Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Voici un ouvrage, de 140 pages, préfacé par le cardinal Etchegaray, qui a choisi une présentation originale. En effet, entre les traditionnelles questions-réponses, Guy Aurenche intercale plusieurs méditations à partir de l’Evangile.

L’auteur, qui fut, tout en assumant bien d’autres engagements, très longtemps un membre actif et efficace de Justice et Paix-France, insiste sur ses raisons d’essayer de vivre l’Evangile et souhaite faire partager son choix de la solidarité incarnée. Pour lui, sans minimiser le rôle de la prière, la rencontre avec Dieu s’opère à travers les rencontres humaines, ce qu’illustre la parabole du Bon Samaritain.

La joie de l’Evangile, invoquée dans l’encyclique Laudato Si’ du pape François dont GA remarque qu’il ne donne jamais l’impression de s’ennuyer dans son « métier de pape », est très concrète. Rien ne peut effacer la tendresse de Dieu pour ses créatures, même pas nos fautes et nos manquements. Trop d’homélies insistent sur le péché et poussent à la culpabilisation. Au contraire, les gestes de solidarité apportent la joie : l’auteur se rappelle avec gratitude la rencontre d’un prisonnier isolé, condamné à mort, en Transnistrie, qui le remercie en disant « je ne suis plus seul ».
Pour faire comprendre son itinéraire personnel, Guy Aurenche revient sur son expérience du scoutisme, puis sur son engagement, en tant qu’étudiant en Droit, au Centre St Yves.

Persuadé de l’importance de la parole et des dialogues dans la Bible, et d’une Parole de Dieu qui transforme, il attribue à cette conviction le choix de devenir avocat. La parole étant constitutive de la personne, il faut aider les plus fragiles dans notre société à se faire entendre, sans parler à leur place. Au CCFD, dont il va bientôt quitter la présidence, le même choix est fait d’accompagner les plus pauvres.

C’est à l’ACAT, fondée en 1975, et qu’il préside pendant 8 ans, avant d’avoir, 11 ans durant, la responsabilité de la Fédération Internationale des ACAT, qu’il reçoit le choc de la découverte de la torture. Dans cet univers où triomphe le Mal, ce n’est qu’en croyant à l’amour de Dieu que, plongé dans l’enfer des violences, il est possible d’éviter le désespoir. Mais, malgré le Mal qui inspire les tortionnaires, GA croit que l’enfer est « dépeuplé ». D’ailleurs, l’ACAT invite toujours à prier pour la conversion des bourreaux. Les victimes de la torture se sentent terriblement seuls, mais on sait, par les témoignages des rescapés, que souvent l’action de l’ACAT leur a permis de ne pas désespérer.

L’espérance s’appuie sur la capacité humaine à refuser l’inacceptable et à faire confiance.
L’expérience de l’ACAT amène Guy Aurenche à s’intéresser de près à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, de 1948, qui apparaît comme l’expression même de la conscience mondiale. Ce texte fondateur, et toutes les déclarations qui en découlent permettent à tous ceux qui combattent l’injustice d’y trouver un fondement pour interpeller les Etats sur la base même de leur signature de cette charte. Il faut rappeler d’ailleurs que toutes les cultures appartiennent à une même famille humaine : les critiques de certains dictateurs contre l’aspect occidental de la DUDH ne sont guère crédibles.

Notre témoignage de chrétien ne peut, d’après l’auteur, se faire qu’à partir de « rendez-vous d’humanité », car la Bonne Nouvelle ne s’annonce pas dans l’abstraction : la fraternité s’incarne. A ce sujet, il évoque Nelson Mandela et son geôlier. Il est possible de travailler avec des non-croyants, sans cacher sa foi, en comprenant la laïcité comme une spiritualité et en cherchant ensemble les raisons d’une action commune.

