertu de tempérance, pour modérer l’attachement aux biens de ce monde ; de la vertu de justice, pour préserver les droits du prochain et lui accorder ce qui lui est dû ; et de la solidarité, suivant la règle d’or et selon la libéralité du Seigneur qui « de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté » (2 Co 8, 9).

2408. Le septième commandement interdit le vol, c’est-à-dire l’usurpation du bien d’autrui contre la volonté raisonnable du propriétaire. Il n’y a pas de vol si le consentement peut être présumé ou si le refus est contraire à la raison et à la destination universelle des biens. C’est le cas de la nécessité urgente et évidente où le seul moyen de subvenir à des besoins immédiats et essentiels (nourriture, abri, vêtement …) est de disposer et d’user des biens d’autrui (cf. GS 69, § 1).

2409. Toute manière de prendre et de détenir injustement le bien d’autrui, même si elle ne contredit pas les dispositions de la loi civile, est contraire au septième commandement. Ainsi, retenir délibérément des biens prêtés ou des objets perdus ; frauder dans le commerce (cf. Dt 25, 13-16) ; payer d’injustes salaires (cf. Dt 24, 1415 ; Jc 5, 4) ; hausser les prix en spéculant sur l’ignorance ou la détresse d’autrui (cf. Am 8, 4-6). Sont encore moralement illicites : la spéculation par laquelle on agit pour faire varier artificiellement l’estimation des biens, en vue d’en tirer un avantage au détriment d’autrui ; la corruption par laquelle on détourne le jugement de ceux qui doivent prendre des décisions selon le droit ; l’appropriation et l’usage privés des biens sociaux d’une entreprise ; les travaux mal faits, la fraude fiscale, la contrefaçon des chèques et des factures, les dépenses excessives, le gaspillage. Infliger volontairement un dommage aux propriétés privées ou publiques est contraire à la loi morale et demande réparation.

2410. Les promesses doivent être tenues, et les contrats rigoureusement observés dans la mesure où l’engagement pris est moralement juste. Une part notable de la vie économique et sociale dépend de la valeur des contrats entre personnes physiques ou morales. Ainsi les contrats commerciaux de vente ou d’achat, les contrats de location ou de travail. Tout contrat doit être convenu et exécuté de bonne foi.

2411. Les contrats sont soumis à la justice commutative qui règle les échanges entre les personnes et entre les institutions, dans l’exact respect de leurs droits. La justice commutative oblige strictement ; elle exige la sauvegarde des droits de propriété, le paiement des dettes et la prestation des obligations librement contractées. Sans la justice commutative, aucune autre forme de justice n’est possible.
On distingue la justice commutative de la justice légale qui concerne ce que le citoyen doit équitablement à la communauté, et de la justice distributive qui règle ce que la communauté doit aux citoyens proportionnellement à leurs contributions et à leurs besoins.

2412. En vertu de la justice commutative, la réparation de l’injustice commise exige la restitution du bien dérobé à son propriétaire :
Jésus bénit Zachée de son engagement : « Si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple » (Lc 19, 8). Ceux qui, d’une manière directe ou indirecte, se sont emparés d’un bien d’autrui, sont tenus de le restituer, ou de rendre l’équivalent en nature ou en espèce, si la chose a disparu, ainsi que les fruits et avantages qu’en aurait légitimement obtenu son propriétaire. Sont également tenus de restituer à proportion de leur responsabilité et de leur profit tous ceux qui ont participé au vol en quelque manière, ou en ont profité en connaissance de cause ; par exemple ceux qui l’auraient ordonné, ou aidé, ou recélé.