Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Dans son Message pour la Journée mondiale de la Paix, le pape François montre comment « l’indifférence constitue une menace pour la famille humaine » et exhorte à « vaincre l’indifférence et conquérir la paix ».

Il appelle à ne pas perdre l’espérance en la capacité de l’humanité à œuvrer dans la solidarité au-delà des intérêts individuels ; il alerte sur les effets d’une apathie généralisée, menace pour la paix.

La « mondialisation de l’indifférence ».

A Lampedusa, en 2013, il a pour la première fois employé l’expression : « Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, elle ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire ». Il la reprend dans l’exhortation apostolique La Joie de l’Evangile : « la culture du bien-être nous anesthésie » (n.54). Il en a fait le thème central de son message pour le Carême 2015. Selon lui, l’indifférence, « ce mortel enfermement sur soi-même », est l’un des grands maux de notre temps.

François envisage l’indifférence sous deux aspects, liés entre eux : le plan personnel, au niveau du cœur humain et celui des structures sociales, politiques et économiques. Jean-Paul II parlait déjà de « structure de péché », indiquant ainsi la dimension politique de la responsabilité personnelle.

« De nos jours, (l’indifférence) a dépassé nettement le domaine individuel pour prendre une dimension globale et produire ce phénomène de la globalisation de l’indifférence ».

 

L’indifférence envers l’autre, « fille de l’indifférence envers Dieu ».

Le pape affirme d’emblée que « Dieu n’est pas indifférent ! ». C’est la clé pour entrer dans ce message : « la première forme de l’indifférence est l’indifférence envers Dieu, dont procède l’indifférence envers le prochain et envers la création ». (n. 3) Quand l’indifférence envers Dieu « investit la sphère publique et sociale » et que l’homme prétend être l’auteur de lui-même, être sa propre norme et ne rien devoir à personne, il devient « indifférent » envers le prochain et la création.

L’abondance actuelle des informations ne conduit pas de soi à une meilleure perception de la réalité : elle peut même générer un phénomène d’accoutumance qui rend insensible, ou encore une saturation qui anesthésie et relativise les problèmes. (.n.3) On surfe sur le net et on zappe, sans compassion devant les cris de l’humanité.

L’indifférence, menace pour la paix.

L’indifférence conduit à l’inertie et au désengagement, laissant se développer des situations d’injustice et de déséquilibre social qui entretiennent un climat d’insatisfaction où fermentent les violences qui nourrissent l’insécurité.
Lorsqu’elle « investit le niveau institutionnel », et que l’objectif est l’acquisition du pouvoir ou la préservation des richesses jusqu’au mépris des droits fondamentaux, l’indifférence peut en arriver à justifier « certaines politiques économiques déplorables, annonciatrices d’injustices, de divisions et de violences », lesquelles constituent autant de menaces pour la paix.

« Qu’as-tu fais de ton frère ? »

La parabole du Bon Samaritain, icône de l’Année de la Miséricorde, nous est donnée pour « apprendre à s’arrêter devant les souffrances de ce monde pour les soulager, devant les blessures des autres pour les soigner, avec les moyens dont on dispose, à commencer par son temps,» (n.5). Nous devons prendre conscience des maux de notre temps et prendre acte de l’interdépendance qui existe entre la vie de l’individu en un lieu donné et celles de ses contemporains dans le reste du monde : nous sommes responsables les uns des autres. Cette responsabilité prend corps dans la solidarité, à savoir « la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun ». « Nous sommes appelés à faire de l’amour, de la compassion, de la miséricorde et de la solidarité un vrai programme de vie, un style de comportement dans nos relations les uns avec les autres » (n.5)

Promouvoir une culture de solidarité, de miséricorde et de compassion.

A partir d’exemples de bonnes pratiques (n.7), le pape François encourage les familles, « premier lieu où se vivent l’attention et le soin de l’autre », exhorte les éducateurs à transmettre dès le plus jeune âge les valeurs de la liberté, du respect réciproque et de la solidarité » et questionne les moyens de communication sociale « qui influent sur la formation de la personne d’une manière positive ou négative ». (n.6)

Dans l’esprit du Jubilé de la Miséricorde, il invite chacun à examiner comment l’indifférence se manifeste dans sa propre vie, et appelle les Etats à poser des actes de courage à l’égard des personnes les plus fragiles, comme les prisonniers, les migrants, les chômeurs et les malades.(n.8) C’est à une conversion du cœur et à des actes concrets qu’il nous convie.
« La mondialisation de l’indifférence doit céder la place à la mondialisation de la fraternité ! »

Il y a dix ans, Justice et Paix publiait, dans la collection Documents Episcopat, le n°3-4/2005  TERRORISME, condamner, expliquer, résister, issu d’un travail mené sous la direction de Christian Mellon. Le contenu du premier chapitre « Terrorisme : définition difficile, mais nécessaire » est ici examiné.

