Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Une étude publiée par le CCFD – Terre Solidaire, Oxfam France et le Secours Catholique-Caritas France, en partenariat avec la « Plateforme paradis fiscaux et judiciaires » – à laquelle participe Justice et Paix – révèle le rôle central des paradis fiscaux dans l’activité internationale des banques françaises.

Pour la première fois, en 2015, dans le cadre de la loi bancaire, les banques françaises ont rendu publiques des informations essentielles sur leurs activités et les impôts qu’elles paient dans tous les pays où elles sont implantées : une première étape vers une plus grande transparence économique. A partir de ces informations, les trois organisations auteures du rapport ont analysé en détail les activités internationales des cinq plus grandes banques françaises – BNP Paribas, groupe BPCE (Banque Populaire et Caisse d’Epargne), Société Générale, Crédit Agricole et Crédit Mutuel – CIC. Cette enquête les a rapidement menées au cœur des paradis fiscaux.

Les chiffres révélés dans cette étude témoignent ainsi de la déconnexion entre les bénéfices déclarés dans les paradis fiscaux et l’activité réelle des banques. A l’international, les banques françaises réalisent un tiers de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, alors même qu’ils ne représentent qu’un quart de leurs activités, qu’un cinquième de leurs impôts et seulement un sixième de leurs employés.

Les principaux résultats de cette étude témoignent, tant de l’importance des activités menées dans les paradis fiscaux que des spécificités de ces territoires :

  • Les banques françaises déclarent un tiers de leurs bénéfices internationaux dans les paradis fiscaux.

 

  • Les activités des cinq banques françaises sont de 60 % plus lucratives dans les paradis fiscaux que dans le reste du monde.

 

  • Les salariés des banques étudiées sont en moyenne 2,6 fois plus productifs dans les paradis fiscaux que dans les autres pays.

 

  • Les activités les plus risquées et spéculatives sont toujours situées dans les paradis fiscaux.

 

  • A taux de profits égaux, les banques françaises payent deux fois moins d’impôts dans les paradis fiscaux.

« Au regard des activités des seules grandes banques françaises dans les paradis fiscaux, imaginez ce qu’il en est au niveau de l’ensemble des multinationales ! Il est désormais temps d’étendre l’obligation du reporting public à l’ensemble des multinationales  », déclare Lucie Watrinet, chargée du plaidoyer financement du développement au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la « Plateforme paradis Fiscaux et Judiciaires ».

« La transparence est un premier pas dans la lutte contre l’évasion fiscale. Elle ouvre la voie à un agenda plus ambitieux de lutte contre l’évasion fiscale au niveau européen  », conclut Grégoire Niaudet, chargé de plaidoyer au Secours Catholique-Caritas France.

« La finance on n’y comprend rien. C’est trop compliqué et d’abord on ne peut rien à notre niveau. Et puis la foi chrétienne n’a rien à voir avec cela ! ». Nous avons tous proféré de telles paroles.

Alors s’imposait une série de fiches car la finance, telle qu’elle fonctionne, suit une logique qu’on peut analyser et décrypter, logique sur laquelle, soit nous sommes critiques, soit nous acceptons ces présupposés.

La finance utilise un langage complexe, mais elle n’est qu’un outil pour avoir une vie meilleure et, en cela, il faut aller au-delà du discours et poser sur elle un regard de citoyen, un regard marqué par nos valeurs, par notre souci du bien commun.

La finance semble mettre le monde sur des rails réputés incontestables qui parfois font oublier les préceptes de l’Evangile, les appels à la solidarité, à l’amitié avec les plus fragiles de nos sociétés ; or l’Evangile doit être premier et éclairer nos choix quotidiens.

Ces convictions nous ont semblé être des impératifs auxquels nous ne pouvions pas échapper. C’est ce qui nous a conduit à proposer des outils afin de nourrir notre foi, stimuler notre citoyenneté et nous aider à poser un jugement personnel sur le système qui a été chahuté depuis 2007, mais qui depuis semble reprendre ses mauvais sentiers.

La finance représente un champ très vaste. De nombreuses questions se renvoient les unes vers les autres et semblent d’une opacité qui décourage.
Alors nous avons choisi quelques-uns des thèmes les plus importants, non seulement ceux dont parlent les médias, mais ceux qui peuvent nous aider à nous positionner comme chrétiens dans ce monde.

Mois après mois, nous étudierons les rapports entre éthique et finances : la Bible, l’Enseignement social, les Banques, la Confiance, les Agences de notation, les Paradis fiscaux, l’Euro, la Finance éthique et solidaire, le Financement de la transition énergétique, la Financiarisation de l’économie, Justice et Equité, …

Chaque thème fera l’objet d’une fiche qui pourra se lire et se travailler seul ou en équipe, indépendamment des autres fiches.

Dans son Exhortation Apostolique La joie de l’Evangile, le pape François insiste sur la nécessaire dimension sociale de l’évangélisation.

