Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

L’Accord de Paris résulte de la COP 21 tenue en décembre 2015. Il est considéré comme un grand succès diplomatique pour la présidence française de cette conférence.

La qualité de la préparation et de l’organisation, ainsi que l’attitude des Français, à la fois ouverte et déterminée, ont été largement saluées. Le seul fait d’arriver à un accord, qui n’était pas gagné d’avance, est une réussite.

Un bilan mitigé

Au-delà du succès diplomatique, la COP 21 représente-t-elle une avancée pour les négociations climatiques ? Le bilan est plus mitigé. En effet, si l’on peut saluer le fait que le texte de l’Accord de Paris n’est pas le plus petit dénominateur commun, il laisse suffisamment de souplesse dans les termes utilisés pour n’être réellement contraignant pour personne. De plus, les engagements actuels des Etats nous placent sur une trajectoire de réchauffement climatique proche de 3°C en 2100 (bien loin des 1,5°C marqués dans l’Accord).

Il faut donc considérer les résultats de la COP 21 comme une étape dans la longue marche vers une nouvelle économie permettant de limiter le réchauffement climatique. Les négociations sur le climat fonctionnent en incrémentation ; chaque avancée, même minime, permet aux négociateurs de s’appuyer dessus pour pousser un cran plus loin. De ce point de vue, la COP 21 aura été un succès par sa méthode préparatoire. Le fait que la quasi-totalité des pays ait présenté leur « intention de contribution nationale » pour la réduction des émissions de GES (gaz à effet de serre) est extrêmement positif pour faire en sorte que chaque pays se sente concerné et acteur. Une méthode proche de celle qui avait été employée pour l’élaboration des Objectifs de Développement Durable (l’Agenda 2030) qui doivent maintenant être déclinés dans une stratégie nationale. Les sociétés civiles dans chaque pays pourront se servir de ces « contributions nationales » pour faire pression afin de les améliorer.

Pour que l’Accord de Paris puisse être mis en œuvre, il faut maintenant que les pays le signent puis le ratifient. C’est l’enjeu des prochains mois. La ratification de 55 pays, représentant au moins 55% des émissions de GES, est nécessaire pour que l’Accord de Paris prenne officiellement effet. Une cérémonie officielle de signature sera organisée, le 22 avril 2016, au siège des Nations Unies à New York, pour ouvrir la séquence des signatures par les Etats qui auront ensuite un an pour le faire.

 

La COP 22 au Maroc

Les négociations vont se poursuivre en vue de la COP 22 qui aura lieu à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016. Plusieurs enjeux majeurs de cette conférence apparaissent.

Le premier est d’aboutir à un accord sur la question du mécanisme des « pertes et dommages ». Ce mécanisme a été créé lors de la COP 19 à Varsovie. Mais il reste encore largement à mettre au point. C’est l’un des enjeux majeurs de la COP 22 de Marrakech. Prendre en compte les pertes et dommages subis par les pays les plus affectés par les changements climatiques est une façon de reconnaitre que la politique d’atténuation des émissions de GES n’a pas avancé suffisamment vite pour éviter ces pertes et dommages. C’est aussi reconnaître que l’adaptation aux changements climatiques, qui nécessite des investissements importants, aujourd’hui insuffisamment financés, n’avancera pas assez vite pour empêcher l’accroissement de pertes et dommages importants, souvent dans les pays les plus pauvres. Le Mécanisme de pertes et dommages peut être vu comme le nécessaire 3ème bloc d’une politique climatique efficace, après l’atténuation et l’adaptation. Il sera donc très important que la COP 22 permette des avancées significatives sur le financement de l’adaptation et sur la finalisation de ce mécanisme de « pertes et dommages ».

Le deuxième enjeu est de faire en sorte que les actes suivent les engagements de Paris. Sans attendre la révision annoncée des contributions nationales en 2020, il est nécessaire que la société civile fasse pression pour que les politiques de transition énergétique et de développement durable permettent des progrès significatifs avant 2020. Car c’est maintenant que l’avenir de l’humanité se joue. Pour rester sous le seuil des 2°C de réchauffement climatique, il faudrait que le pic d’émission de GES soit atteint en 2021, c’est-à-dire que les émissions globales baissent à partir de cette date. Il ne nous reste plus que 5 ans pour atteindre cet objectif.

C’est pourquoi il est urgent de sortir d’une économie dont les sources d’énergie sont basées sur les énergies fossiles. La société civile insiste à raison sur l’importance d’accélérer la transition énergétique pour passer à des sources d’énergies renouvelables et non productrices de GES. La France s’honorerait en publiant rapidement et, en tous cas avant la COP 22, tous les décrets d’application nécessaires à la pleine mise en œuvre de la loi sur la transition énergétique.

