Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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En 2022, le prix Nobel de la paix a été attribué au Centre pour les libertés civiles ukrainien (représenté par sa présidente Oleksandra Matviïtchouk), au militant biélorusse Ales Bialiatski et à l’ONG russe Memorial.

Au moment où nous célébrons la 56e Journée mondiale de la Paix, le discours[1] d’Oleksandra Matviïtchouk nous rappelle que :

« …même dans les démocraties développées, les forces qui remettent en question les principes de la déclaration universelle des droits de l’Homme, gagnent du terrain. Ce n’est pas parce que les droits humains ont été garantis par le passé qu’ils le seront à l’avenir. Nous devons continuer sans relâche à protéger les valeurs de la civilisation moderne…

…Cette guerre n’est pas une guerre entre deux États mais entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie. Nous nous battons pour construire un État où les droits de chacun sont garantis, les autorités doivent rendre des comptes, les tribunaux sont indépendants…

…Nous devons réformer le système international pour protéger les populations contre les guerres et les régimes autoritaires… les droits humains devront être au cœur de ce nouveau système. Nous n’avons peut-être pas d’outils politiques, mais il nous reste nos mots et nos actes. Les gens ordinaires ont beaucoup plus d’influence qu’ils ne le pensent. Les voix de millions de personnes peuvent changer le monde plus vite qu’une intervention de l’ONU…

…Une paix durable qui libère de la peur et apporte l’espoir d’un avenir meilleur est une chose impossible sans justice…

…Et, comme cette cérémonie de remise du prix Nobel de la paix a lieu en pleine guerre, je me permets de tendre la main vers les populations du monde entier et de lancer un appel à la solidarité. Car il n’est pas nécessaire d’être Ukrainien pour soutenir l’Ukraine. Il suffit d’être humain. »

[1] Traduit par Valentine Morizot, et reproduit avec l’autorisation du journal Le Monde où il a été publié le 10 décembre, le  discours  d’Oleksandra Matviïtchouk est sur le site de Justice et Paix.

NOTE à la suite du Colloque du 6 décembre 2022 organisé par Justice et Paix.

La dynamique des droits humains est une vieille histoire. Le 10 décembre nous rappelle qu’après le désastre de la seconde guerre mondiale, un horizon commun et des modalités de contrôle et d’action s’imposaient, pour éviter que cela ne se renouvelle. La dignité était proclamée comme le point d’ajustement des pratiques étatiques et personnelles.

La question du contrôle desdites pratiques s’est posée très tôt. Comment organiser un « droit de regard extérieur, sans se heurter au principe de la souveraineté des états. L’ACAT et d’autres associations y ont travaillé dès 1980. L’institution du Contrôleur des lieux de liberté est le fruit de cette démarche. Elle mérite d’être connue et soutenue.

Justice et Paix s’est donc saisi de l’opportunité d’une rencontre avec Mme Dominique SIMONNOT, Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) pour susciter, à l’occasion d’un Colloque organisé le 6 décembre 2022 au siège de la Conférence des Evêques de France un échange sur les chantiers actuels et urgents repérés comme tels par la CGLPL dans le cadre de sa fonction.

Les missions confiées à la CGLPL s’y prêtent en effet : le législateur français a institué, par la loi n°2007- 1545 du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) bénéficiant du statut d’autorité administrative indépendante et qui peut visiter et contrôler à tout moment, sur l’ensemble du territoire français, les conditions de rétention ou de détention des personnes privées de liberté. Ainsi que le précise l’exposé des motifs de la loi, la création du CGLPL montre la volonté de la France de s’engager pleinement dans un contrôle indépendant et effectif de l’ensemble des lieux de détention, quelle que soit la structure concernée : établissements pénitentiaires, centres hospitaliers spécialisés, dépôts des palais de justice, centres de rétention administrative, par exemple. Il permet à la France de répondre aux standards européens en la matière et de respecter les stipulations du Protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adopté par l’Assemblée générale des Nations-Unis le 18 décembre 2002 et signé par la France le 16 septembre 2005. Ce contrôle porte sur le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, comme sur le contrôle des conditions de leur prise en charge. Le CGLPL est totalement indépendant afin d’assurer la pleine légitimité de son action.