On retrouve dans ce petit livre la générosité de l’auteur et son dévouement aux causes qu’il a toujours défendues. C’est l’itinéraire d’un homme engagé qui explicite ses choix et nous fait réfléchir.
Jacqueline Madinier

Contre la traite

La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) vient de publier un imposant rapport de 370 pages sur « La lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains ». Il s’agit du premier rapport d’évaluation de la mise en œuvre du Plan national contre la traite, qui date de mai 2014 et dont les dispositions sont rappelées.
Ce travail collectif a été réalisé avec l’aide et la coopération des associations engagées contre ce fléau, et notamment le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », qui, créé en 2007, autour du Secours catholique, rassemble 26 associations (dont Justice et Paix France).

Dans une première partie de cette brochure, un rappel des normes internationales, une définition précise du phénomène et quelques données statistiques sur la traite dans le monde précèdent la description de la traite en France, où cette réalité est mal connue. Peu de statistiques et peu de condamnations : les victimes dénoncent rarement leur exploitation. La traite des mineurs revêt la forme de l’exploitation sexuelle, de la servitude domestique, mais aussi de la mendicité organisée et de l’obligation à commettre des délits.

Le texte présente des recommandations : meilleure coordination des actions de l’Etat, accroissement des financements, campagnes d’information ; formation des personnels (police, gendarmerie, magistrats) ; accompagnement des victimes, avec une prise en charge sociale, médicale, psychologique, aide à l’hébergement et à la réinsertion.

Le pape François a ouvert le jubilé de la Miséricorde le 8 décembre 2015 en célébrant le cinquantième anniversaire de la conclusion du concile Vatican II.

À ce propos, il a mentionné deux textes majeurs qui ont été promulgués le 7 décembre 1965 : Gaudium et Spes, qui porte un discernement chrétien sur les grands enjeux de la vie humaine, et Dignitatis Humanae qui, au nom même de la foi chrétienne, proclame la dignité de toute personne, ainsi que la liberté de conscience et la liberté religieuse. Ces deux documents manifestent la volonté de l’Église catholique de témoigner de l’Évangile au cœur même de l’expérience humaine, personnelle et collective : « cette communauté sait par expérience qu’elle est réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » (GS 1).

Le chrétien et tous les hommes de bonne volonté

Cependant, avant d’arriver au vote final de la constitution pastorale Gaudium et Spes, par 2 309 voix contre 75, l’élaboration du texte fut tumultueuse ; un Français, Pierre Haubtmann, a joué un rôle décisif au cours de la dernière phase. Ce long travail, porté par l’ensemble de la dynamique conciliaire, a permis un approfondissement théologique centré sur la foi trinitaire, avec un accent concernant Jésus Christ Sauveur. Ainsi, la parole chrétienne sur la vie en société s’enracine explicitement dans des références théologiques et spirituelles qui dessinent les lignes d’une anthropologie sociale. Cet accent théologique replierait-il l’Église sur un discours particulier ? Non, puisque dans le même temps, la démarche conciliaire atteste sa foi en l’action de l’Esprit en dehors des frontières ecclésiales et promeut le dialogue : « Devenu conforme à l’image du Fils qui est le Premier-né d’une multitude de frères, l’homme chrétien reçoit les prémices de l’Esprit qui le rendent capable d’accomplir la loi de l’amour. (…) Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais aussi pour tous les hommes de bonne volonté dans le cœur desquels la grâce agit de façon invisible. » (GS 22) Ainsi, l’anthropologie promue par la réflexion chrétienne est appelée à entrer en débat avec d’autres expressions.

Trois approches

La démarche suivie par Gaudium et Spes articule étroitement trois approches. Chacun de ces pôles suppose un travail exigeant, pour ne pas s’en tenir à la répétition de discours convenus.
Tout d’abord, une attention précise aux réalités économiques, écologiques, sociales, politiques, en explicitant les enjeux humains de ces situations : que deviennent concrètement les personnes, à commencer par les plus fragiles, quelles relations sociales sont ainsi promues ? Une telle attention au réel suppose que l’on prenne en compte les travaux effectués en sciences humaines et sociales, sans oublier l’approche critique de la philosophie ; sinon, un pseudo bon sens, reposant sur des préjugés anthropologiques, risque de légitimer des dénis de la dignité humaine, des injustices, des oppressions.