Il écrit : « Les enseignements de l’Église sur les situations contingentes sont sujets à d’importants ou à de nouveaux développements et peuvent être l’objet de discussion, mais nous ne pouvons éviter d’être concrets pour que les grands principes sociaux ne restent pas de simples indications générales qui n’interpellent personne.

Il faut en tirer les conséquences pratiques afin qu’«ils puissent aussi avoir une incidence efficace sur les situations contemporaines complexes»… On ne peut plus affirmer que la religion doit se limiter à la sphère privée et qu’elle existe seulement pour préparer les âmes pour le ciel. »

Le second parcours d’initiation à la pensée sociale veut continuer à stimuler parmi les chrétiens, une appropriation responsable des questions soulevées par les situations complexes de notre société. Ceci, en vue de les éclairer par l’enseignement social de l’Eglise et leur permettre d’assumer leur vie sociale en cohérence avec leur foi au Christ.

Un acte d’espérance

Le second livret voulu par le Conseil « Famille et Société » de la Conférence des évêques de France et réalisé par le Service National qui lui est lié, avec le concours d’experts, relève d’un acte d’espérance au cœur d’une société complexe qui subit une profonde mutation. Il est insuffisant de parler de crise, comme s’il s’agissait d’un mauvais moment à passer dans l’incertitude et l’instabilité, avant de retrouver les eaux calmes d’un environnement social familier.

Nous vivons une mutation profonde qui est un appel pour les chrétiens et une Parole que Dieu nous adresse dans la situation actuelle. Il serait contre-productif, au regard des exigences de notre foi au Christ et de l’évangélisation, de nous réfugier dans une nostalgie stérile ou de nous contenter d’asséner les réponses d‘hier comme des vérités toutes faites, prêtes à l’emploi pour répondre aux questions d’aujourd’hui.

Dans le domaine social, comme en d’autres domaines de la vie des hommes, nous ne pouvons-nous contenter de répéter une doctrine sans nous confronter aux réalités concrètes. Le second livret de « Notre Bien commun » propose de poursuivre la démarche engagée avec le premier.

Il s’offre comme un outil destiné à aider les chrétiens, ainsi que les hommes et les femmes de bonne volonté, à habiter de façon responsable notre société en évolution, dans la fidélité inventive à la tradition sociale de l’Eglise.

« Le tout est supérieur à la partie » (pape François)

C’est l’un des quatre principes d’action évoqués par le pape François dans Evangelii gaudium (n° 234-237).  Il vise l’articulation juste entre les dimensions locale et globale des situations et des questions. Le pape encourage à prêter attention à la dimension globale afin de ne pas tomber « dans une mesquinerie quotidienne ».

La globalité est offerte par la tradition sociale de l’Eglise. Cependant, cette approche ne peut jamais perdre de vue le local, c’est-à-dire la dimension particulière et concrète de chaque situation. La pensée sociale se forge précisément dans l’effort d’articulation du local des situations humaines envisagées avec le global de la référence à la tradition médiatisée de l’Evangile dans la Doctrine sociale de l’Eglise.

La démarche ici proposée veut aider à relire de façon critique l’expérience personnelle que nous avons de réalités humaines telles que l’entreprise, l’écologie, l’économie sociale et solidaire, le dialogue, la violence, la laïcité ou encore le dialogue interreligieux. Grâce à l’apport d’experts dans les domaines concernés, il devient possible de resituer notre expérience dans la perspective globale de l’enseignement social de l’Eglise.

Un dialogue pour l’action

Le but de la démarche proposée par le document « Notre Bien commun » n’est pas uniquement de se forger des opinions ou des convictions personnelles, mais d’ouvrir des perspectives pour l’action. Ici encore, la démarche s’inspire de la proposition du pape François dans son encyclique Laudato si’. Devant les dommages causés à notre « maison commune », il dit l’urgence qu’il y a d’agir. Cependant, l’encyclique ne se fait pas prescriptive.

Elle invite au dialogue pour l’action : « Bien que cette observation de la réalité nous montre déjà en soi la nécessité d’un changement de direction, et nous suggère certaines actions, essayons à présent de tracer les grandes lignes de dialogue à même de nous aider à sortir de la spirale d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons.» (n° 163)

Voilà l’horizon sur lequel ouvre la démarche proposée dans ce document : devenir des invitants pour un dialogue entre chrétiens, mais aussi d’autres personnes de notre entourage. Confrontées aux mêmes situations que nous, elles peuvent trouver un intérêt réel à vivre la démarche suggérée. Proposer des rencontres et des partages autour des questions abordées est une façon de participer activement à l’annonce de l’Evangile.

Il se trouve ainsi contextualisé et permet de manifester son actualité et sa pertinence comme Parole de vie et de salut éclairant les réalités concrètes de l’existence personnelle et sociale. Il appartient à ceux et celles qui utilisent ce livret d’en faire, non seulement un recueil de belles pensées généreuses sur la société, mais un véritable outil pour l’évangélisation au sein d’une société en profonde mutation.