Cette dynamique puise ses racines en droit interne dans le constat opéré dès l’année 2000 par Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, dans le rapport de la commission alors présidée par ce dernier : « On ne peut réinsérer une personne privée de liberté qu’en la traitant comme un citoyen. Le contrôle extérieur des prisons s’impose donc, pour s’assurer que sont respectés les droits des détenus et donnés à l’Administration pénitentiaire les moyens d’une telle politique ».

L’enjeu de la création du CGLPL est ainsi clairement exprimé dans les travaux parlementaires préparatoires à la loi : faire entrer un regard extérieur dans un lieu clos afin, d’une part, de prévenir d’éventuels abus qu’un milieu fermé peut favoriser (les lieux de privation de liberté étant par nature des lieux de violence), et, d’autre part, de lever la suspicion sur les conditions de traitement des personnes enfermées (rapport n°162 de M. Philippe Goujon au nom de la Commission des lois de l’Assemblée Nationale – 18 septembre 2007-).

Forte de cette légitimité et de cette ambition, Mme SIMONNOT, par ailleurs ancienne journaliste et à ce titre depuis longtemps habituée des prétoires (voir notamment «Coup de barre. Justice et injustices en France» Le Seuil 2019) a exprimé d’emblée lors du Colloque combien les mineurs pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) était malheureusement exposés au quasi-déterminisme de la filière «Mineurs suivis par l’ASE – Jeunes majeurs passant en Audiences de comparutions immédiates correctionnelles». Si le sort de nos Anciens accueillis en EHPAD focalise assurément aujourd’hui, et à juste titre, toute l’attention, notamment à la suite des scandales récemment révélés quant aux conditions de leur prise en charge, les conditions dégradées du suivi des jeunes en situation de danger doit interroger en urgence tant la société civile que les acteurs politiques quant au devenir de ces mineurs davantage « cassés » que « réparés » par les dispositifs institutionnels existants.

A cet égard, un plus grand engagement du ministère de l’Education nationale dans l’enseignement actuellement dispensé de façon sous-dimensionnée aux mineurs en milieu fermé (lesquels bénéficient d’un nombre d’heures de cours inférieur à celui des autres élèves) se révèle être un impératif catégorique pour l’Etat, et, pour la CGLPL, un point de vigilance majeur.

En écho à cette vigoureuse et bienfaisante interpellation, Jean-Louis DAUMAS, ancien Directeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) a souligné combien, si le principe de l’enfermement des mineurs (en Centres Educatifs Fermés -CEF -, en Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs -EPM- ou en établissements pénitentiaires traditionnels) ne posait en lui-même pas véritablement difficulté (la contention représentant dans certaines situations la condition indispensable de l’acceptation des limites et des règles sociales par les jeunes délinquants et garantissant leur absence de plongée dans «la folie»), le respect de plusieurs points cardinaux de l’action éducative revêtait en revanche un caractère impérieux, au nombre desquels, tout spécialement, l’accès à l’enseignement, à la culture et à l’émotion artistique.

Un engagement résolu en faveur de l’accès des jeunes en situation de rétention ou de détention à l’éducation et à la culture détermine en conséquence la capacité de la République et de la société civile à restaurer ces jeunes dans leur dignité et à les inscrire avec efficience dans une véritable attitude citoyenne.

 

Le 6 décembre, Justice et Paix France s’est saisi de l’opportunité d’une rencontre avec Mme Dominique Simonnot, Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL[1]) pour susciter, à l’occasion d’un Colloque, une réflexion sur les chantiers urgents repérés comme tels dans le cadre de sa fonction.