Toute réflexion chrétienne comprend une mise en rapport de la compréhension des situations humaines avec un travail biblique et théologique. Oui, il s’agit bien d’un travail, pour éviter tout concordisme hâtif entre tel fait de société et telle phrase de la Bible. Cette réflexion, liée à des engagements concrets, nourrie par une vie sacramentelle, va prendre corps en une anthropologie sociale, une vision de l’homme en société. Dans l’espace public, cette anthropologie se trouve en débat avec d’autres approches : une confrontation qui met en lumière des accords et des différences.

Cette démarche conduit à formuler une éthique sociale qui pourra inspirer les projets communs. Dans le cadre d’une vie démocratique, les interprétations des enjeux humains et sociaux, notamment en ce qui concerne l’avenir de notre monde, dialoguent et parfois s’affrontent. Une parole chrétienne, assumée comme telle, a toute sa place au sein de cette recherche commune, à condition qu’elle prenne en compte la complexité du réel et qu’elle suscite des modes de vie accordés aux principes énoncés.

Dialogues

De ce point de vue, l’encyclique du pape François, Loué sois-tu !, représente une mise en œuvre actualisée de la dynamique promue par Gaudium et Spes. Ce document assume une question majeure, mais peu présente il y a un demi -siècle : l’écologie. Il se situe résolument en dialogue et en débat au sein de la recherche commune, en recourant aux sources proprement chrétiennes, notamment dans le chapitre 2, tout en assumant les dossiers techniques relatifs à l’avenir de notre terre ; ceci avec l’ambition de proposer des repères éthiques et pratiques susceptibles d’inspirer de nouveaux modes de vie.

Alors, comment demeurer fidèle à l’esprit de Gaudium et Spes ? En citant tel propos qui éclaire nos enjeux de vie aujourd’hui, mais surtout en continuant le travail. Les différents groupes chrétiens ont donc à assumer les défis les plus actuels en examinant les situations avec une attention fine et informée, en puisant aux sources de la foi, en élaborant dans un dialogue ouvert et exigeant les perspectives d’un avenir humain pour tous.

Depuis quelques années, le monde est entré dans une période d’instabilité et de tensions nouvelles.

Des guerres ont éclaté en Syrie, en Ukraine, en Libye, alors que d’anciens conflits non résolus continuaient d’alimenter la violence, comme en Palestine, en Afghanistan, dans le Caucase ou dans plusieurs régions africaines, notamment les Grands Lacs et la Corne de l’Afrique. Les situations d’affrontement armé, parfois d’une violence extrême comme en Syrie, en Irak, chassent de chez eux des millions de réfugiés, dont un grand nombre souhaiterait trouver asile dans une Europe de moins en moins accueillante. Les démonstrations de force restent de pratique courante, en Europe entre la Russie et l’OTAN, dans les mers de Chine entre la Chine d’une part, les États-Unis ou le Japon d’autre part, en Corée du Nord La violence terroriste a repris et vient de frapper la France et la Belgique. Les négociations de paix rencontrent un succès inégal : elles ont permis de désamorcer pour une large part le litige nucléaire entre l’Iran et les Occidentaux, elles nourrissent un espoir fragile en Syrie, en Libye ou en Colombie, mais dans d’autres régions (Caucase, Ukraine) la situation reste bloquée. Quant au désarmement, il est au point mort et une nouvelle course aux armements est engagée. Le Pape François a évoqué, en 2015 et 2016, « une troisième guerre mondiale par morceaux.»

