Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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L’effervescence du Grenelle de l’environnement est retombée. Cette rencontre aura constitué un tournant sur le fond d’abord, si les mesures annoncées s’inscrivent dans la réalité, mais aussi sur la forme : par le processus retenu, par la diversité des interlocuteurs, par la mise en dialogue, la France aura offert le visage d’une démocratie apaisée, adulte, loin des psychodrames dont nous sommes souvent si friands.

A cette occasion, la presse chrétienne s’est interrogée sur la place des chrétiens dans la lutte en faveur de l’environnement, souvent pour déplorer un engagement tardif et un manque de parole publique sur la question. Cette perspective peut être questionnée : pourquoi chercher à isoler la composante chrétienne ? Avons-nous une contribution spécifique à apporter dans ce domaine ? Y-a-t-il une parole d’Eglise sur l’environnement et le développement durable ?

Certes, l’Eglise n’a pas été pionnière par rapport à ce problème qui constitue pourtant une menace pour la vie humaine. Faut-il alors culpabiliser ? Ou chercher à se justifier ? Ou mettre en avant les quelques déclarations pontificales faites sur la question ? Pourquoi ne pas profiter de ce « retard » pour repenser notre manière d’être présents dans le monde en tant que chrétiens ?

Nous nous sentons souvent responsables d’éclairer le monde, mais peut-être le moment est-il arrivé de nous laisser aussi éclairer par le monde. Le développement durable pourrait constituer une chance de découvrir une nouvelle forme de présence chrétienne dans le monde : une présence qui passe plus par une véritable incitation au dialogue que par la défense de grands principes et de vérités toutes faites.

Le livre de Justice et Paix « Notre mode de vie est-il durable ? » ainsi que la brochure sur une mobilité durable s’inscrivent dans cette perspective. Il s’agit d’une invitation au dialogue plutôt que d’une déclaration de principes. Nous disons comment la réalité du monde d’aujourd’hui interroge et sollicite notre représentation chrétienne de l’avenir, de l’humain et de la transcendance.

A la suite du Grenelle de l’environnement, nous avons peut-être à imaginer un Grenelle de la présence chrétienne dans le monde d’aujourd’hui.

En ce jour des droits de l’homme, les autorités religieuses ont remis à François Hollande et Nicolas Hulot les pétitions pour la justice climatique portées par le Global catholic movement, Religions for peace, Act Alliance et Our voices.

Leonardo Steiner de la Conférence épiscopale brésilienne, membre de la délégation du Saint Siège à la Cop21 et Mgr Brunin de la Conférence épiscopale française représentaient l’Église catholique. Ils se sont fait relai du message fort du pape François face à l’urgence de la situation dans son encyclique Laudato Si.

Les prises de parole de Mgr Steiner, Mgr Holtam, pour l’Eglise d’Angleterre, Dr. Ghaleb Bencheikh, de Religions for Peace et Yeb Saño, ancien chef des négociations des Philippines ont défendu la justice climatique. Le président s’est ensuite exprimé en saluant l’unité qui régnait entre religions quant au respect de la planète « notre bien commun ». Il a qualifié l’accord sur le climat de « défi pour donner de l’espérance, de la confiance en l’avenir. »

La veille de la signature de l’Accord de la Conférence de Paris, le président n’a pas caché des « difficultés sur les financements et leur répartition. Il y a notamment des résistances par rapport à la prise en compte des pertes et des dommages liés au changement climatique et la nécessité que les engagements pris ne soient pas trop lointains. » « Il faut rappeler pourquoi les négociateurs sont là, non pas simplement au nom de leur État, ni au nom de l’histoire de leur continents, ni pour réclamer la justice pour les uns, des délais pour les autres. Ils sont là pour régler l’avenir de la planète. »

Prions pour que l’Accord signé demain soit à la hauteur de ces espérances exprimées.

Sous ce titre, le Conseil Pontifical Justice et Paix a publié une note le 24 octobre dernier. Quelques jours avant le sommet du G20 de Cannes, et dans un contexte de crise financière mondiale, avec des effets particulièrement graves au niveau de l’Union Européenne, le texte appelait à une autorité publique de compétence mondiale au service du bien commun universel.

Il s’agit d’un rappel plutôt que d’une nouveauté : cette demande était formulée dans l’encyclique Pacem in Terris en 1963 (n° 136-141), et reprise par la suite, notamment dans la dernière encyclique de Benoît XVI, Caritas in Veritate (n°67). Mais la demande est présentée dans cette note de manière plus développée et plus concrète.

Trois repères à souligner pour la création de cette autorité mondiale :

  •  Elle doit être au service du bien commun : ses décisions ne devront pas être le résultat de la toute- puissance des pays plus développés sur les pays plus faibles ou au service de certains groupes ou lobbies privés.
  •  Elle ne peut être imposée par la force : sa constitution sera précédée d’un processus de concertation. Emergera ainsi une institution légitimée par l’accord libre et partagé de tous les pays, y compris les moins développés, qui sont en général mis à l’écart des grandes décisions internationales.
  • Elle répondra aux principes de subsidiarité, de pluralisme (respect de réalités culturelles diverses), de solidarité et de personnalisme (l’être humain doit être au centre du bien commun universel).

Trois propositions concrètes au niveau financier :

  • Instituer une taxation des transactions financières, dont le produit serait affecté à une réserve mondiale destinée à soutenir les économies des pays touchés par la crise. L’idée n’est pas nouvelle et elle était à l’ordre du jour du G20.
  •  Soumettre la recapitalisation des banques à la condition que les bénéficiaires des fonds publics adoptent des « comportements vertueux » et orientés vers le financement de l’économie réelle. Les conditions de cette recapitalisation restent à définir. S’agit-il d’une nationalisation partielle des banques ? Qu’est-ce en effet qu’« un comportement vertueux » pour une banque ?
  • Séparer les activités d’investissement et de crédit afin de pallier les effets pervers des « marchés ombres » privés de tout contrôle et de toute limite. Un principe réclamé depuis la crise des sub primes de 2008.

Il n’y a ni apport nouveau ni solution miracle dans la note publiée. Juste un rappel fort des principes fondamentaux illustré par quelques propositions concrètes, au moment où se cherche une nouvelle forme de gouvernance financière au niveau mondial. Une manière pour l’Eglise de se faire présente dans un moment crucial de notre humanité, non pas comme « donneur de leçon » mais plutôt comme participant avec d’autres à la recherche d’un devenir plus humain pour la planète.