Tax Justice Network, PSI, Oxfam et l’Alliance globale pour la justice fiscale, dont la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires est membre (Justice et Paix France en est membre), publiaient mi-novembre une nouvelle estimation du coût de l’évasion fiscale des multinationales américaines et appelaient les Etats à aller plus loin que les initiatives portées par le G20 et l’OCDE pour y mettre un terme.

Ces failles dans le système, exploitées par des entreprises pour éviter de payer leur juste part d’impôt, sont dommageables pour les pays du G20 comme pour les pays pauvres. Les organisations appellent à une réforme structurelle des normes fiscales internationales, mettant tous les pays sur un pied d’égalité.

Les organisations ont étudié les données de l’US Bureau of Economic Analysis sur l’activité économique des multinationales dont le siège est aux Etats-Unis en 2012 (dernières données disponibles). Il en ressort que les multinationales américaines ont transféré artificiellement entre 500 et 700 milliards de dollars de bénéfices en 2012, soit un quart de leurs bénéfices annuels, principalement vers des pays où les taux d’imposition sur les bénéfices sont très bas, voire nuls. En d’autres termes, près d’un dollar sur quatre de bénéfices réalisés par les multinationales américaines a été transféré vers des paradis fiscaux.

Pour Manon Aubry, responsable du plaidoyer Justice fiscale et Inégalités à Oxfam France : « L’hémorragie des recettes fiscales touche les pays riches comme les pays pauvres du fait du décalage immense entre le lieu d’imposition des entreprises et celui où elles exercent véritablement leurs activités. Nous devons exiger des multinationales qu’elles mettent en adéquation le lieu de résidence de leurs activités avec celui de leurs profits. Cette situation où les entreprises ne paient pas leur juste part d’impôt nuit à tous et aggrave fortement les inégalités dans les pays les plus pauvres. Ils sont en effet ceux qui pâtissent le plus de l’évasion fiscale des multinationales et de la faiblesse des moyens consacrés aux services publics ».

Les pays du G20 comptent parmi les grands perdants des pratiques d’évasion fiscale des multinationales américaines. 90 % des recettes fiscales non perçues du fait de l’évasion fiscale des multinationales US concernent douze pays : les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, la Chine, le Brésil, la France, le Mexique, l’Inde, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et l’Australie. La France en particulier aurait vu s’envoler 14 milliards de dollars de bénéfices transférés en 2012 hors du pays par les multinationales américaines. Si ces bénéfices avaient été imposés au taux normal (33,3%), elle aurait collecté plus de 4,5 milliards de dollars de recettes fiscales en plus.

« Lorsqu’on sait que ces données ne concernent que les entreprises américaines sur une année, cela en dit long sur l’ampleur du transfert de bénéfices pratiqué par les multinationales pour se soustraire à l’impôt. Les pays du G20 doivent impérativement mettre en place une information publique par pays pour prévenir ces pratiques. Le gouvernement français s’y est opposé en décembre 2015.

Si les pays du G20 sont ceux qui perdent le plus d’argent en valeur absolue à cause de ces pratiques d’évasion fiscale des entreprises, les pays les plus pauvres sont touchés beaucoup plus durement. En effet, l’impôt sur les sociétés compte pour une part importante de leur budget.

« Le plan d’action de l’OCDE es insuffisant : les mesures proposées ne permettront pas de s’assurer que les entreprises paient leurs impôts là où elles ont une activité», commente Lucie Watrinet, chargée du plaidoyer financement du développement au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.

Les organisations demandent au G20 que les prochaines réformes fiscales internationales puissent inclure tous les pays sur un pied d’égalité. Ces réformes doivent s’attaquer efficacement aux pratiques fiscales dommageables telles que les transferts de bénéfices, le recours aux paradis fiscaux et mettre un coup d’arrêt au nivellement par le bas de la fiscalité des entreprises.

Présidence du CCFD-Terre Solidaire

Sylvie Bukhari-de Pontual deviendra à la mi -2016 présidente du CCFD-Terre Solidaire à la suite de Guy Aurenche.
Avocate et directrice du Master Solidarité et Action Internationales (Faculté de Sciences Sociales et Économiques, Institut Catholique de Paris), elle est membre de Justice et Paix et ancienne membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. Elle a été présidente de l’ACAT France de 2002 à 2005, puis présidente de la FIACAT jusqu’à ce jour.

Elena Lasida

Merci à Elena Lasida, chargée de mission à Justice et Paix pendant de nombreuses années. Elle y a animé le travail sur le développement durable, les travaux éthiques, les actions et publications avec les instituts religieux. Elle a parcouru la France pour des conférences, des rencontres multiples et variées. Elle devient responsable Ecologie et Société à la Conférence des Evêques de France et continuera à conduire les travaux du Groupe Développement durable, maintenant conjoint à Justice et Paix et au Service National Famille et Société de la CEF.