Dominique Simonnot, par ailleurs ancienne journaliste, et depuis longtemps habituée des prétoires[2] a exprimé d’emblée combien les mineurs pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) étaient malheureusement exposés au quasi-déterminisme de la filière « Mineurs suivis par l’ASE – Jeunes majeurs passant en Audiences de comparutions immédiates correctionnelles ». Les conditions dégradées du suivi des jeunes en situation de danger doivent interroger en urgence tant la société civile que les acteurs politiques quant au devenir de ces mineurs davantage « cassés » que « réparés » par les dispositifs institutionnels existants. À cet égard, un plus grand engagement du ministère de l’Éducation nationale dans l’enseignement qui leur est délivré apparaît indispensable (actuellement les mineurs en milieu fermé bénéficient d’un nombre d’heures de cours inférieur à celui des autres élèves). Cette situation se révèle être un impératif catégorique pour l’État, et pour la CGLPL un point de vigilance majeur.

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En écho à cette vigoureuse interpellation, Jean-Louis Daumas, ancien Directeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) a souligné que le principe de l’enfermement des mineurs (en Centres Éducatifs Fermés -CEF-, en Établissements Pénitentiaires pour Mineurs -EPM- ou en établissements pénitentiaires traditionnels) ne pose, en lui-même, pas véritablement d’interrogation. La contention représente dans certaines situations la condition indispensable de l’acceptation des limites et des règles sociales par les jeunes délinquants et garantit leur absence de plongée dans « la folie ». Mais à condition que le respect des « quatre points cardinaux de l’action éducative » revête un caractère impérieux : respect de la dignité physique et psychique du mineur détenu ; accès à la culture et à l’émotion artistique ; travail du lien entre le mineur détenu et sa cellule parentale ; libre accès du mineur détenu aux soins et aux compétences de professionnels de la jeunesse.

La réunion de conditions idoines de prise en charge de ces mineurs (ASE, CEF, EPM ; établissements pénitentiaires traditionnels etc.) renvoie ainsi à l’importance du Comment soulignée par le père Marc Génin, aumônier orthodoxe de la Centrale de Poissy, lequel doit tout autant être priorisé selon lui que le Quoi. En effet, l’efficience de l’action mise en œuvre au service du détenu découle de façon déterminante de ses conditions de mise en œuvre. Sur ce chemin, la proposition de la Justice Restaurative, qui permet la rencontre d’un groupe d’auteurs d’infractions et d’un groupe de victimes de ces infractions, peut favoriser, voire déclencher une vraie prise de conscience chez l’auteur de la souffrance subie par la victime et constitue, tant pour l’un que pour l’autre, un précieux chemin de restauration, voire de renaissance personnelle offrant la possibilité d’un véritable « nouveau départ » une fois leur peine purgée.

Encore faut-il que la société civile comprenne l’importance de ce cheminement et c’est bien dans ce domaine de la communication que l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) développe son action, a exposé Yves Rolland, président de l’ACAT-France, soulignant la nécessité de s’emparer du combat des droits humains et d’interpeller les consciences, les institutions et les États.

Ainsi qu’il a été rappelé en clôture, c’est bien la notion de dignité qui, de façon transversale, demeure au cœur de l’action à mener, à développer et à toujours mieux parfaire au service de la personne en général et du mineur retenu ou détenu en particulier. C’est là qu’un avenir se joue, tant pour le jeune que pour notre société.

 

PS : on pourra retrouver les interventions de cette soirée sur le site https://justice-paix.cef.fr/ à partir du 15 janvier.

[1] Le législateur français a institué, par la loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) bénéficiant du statut d’autorité administrative indépendante et qui peut visiter et contrôler à tout moment, sur l’ensemble du territoire français, les conditions de rétention ou de détention des personnes privées de liberté.

[2] « Coup de barre. Justice et injustices en France » Le Seuil 2019.