Face à cette situation, nous devons refuser « la résignation et l’indifférence », comme il nous y invite. D’abord, parce que les bases d’une amélioration de la sécurité internationale existent, mais aussi parce qu’il nous appartient de peser par notre action sur les choix fondamentaux à venir, notamment en France et en Europe, dans les domaines de la justice, du renforcement des structures de dialogue et du désarmement. De ces choix dépendra l’évolution du monde : vers le retour à la paix, ou, au contraire, vers l’aggravation de cette « guerre mondiale par morceaux ».
Les bases d’une amélioration de la sécurité internationale sont posées

L’ensemble de la communauté des États, avec la participation active de la société civile, a su se fixer en 2015 des objectifs concrets et universels de développement durable à l’horizon 2030 en vue d’éradiquer la pauvreté, de protéger la planète et d’améliorer les conditions matérielles d’existence de tous. La sécurité fait partie de ces objectifs. Un accord moins ambitieux a été trouvé à Addis-Abeba pour dégager des moyens financiers en vue de leur réalisation. Un accord universel contraignant est intervenu en décembre 2015 à Paris pour combattre le changement climatique.
Ces résultats sont déterminants pour la construction de la paix, inconcevable sans une participation de tous au développement durable. L’ONU a, à ces occasions, montré qu’elle restait l’enceinte indispensable pour la recherche du bien commun mondial.

La construction européenne est aussi une chance pour la paix, à condition qu’elle reste fidèle à son projet initial, centré sur « la confiance … en l’homme comme personne dotée d’une dignité transcendante ». L’Union européenne a vocation à contribuer fortement à la résolution des crises humanitaires, à l’extérieur comme sur son territoire. Un régime européen commun d’asile existe ; son application sincère permettrait d’affronter plus dignement l’actuel défi de l’accueil des réfugiés et de sauver de nombreuses vies.

S’agissant des menaces les plus immédiates à la sécurité internationale, des progrès ont été réalisés : les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne ont su négocier avec l’Iran un accord qui garantit la renonciation de ce pays à l’arme nucléaire, en préservant ses droits en matière d’utilisation pacifique de l’atome. Comme l’a souligné le Pape François, c’est « une preuve des possibilités d’une bonne volonté politique et du droit, exercés de façon sincère, patiente et constante ». Pour ce qui est de l’Ukraine, les bases d’un règlement ont été posées par les accords de Minsk II de février 2015. La neutralisation réciproque des belligérants en Syrie les a conduits à la table des négociations, sous l’égide russo-américaine ; quels que soient les atermoiements des parties, les blocages et les manœuvres des puissances environnantes (Arabie saoudite, Iran, Turquie), la conclusion d’un accord de paix inclusif mettant un terme à la menace terroriste émanant de Syrie est possible. La dynamique de paix en Syrie, si elle se confirme, déboucherait sur la stabilisation de l’Irak. En Libye, où l’organisation dite État islamique vient de s’implanter, la médiation de l’ONU pourrait permettre l’acceptation par les principaux belligérants d’un gouvernement d’union nationale. Dans les Amériques, le rapprochement entre Cuba et les États-Unis devrait contribuer aux processus de paix en Colombie. En Afrique, l’ONU poursuit sa tâche de stabilisation en organisant le dialogue et en garantissant le retour à la paix, notamment par le déploiement d’environ 70 000 Casques bleus.

Des choix fondamentaux restent à faire

Le premier est de consacrer des efforts suffisants au renforcement des structures de paix, en particulier l’ONU mais aussi, en Europe avec l’OSCE ou en Afrique avec l’Union africaine. Les puissances (et notamment la France) doivent se garder de toute initiative qui remettrait en cause le rôle de l’ONU comme fondement institutionnel de la sécurité internationale. Il est parfois soutenu que l’usage abusif du veto par la Russie et la Chine au Conseil de sécurité paralyse l’Organisation et la discrédite. Dès lors, des interventions militaires sans l’autorisation du Conseil de sécurité seraient, sinon licites, du moins légitimes, en particulier pour mettre fin à des violations flagrantes des droits humains. Loin de résoudre les conflits, une telle politique ne pourrait que les aggraver.