En septembre 2015, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, reconnaissait devant le Parlement européen que « notre Union européenne ne va pas bien ».

Il citait alors deux causes immédiates de ce malaise : la crise des réfugiés et la persistance de déséquilibres financiers dans la zone euro.

Face à l’afflux des réfugiés, il demandait plus d’engagement européen dans la solution du conflit syrien et proposait une répartition des demandeurs d’asile entre les pays membres. Pour consolider l’euro, il demandait le retour à la convergence économique par la recherche d’une meilleure productivité, d’une création plus dynamique d’emplois et d’une plus grande « équité sociale ». Mais il évoquait aussi d’autres défis, comme le référendum sur le départ du Royaume-Uni et la faiblesse diplomatique de l’Union face aux crises syrienne et ukrainienne.

Depuis, l’Union européenne a continué, selon son habitude, à gérer au jour le jour les questions les plus urgentes, à l’initiative des principaux pays membres : un accord vient d’être conclu avec la Turquie pour maintenir sur son territoire le maximum de réfugiés, en contradiction avec le régime commun d’asile adopté en juin 2013. Quant à la gestion de l’euro, la priorité a été donnée à l’acceptation par les pays concernés des programmes de redressement de la Commission, de la BCE et du FMI. Pour parer au risque de sortie du Royaume-Uni, quelques dérogations supplémentaires lui ont été accordées.

Faute d’une démarche plus ambitieuse, le risque d’un affaiblissement, voire d’une dislocation de l’Union subsiste : même si les Britanniques refusent d’en sortir, il est à craindre que la logique de l’appartenance « à la carte », qu’ils s’efforcent depuis des décennies de faire prévaloir, ne gagne d’autres pays tentés par le « souverainisme ».

Partout en Europe, des partis hostiles à tout nouveau progrès de l’intégration européenne, voire ouvertement anti-européens, séduisent un nombre croissant d’électeurs. Ce phénomène atteint à présent l’Allemagne, longtemps épargnée.

Quant à l’euro, la persistance d’une croissance trop faible le fragilise. Dans l’état actuel des programmes imposés à la Grèce, ce pays devra dégager un excédent budgétaire primaire (avant service de la dette) de 3,5 points de PIB en 2018 : un tel effort n’est pas réaliste après une longue période d’ajustement qui a réduit la richesse nationale de plus d’un quart et porté le taux de chômage à plus de 25 %. Dans d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal et peut-être la France, où la croissance et l’inflation restent faibles, les recettes fiscales ne permettent pas la réduction rapide de la dette.

Actuellement, la Banque centrale européenne s’efforce d’atténuer l’impact récessif des réductions de dépenses publiques par une politique monétaire très accommodante. Mais ce n’est pas sans risques : une accumulation de liquidités dans un contexte de récession peut favoriser une nouvelle crise financière.

Pour assurer leur sécurité, les pays membres s’en remettent pour l’essentiel à leur action nationale et/ou à l’OTAN. La politique de sécurité et de défense commune de l’Union en reste à un stade embryonnaire.

Les pays attachés à la construction européenne doivent prendre la mesure de ces défis. Ils doivent dégager une stratégie de relance européenne dont les axes seraient les suivants :

  • Rassembler les pays qui le souhaitent autour d’un programme ambitieux d’intégration, notamment en matière de coopération industrielle, de renforcement de l’union bancaire et d’harmonisation fiscale et sociale.

 

  • Établir un mécanisme européen de gestion des frontières communes, le doter des moyens matériels et humains nécessaires et intensifier la coopération policière et judiciaire.

 

  • Rendre plus politique la gestion de l’euro, l’inscrire dans une stratégie macroéconomique orientée vers la croissance et faisant de l’investissement privé et public une priorité, au même titre que l’équilibre des finances publiques. Une action corrective s’impose également pour remédier aux excédents excessifs de balance courante dus à la faiblesse de la demande intérieure (y compris d’importation) dans certains pays, comme l’Allemagne.

 

  • Utiliser (même dans le cadre d’une coopération restreinte) les possibilités offertes par le traité de Lisbonne pour mettre sur pied des forces armées européennes communes équipées en commun. Un préalable serait la rédaction d’un livre blanc européen énonçant l’état des menaces et risques géopolitiques et définissant la politique de sécurité et de défense requise pour y faire face.

L’Union européenne ne peut être tenue pour un acquis définitif. Au fil des élargissements, les peuples qui la constituent semblent avoir perdu de vue sa finalité et les contraintes qu’elle impose, notamment en matière de solidarité. Des initiatives nouvelles, qui ne pourront, dans un premier temps, qu’être franco-allemandes, sont aujourd’hui devenues indispensables pour retrouver la dynamique des premiers temps de sa fondation.