Dès que l’on prétend réfléchir sur le terrorisme, porter sur lui des jugements éthiques et/ou politiques, débattre des attitudes à adopter à son égard, on s’aperçoit très vite que l’on a besoin de s’accorder sur le sens de ce mot. Il est en effet chargé de tellement d’affects qu’il est très souvent utilisé uniquement pour condamner un acte de violence avec une force toute particulière. Il sert moins à décrire des actes qu’à manifester l’intensité de la répulsion qu’ils inspirent, fonctionnant alors comme une sorte de superlatif de la violence condamnable.
C’est justement parce que l’usage du mot entre si souvent dans la guerre des propagandes qu’il importe d’en proposer une définition objective en faisant abstraction de tout jugement de valeur sur les causes défendues par ceux qui y recourent. Il ne s’agit évidemment pas d’exclure le jugement de valeur sur de tels actes, mais de noter qu’il n’a pas à interférer dans la recherche d’une définition-description de ce mode d’action.

Une violence politique

Il y a au moins un point que l’on trouve dans presque toutes les définitions proposées : l’adjectif «  terroriste » désigne une forme de violence qui s’exerce dans le champ politique, au sens large. Mais nombreuses sont les formes de violence qui s’exercent dans le champ politique : guerres, guérillas, assassinats politiques, etc. Qu’est- ce qui caractérise les actes « terroristes »? Pour une première approximation, on peut partir du contenu même du mot : il est de l’essence même d’un tel acte d’inspirer la peur. On objectera que cela est vrai de tout acte de violence, mais les actes terroristes ont vraiment pour objectif « stratégique » de susciter la peur dans une population, afin d’en récolter des bénéfices politiques.

Une stratégie indirecte

Pour cerner plus précisément ce qui caractérise en propre un acte terroriste et qui le distingue d’un autre acte de violence politique, la distinction entre « stratégie indirecte » et « stratégie directe » est éclairante.
Dans la « stratégie directe » (par exemple la guerre classique, la guérilla, l’assassinat politique ciblé, etc.), le but visé à travers l’action violente est d’affaiblir un ennemi en cherchant à « mettre hors de combat » toute personne contribuant directement à son effort de guerre (combattants, décideurs, ouvriers de l’armement, agents de communication ou de logistique, agents de renseignements, etc.). Dans la « stratégie indirecte », l’affaiblissement de l’ennemi est visé à travers l’élimination, non pas de ses forces, mais de sa résolution : il s’agit d’obtenir de lui qu’il accomplisse, ou renonce à accomplir, tel ou tel acte, non pas sous la pression de la contrainte matérielle, mais sous la pression de la peur. Or dans les pays démocratiques, l’attitude de l’opinion publique est un facteur essentiel – sinon toujours déterminant- de la résolution politique des décideurs. Celui qui planifie un acte « terroriste » suppose –souvent à tort, mais c’est une autre question – que la population terrorisée par la menace de réitération des attentats, exercera sur ses dirigeants une pression telle qu’ils céderont à ses exigences en échange d’une suspension de cette terreur.

Le hasard et la perpétuation

L’efficacité de cette stratégie indirecte qu’est le terrorisme dépend donc, entre autres, de deux facteurs essentiels :
Que des destructions somme toute assez limitées répandent la peur la plus large et la plus intense possible. Pour cela, il importe qu’un grand nombre de personnes se sentent menacées. Il faut donc que la violence frappe au hasard, de telle manière que chacun puisse craindre d’être parmi les prochaines victimes. C’est pourquoi la forme la plus habituelle du terrorisme est l’attentat dit « indiscriminé » qui ne vise personne en particulier. On pourrait dire que l’expression « terrorisme aveugle » est un pléonasme.

Laisser planer la menace d’une réitération des actes terroristes. C’est évidemment un point essentiel, puisque l’effet de terreur n’est pas atteint, même après un attentat très médiatisé, si aucun nouvel attentat n’est à redouter : quel effet aurait un acte terroriste dont les auteurs proclameraient que c’est le dernier ? On voit bien, sur ce point, la différence radicale avec l’acte de violence « directe », qui a sa fin dans la destruction même qu’il réalise, indépendamment de toute perspective de réitération. C’est pourquoi on dit de l’acte terroriste qu’il est un « message » : nous continuerons, disent ses auteurs, jusqu’à ce que vous ayez fait ceci ou cela. Ceci se vérifie particulièrement dans la prise d’otages qui est une sorte de « réitération quotidienne » de l’acte terroriste.

La définition de la Convention du 8 décembre 1999 pour la répression du financement du terrorisme rend compte de tout cela. Y est terroriste « tout acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte quelconque. »