Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Le 7 janvier 2016, le Collège des Bernardins à Paris organisait en partenariat avec Justice et Paix, une soirée autour de Pierre Manent, auteur de Situation de la France, Desclée de Brouwer, Paris, 2015.

L’idée centrale est d’organiser la coexistence publique des religions, – particulièrement chrétienne, musulmane et juive -, leur participation à la « conversation civique ».
Introduisant la soirée, Pierre Manent montre deux réactions à la suite des attentats de 2015. La panique et la précipitation d’autorités qui produisent des mesures tous azimuts. La complaisance dans le déni et le refus d’examiner les fautes commises.

La laïcisation extrême de la société française laisse place à l’islam ; il faudrait une présence chrétienne pour réguler les tensions.
Et un compromis s’impose. Les citoyens musulmans doivent accepter certains caractères fondamentaux de notre régime politique comme la liberté totale de pensée et d’expression, la monogamie ou l’interdiction du voile intégral qui empêche la rencontre civique et sociale ; accepter aussi la forme politique qu’est la nation en prenant leur indépendance vis-à-vis des pays musulmans.
Les Français non musulmans, eux, doivent accepter que les musulmans puissent vivre selon les mœurs qui leur semblent obligatoires ou désirables, règles alimentaires et non mixité de certaines activités.

Les uns comme les autres devraient prendre leurs distances religieuses ou économiques avec les milieux wahhabites.
Rachid Benzine, islamologue enseignant à l’IEP, se demande quel type de religieux est utile à la vie en société. Il faut revenir à la citoyenneté et ne pas « religioser »les gens. Trois décrochages menacent : la délinquance, le vivre entre soi – celui des salafistes ou celui des riches ! – le vivre ailleurs. Le taux de mariages mixtes est un des nombreux indicateurs d’intégration.
Cécile Renouard, au nom de Justice et Paix, insiste en conclusion sur les pannes politiques et spirituelles. Elle plaide pour une collaboration interreligieuse et la mobilisation des ressources au service d’une écologie intégrale.

Un vieil homme avisé a dit un jour : «Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ».

 

J’ajoute une apostille à cet aphorisme connu : « Assure-toi que la rivière soit poissonneuse ».
La signification et la justification de l’ensemble des activités qui, dans le jargon des relations internationales, sont identifiées comme « plaidoyer » se trouve là. Si la lutte contre la pauvreté était limitée au cadre économique (donation d’une canne à pêche) et au cadre du développement humain (apprendre à pêcher) sans s’assurer de la disponibilité de la ressource (les poissons), la condition quotidienne des communautés auxquelles les efforts de milliers d’Organisations Non-Gouvernementales, Organisations Internationales et de nombreux particuliers sont consacrés, ne changerait pas : elles auraient une canne à pêche, elles seraient capables de pêcher mais elles n’auraient pas de poissons dans leurs assiettes.

Un équilibre

Toutefois, ces trois cadres (économique, du développement humain et du plaidoyer), se renforçant mutuellement, ils ne sont efficaces que s’ils sont réalisés en parallèle et simultanément. Une organisation comme Caritas Internationalis ne peut s’exonérer de chercher le difficile équilibre entre les trois.
Il faut donc des démarches visant à trouver les causes profondes qui rendent les personnes vulnérables : en proposant des solutions durables, elles sont appelées à faciliter l’accès au développement humain intégral pour tous, dans une perspective à long terme. Voilà la raison pour laquelle Caritas Internationalis a un « deuxième bras » qui touche le processus global de prise de décisions : ce sont ses délégations auprès des Organisations internationales et multilatérales établies à New York, Rome et Genève.

Local et global

Le rôle de ces délégations peut paraître simple, sur le papier : faire entendre la voix des plus démunis et, sur cette base, tenter d’influencer le processus de prise de décisions afin de trouver les solutions les plus appropriées pour protéger et promouvoir la dignité des tous les êtres humains.
Toutefois, afin d’atteindre pleinement leurs buts, les délégations de Caritas Internationalis ont besoin de l’engagement actif des membres nationaux, ainsi que des Caritas diocésaines et des structures nationales ou locales de l’Eglise catholique. En effet, l’action au niveau global ne peut être complète uniquement que si elle est reliée à l’action locale. Réciproquement, les acteurs de Caritas qui agissent au niveau local doivent être constamment en relation avec le niveau global pour mettre en lumière la bataille quotidienne de millions de personnes pour survivre. Les actions de plaidoyer et de représentation ne peuvent acquérir validité, crédibilité et autorité que si elles se font le fidèle reflet de ces vies.