Même si la composition du Conseil de sécurité ne reflète plus la situation géopolitique actuelle, il détient toujours en droit « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale ». Il est également essentiel de renforcer les structures régionales, conformément à la Charte de l’ONU. En raison notamment de la contrainte du consensus, l’OSCE est sans doute trop faible pour contribuer avec toute l’efficacité nécessaire au règlement d’une crise telle que celle de l’Ukraine. L’Union africaine doit de même être soutenue dans son ambition d’une gestion de la sécurité africaine par les Africains eux-mêmes. L’Asie, et tout particulièrement l’Asie de l’Est, souffre d’un manque d’organisation régionale. Or, c’est seulement par le dialogue, dans le cadre de processus réguliers de consultation bilatérale, que les Asiatiques pourront s’acheminer vers une résolution de leurs litiges territoriaux.

Le second choix est de toujours privilégier la négociation, les bons offices, l’arbitrage en s’appuyant sur le droit, même lorsque l’emploi de ces moyens est exceptionnellement difficile, comme en Syrie. Certes, le recours à la force ne peut être écarté par principe si c’est le seul moyen légal, régulièrement approuvé par le Conseil de sécurité, de venir au secours des victimes de crimes de masse : la décision de doter la force de paix de la République démocratique du Congo d’une brigade d’intervention en est un exemple. Mais la guerre est toujours un mal. On le constate aujourd’hui par exemple en Bosnie-Herzégovine : l’usage de la force, quelque justifié qu’il ait pu être, n’a pas réglé les problèmes fondamentaux qui font obstacle à une paix véritable : gouvernance défaillante, absence de progrès économiques, hostilité entre les communautés.

Un troisième choix concerne le désarmement, tout particulièrement nucléaire. Dans tous les pays détenteurs de l’arme nucléaire, des programmes de « modernisation » de cette arme sont en cours, pour un coût considérable (35 milliards de dollars par an pour les seuls États-Unis). Comme si l’armement actuel (16 000 ogives nucléaires actuellement en service ou en réserve, essentiellement dans les forces américaines et russes) ne suffisait pas. La réponse à ce surarmement n’est certainement pas de se lancer dans la course mais de stopper les augmentations de capacités prévues, notamment en France, et de reprendre le dialogue dans tous les domaines du désarmement (essais, fabrication de matières fissiles à usage militaire, zones dénucléarisées…).

Le récent échec de la conférence d’examen du TNP est inquiétant. L’idée d’un traité d’interdiction des armes nucléaires, reprise lors des conférences internationales sur les effets humanitaires de ces armes, doit être discutée, notamment en France, ainsi que celle d’un renforcement des mesures de confiance (transparence des arsenaux, réduction et, à terme, abandon des postures d’alerte nucléaire …). Le niveau d’armement conventionnel des principales puissances militaires reste également beaucoup trop élevé. Les augmentations du budget militaire semblent être partout à l’ordre du jour. Les quelques acquis du désarmement en Europe sont mis en cause avec le quasi-abandon du traité sur les armes conventionnelles. Sa disparition représenterait un risque grave dans le climat de tension actuel. Il faut mettre en terme à cet engrenage et reprendre les négociations entre Européens, Nord-Américains et Russes pour empêcher que s’installe une nouvelle guerre froide.

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Renforcement des structures de paix, priorité au dialogue dans la gestion des conflits, désarmement : en progressant dans ces trois domaines, nous pourrons sortir de l’actuelle « guerre mondiale par morceaux ».Son histoire et ses valeurs donnent à l’Union européenne une responsabilité. C’est à cette aune que sera jugée sa future stratégie globale pour la Politique étrangère et de sécurité dont l’adoption est prévue pour juin 2016.