Syrie, Irak

Par exemple, en parallèle avec la 29ème séance régulière du Conseil pour les Droits de l’Homme des Nations Unies, la délégation de Caritas Internationalis auprès des Nations Unies à Genève, en collaboration avec Dominicans for Justice and Peace, a organisé une conférence: « La volonté politique de mettre fin aux guerres en Syrie et Iraq existe-t-elle ? ». Cet événement visait à explorer les causes ultimes de ce que les organisateurs évaluaient comme un manque de volonté politique dans ce domaine, car des intérêts politiques divergents sont, aujourd’hui encore, avancés pour justifier le soutien à des opérations militaires qui violent systématiquement les droits humains de la population civile et, donc, sa dignité. Parmi les intervenants, S.E. Monseigneur Yousif Mirkis, op, archevêque chaldéen de Kirkuk et Sulaimanya qui, tout en présentant le quotidien de la minorité chrétienne au Moyen- Orient, a souligné que cette région « est devenue un creuset pour le radicalisme, la déstabilisation profonde de tous les ressorts de la société. Des millions de réfugiés transitent chaque jour; ceux qui arrivent à passer en Europe ne sont qu’une infime part de notre lot à l’intérieur de l’Irak et de la Syrie. Tous les pays constatent un débordement des conflits. Personne n’est plus à l’abri. Les couleurs du tissu social se disloquent à toutes les échelles. De nouvelles frontières sont en train de se dessiner sous nos yeux. La frontière dessinée dans le sable il y a un siècle (16 mai 1916) par le Britannique Sir Mark Sykes et le Français François Georges-Picot, a volé en éclats ».

Migration et traite

De plus, Caritas Internationalis, dans le cadre de la 103ème Conférence Internationale sur le Travail organisée à Genève par le Bureau international du Travail, a rappelé que « les membres de Caritas Internationalis et les autres structures de l’Eglise catholique sont directement témoins des abus et des privations auxquels les travailleurs et travailleuses migrants sont constamment soumis. Tout en soulignant le manque ou l’absence de mécanismes adéquats à les protéger de l’exploitation, ses membres demandent de faciliter l’accès à la justice pour les migrants victimes d’exploitation, indépendamment de leur situation ». En outre, la délégation de Caritas Internationalis a souligné la précarité spécifique des « travailleurs et travailleuses migrants employés comme domestiques, qui, s’ils tombent entre les mains d’agences de recrutement sans scrupules, peuvent devenir victimes de la traite et, par conséquent, risquer d’entrer dans la servitude. Leur condition peut être quasiment assimilée à celle de l’esclavagisme, car leurs passeports sont confisqués et ils sont obligés de ne jamais quitter la maison de leur employeur ».

Travail à long terme. SIDA

L’efficacité de ces activités ne peut se mesurer que sur le long terme. Par exemple, depuis 1987, le secrétariat international de Caritas coordonne l’action de ses membres nationaux qui vise à éliminer les causes profondes qui entravent le plein exercice du droit à la santé et au bien-être des enfants vivant avec le VIH/SIDA et de ceux qui sont affectés par coïnfection de VIH/SIDA-tuberculose. En 2009, Caritas Internationalis a lancé la campagne de plaidoyer « HAART for Children », qui demande aux gouvernements et aux sociétés pharmaceutiques de prendre des mesures significatives pour protéger leur droit à la santé. Grâce à cette campagne, toujours en cours, Caritas Internationalis envisage de promouvoir une réponse plus cohérente et efficace aux besoins vitaux des ces enfants et des femmes enceintes vivant avec ce virus. En effet, et bien qu’il puisse paraître paradoxal, malgré plus de 30 ans depuis la découverte du VIH et nonobstant tous les progrès scientifiques obtenus, actuellement 42 enfants contractent l’infection à VIH chaque heure, et plus de 800 meurent chaque jour à cause des maladies liées au SIDA. Ces décès continuent d’être recensés parce que, aujourd’hui encore, ces enfants n’ont pas accès au diagnostic précoce du VIH et/ou aux médicaments pédiatriques destinés à combattre ce virus.

Le plaidoyer de Caritas Internationalis et de ses membres sur ce sujet a toujours joué un rôle de premier plan dans la stratégie globale de la Confédération. Afin de soulever de manière innovante les questions indiquées ci-dessus, la délégation de Caritas Internationalis auprès des Nations Unis à Genève a présenté, durant la 22ème séance du Conseil des Droits de l’Homme et en collaboration avec l’exposition internationale des réalisations pour l’enfance « Le immagini della fantasia », une série d’œuvres d’art qui illustraient les rêves, les aspirations et les fantaisies d’enfants des différents pays du monde. Ces rêves, ces aspirations et ces fantaisies ne sont en effet pas accessibles aux enfants vivant avec le VIH/SIDA, ainsi qu’à ceux qui sont affectés par coïnfection de VIH/SIDA-tuberculose, à cause du manque flagrant d’outils essentiels à leur survie.

Cette exposition a été la première du genre à être réalisée au sein des Nations Unies à Genève et a servi comme présentation visuelle de certains messages-clés soulignés pendant la journée annuelle de discussion sur les droits de l’enfant qui, en 2012, était dédiée au droit à la santé et au bien-être : le besoin urgent d’orienter en priorité la stratégie de recherche afin d’identifier les diagnostics et les traitements les plus adaptés aux besoins des enfants vivant avec le VIH/SIDA.

Responsabilité des Etats

En nous présentant comme les porte-paroles de ceux qui, chaque jour et chaque nuit, en 200 pays et territoires du monde, sont aidés et soutenus par les bénévoles et les professionnels de la grande famille Caritas, nous devons rappeler aux représentants de gouvernements que, toutes décisions confondues, ils doivent toujours se souvenir que leur objectif est d’offrir une solution aux besoins vitaux de l’humanité entière, et prioritairement, à ceux qui ne peuvent attendre le jour d’après : demain, pour eux, c’est déjà trop tard.